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«On laisse les marchés sans gendarme ni radar!»

Publié le 13 août 2011 par Letombe

Arnaud Montebourg était interviewé par Libération ce vendredi 12 août sur la crise économique et budgétaire. Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous.

Recueilli par Lilian Alemagna

Arnaud Montebourg le 26 août 2010.

Arnaud Montebourg le 26 août 2010. (Stephane Mahe / Reuters)

 

Candidat à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg se prononce pour le «démantèlement des agences de notation» et «l'interdiction de la spéculation sur les marchés financiers».

 

Quelle est votre réaction au résultat (0,0%) de la croissance au deuxième trimestre?

Les discours d'autosatisfaction du pouvoir actuel assurant que la crise serait derrière nous sont une contre-vérité. Elle est devant nous. Trois ans après la plus grande crise financière depuis 1929, rien n'a été résolu. Aucune remise en ordre n'a eu lieu, la facture de la crise n'est toujours pas payée par le secteur financier qui en est le responsable, pire, les pouvoirs politiques sont convaincus de devoir la faire payer par leurs contribuables en organisant partout des plans d'austérité qui conduisent à la récession. Tous ceux qui pensaient que le retour de la croissance pourrait atténuer la douleur des conséquences de la crise n'ont plus d'autre choix que de se tourner enfin vers des remèdes beaucoup plus sévères contre les marchés.

 

Lesquels?

Un bras de fer entre le pouvoir financier (les marchés, les institutions financières, les agences de notation) et le pouvoir politique vient de s'engager. Les premiers veulent faire payer aux classes moyennes et populaires, les contribuables des Etats, les conséquences de la crise financière dont ils sont pourtant responsables. Une lutte très dure s'est ouverte pour mettre en difficulté les Etats en faisant croire aux opinions publiques que les dettes accumulées par les Etats seraient de leur responsabilité.

C'est au contraire le secteur financier, sauvé par les Etats qui ont du s'endetter pour y faire face en 2008, qui est responsable de la situation, les banques mordant la main de ceux qui les ont secourus il y a deux ans. Il est donc impensable que ces dettes publiques contractées dans la crise soient payées par les peuples. Quelle est la légitimité du patron de Standards and Poors pour dire ce que devrait être la politique de la France en matière fiscale et sociale?

 

Mais qu'est-ce que vous proposez?

Il n'y a plus d'autre choix que des mesures dirigistes et de prohibition. Le moment n'est plus à la régulation, qu'il aurait fallu faire il y a quinze ans. Nous sommes engagés dans un conflit ouvert et nous avons un arsenal juridique à notre disposition qu'il revient aux responsables politiques d'utiliser et mettre en œuvre: démantèlement des agences de notation, interdiction de la spéculation sur les marchés financiers pour tout établissement bancaire qui dispose d'une licence sur notre territoire et ses filiales.

Ce sont des mesures immédiates que nous pourrions prendre immédiatement, dès la session extraordinaire de septembre plutôt que je ne sais quelle règle d'or qui ressemble à une discussion sur le sexe des anges, concession surtout faite aux marchés financiers.

Enfin, il faut mutualiser chaque dette publique nationale des Etats de la zone euro due à la crise, dans une agence européenne chargée de racheter cette dette, financée par une taxe sur les transactions financières de la zone euro. Avec un tel dispositif, il n'y aurait aucune crise des dettes souveraines, et aucun plan de rigueur destiné à faire payer la crise financière par les gens.

 

François Hollande et Martine Aubry restent sur l'objectif de revenir à un déficit de 3% du PIB en 2013? Vous aussi?

Le désendettement progressif du pays est nécessaire. Mais il faudra le faire en faisant payer le secteur financier. Si c'est impossible au plan européen parce que les gouvernements européens sont encore aveuglés par leur idéologie libérale finissante, alors la mise en oeuvre doit être réalisée au plan national. Les contribuables issus des classes moyennes et populaires ne doivent pas financer par leurs impôts la dette due à la crise.

Concernant l'objectif de revenir à un déficit de 3% du PIB présent dans les critères de Maastricht, seuls trois pays le respectaient avant la crise! Pas même l'Allemagne! Pourquoi faudrait-il les respecter en pleine crise? Ce sont des critères obsolètes qui remontent à vingt ans. Il nous faut de nouveaux choix différents et adaptables: remplacer les règles stupides par des choix politiques me parait relever du bon sens.

Il est normal que les Français fassent des efforts pour financer la dépendance des personnes âgées ou le déficit de l'assurance maladie, qui exprime le niveau de solidarité qu'ils choisissent entre eux. Il est aussi normal de demander aux banques et aux grandes entreprises qui ont bénéficié d'avantage fiscaux et qui sont responsables de la crise de payer pour leurs propres impérities et leurs graves conséquences.

 

Vous êtes le plus radical des candidats socialistes à la primaire. Ne regrettez-vous pas de voir vos camarades jouer une carte beaucoup plus réformiste?

Mes propositions ne sont pas incompatibles. Je propose des mesures de démondialisation financière, ayant pour objectif de rendre le politique plus fort que les marchés. On me dit que je serais trop radical? Mais le plus radical et le plus extrémiste ne serait il pas le système qui a fabriqué cette crise?

Face à Nicolas Sarkozy, il faudra bien que le PS ait les idées de la France d'après. Il ne peut plus s'inspirer de la gestion libérale du système. C'est le sens de ma candidature. Il est impossible d'imaginer qu'on puisse mener la France dans la réalisation du projet socialiste, même a minima, si nous n'avons pas vaincu les marchés. Il faut interdire au marché de se comporter comme il se comporte, et briser leur pouvoir qui empêche d'exercer le nôtre.

On met des radars partout sur les routes de la vie quotidienne des Français pour assurer la sécurité routière. C'est une bonne chose, mais dans la finance, on laisse les marchés sans ligne blanche, sans gendarme ni radar. On laisse ses opérateurs se comporter comme des chauffards et en plus on leur fait des chèques! Si nous ne parvenons pas à faire cesser cette insécurité financière, le peuple aura perdu sa liberté de choisir, et je ne donne plus très cher de l'avenir de nos démocraties encore apaisées et tranquilles.

 

Manuel Valls propose une rencontre entre les candidats à la primaire avant l'université de La Rochelle. Quel est votre avis?

On peut se voir mais vous savez on se téléphone tout le temps! Il ne s'agit pas de solenniser cette rencontre. On s'entend bien les uns avec les autres!

 

Arnaud MONTEBOURG

 

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