Depuis qu'il est devenu payant, le forum Parker/Squires est très loin d'atteindre le niveau d'activité qu'il avait avant cette décision pécuniaire. Comme l'écrit un des membres actuels, on est plus comparable à la circulation dans un village nord-coréen un soir de week-end, alors qu'avant, c'était Time Square à l'heure de pointe. Une chute vertigineuse de fréquentation et surtout un niveau de sujets très sensiblement inférieur, l'essentiel y étant de dire au Maître des lieux qu'on partage ses points de vue.
C'est donc devenu un monde de "bénis oui-oui" , frisant souvent l'obséquiosité vis à vis du Maître. Bref, ça dormait grave et surtout n'avait vraiment plus beaucoup d'importance.
Et puis voilà qu'un membre de l'équipe de Parker, Jay Miller, qui s'occupe de l'Espagne, (déjà en délicatesse pour avoir accepté une croisière et autres babioles de la part de producteurs et/ou d'organismes liés au monde du vin) ravive une discussion récurrente suite aux $ 15.000 qui lui ont été payés pour une conférence sur le vin d'une région dont il a la charge.
On touche là une question particulièrement sensible aux USA (confer Nixon, Clinton et autres "menteurs"). La question n'est pas tant qu'il fut payé pour cela, avec une somme qui naturellement est en relation directe avec son propre lien à Parker; mais ce qui choque énormément certains de nos amis américains, c'est le fait que les grands principes parkériens d'indépendance vis à vis des propriétés, des négoces et autres sociétés impliquées financièrement dans le vin, sont en train de voler en éclat. Un peu comme le principe fondamental imprimé en première page, énonçant l'aveugle comme principe de dégustation : ce qui n'est plus guère le cas comme chacun sait.
Bon, dans les commentaires qui ont enflammé le forum au point que Mark Squires a dû pratiquer une double censure, il y a comme d'habitude une pointe de jalousie qui s'ajoute à un concept simplissime que quiconque touche de l'argent du secteur qu'il critique professionnellement, ne peut ensuite qu'avoir des commentaires biaisés. C'est loin d'être aussi simpliste. Il y a quand même des journalistes qui acceptent des déjeuners, des invitations, des billets d'avion (comme les critiques de théatre les places gratuites) même parfois des cadeaux, sans pour autant devenir des larbins douteux.
Sans être obligé constamment de dire urbi et orbi qui reçoit quoi et payé par qui, ce serait bien que les vrais journalistes du vin fassent de temps en temps une petite note pour leurs lecteurs explicitant leur propre position en la matière. Le problème avec Parker, qui revient souvent sur ce point, c'est que maintenant on est assez éloigné de ses principes initiaux "d'avocat des consommateurs" à la Nader. Il doit pas mal ramer et ramer pour convaincre son lectorat qu'il a finalement peu changé. Peu y croient.
Comme je l'ai écrit sur ce forum américain à de multiples reprises, mais sans que cela ne suscite d'intelligents commentaires, la solution à ce problème est évidente, simplissime, existante : DEGUSTER A L'AVEUGLE. Ah oui, ce serait un sacré changement !
D'abord, ça remettrait une bonne dose de modestie dans un milieu qui en manque singulièrement. Ensuite, s'il est vrai que les dégustations "aveugle" ont des défauts (difficulté entre autres de valoriser le potentiel d'un vin - quoique -), il devrait être patent pour chacun que ces défauts sont loin d'avoir le même poids que ceux de dégustations où l'influence de l'étiquette joue un rôle peut-être pas fondamental, mais sensiblement important. On ne déguste pas, on ne commente pas un Château Latour comme on déguste ou commente un Haut-Carles. Je le regrette personnellement.
Bon, je le sais, je prêche dans le désert. Mais je suis certain qu'avec le temps, et d'autres mini scandales comme celui-ci ou dernièrement l'opération Suckling en Toscane, cela ne va pas améliorer le point de vue des lecteurs vis à vis de la critique professionnelle.
Vous me permettez un moment d'orgueil ? Merci : j'ai le doux sentiment que le GJE est en avance sur son temps et que, d'ici quelques années, on lira avec plus d'attention ceux qui travaillent en "aveugle" (nous ou d'autres) par rapport à ceux qui aiment les tapis rouges devant les augustes portails de nobles châteaux.