Le talent a besoin de gestion. (André Siegfried)Trouver des idées n'est pas difficile. La créativité n'est pas une denrée rare, et de nombreuses techniques existent pour engendrer des idées.
Mais lorsqu'on produit des idées en grand nombre, par exemple pendant un brainstorming, il y a peu d'idées qui vont être effectivement être exploitées immédiatement. On abandonne donc généralement la grande majorité des idées générées au profit de quelques "bonnes idées".
Cette gestion des idées relève du gâchis. En effet, aucune idée n'est mauvaise, dès lors que l'on a compris que chaque idée peut conduire à la production d'autres idées, par combinaison avec d'autres idées, extension et radicalisation de l'idée originelle, renversement de point de vue...
De plus, certaines idées non exploitables immédiatement le seront peut-être dans quelques mois ou années, et il serait dommageable de les oublier.
Enfin, rien n'interdit de proposer des idées non exploitables dans sa propre entreprise à l'extérieur, c'est-à-dire chez un partenaire, un fournisseur, un client.
Regrouper les idées
Supposons que vous ayez à disposition mille idées, obtenues par un moyen ou un autre. Si vous ne consacrez que 30 secondes à la lecture de chacune d'elles, vous en avez pour plus de huit heures de travail. Si vous souhaitez évaluer chaque idée sérieusement, en passant en moyenne une demi-heure sur chaque idée (comment la mettre en œuvre ? avec quels moyens ? quel retour attendu ?) vous arrivez à environ trois mois d'évaluation à temps plein. Un travail de titan.
Cela semble trivial sur cet exemple, mais souvenons-nous du travail considérable que représente l'évaluation : il est probable que les tâches d'évaluations ne seront pas toutes confiées à la même personne, et sans méthodologie adéquate, difficile d'éviter l'évaluation indépendantes des idées voisines.
Il faut donc mettre en place une méthode de regroupement d'idées. On peut imaginer plusieurs manières de faire :
- on peut définir des thèmes : une idée appartient à un thème unique ;
- on peut définir des caractéristiques : chaque idée possède ou non un certain nombre de caractéristiques ;
- enfin, on peut définir un réseau d'idées : chaque idée est reliée à plusieurs autres idées.
Enfin, le réseau d'idées permet de structurer les idées de manière à ce que les idées voisines puissent être reliées entre elles indépendamment de caractéristiques à définir, mais c'est certainement l'approche la plus lourde de celles évoquées ci-dessus.
Mise en œuvre des regroupements
L'implémentation de l'idée des thèmes est particulièrement facile lorsque les idées arrivent au fur et à mesure : on peut en effet construire progressivement une arborescence de thèmes.
Pour illustrer le principe, on part de zéro avec un thème générique ("toutes les idées"), puis on y ajoute des idées jusqu'à en avoir une vingtaine. A ce moment, des thématiques d'idées devraient se dessiner, comme par exemple une thématique "design", une autre thématique "marketing", et une troisième thématique "R&D". On les définit alors comme des sous-thèmes du thème générique : "idées design", "idées marketing", "idées R&D". Puis on déplace les idées du thème générique dans le sous-thème adéquat.
On continue d'alimenter en idées l'arborescence en les rangeant dans les sous-thèmes (ou en créant un nouveau sous-thème si aucun ne convient), jusqu'à ce que l'un des sous-thèmes comporte une vingtaine d'idées : on doit alors pouvoir regrouper les idées de ce sous-thème en plusieurs thématiques, et créer des sous-sous-thèmes. Et ainsi de suite.
Le travail de construction de l'arborescence est probablement à confier à un nombre réduit de personnes pour rester cohérent, mais comme il s'agit essentiellement de classification, on est plus probablement dans les 30 secondes par idées que dans les 30 minutes.
Avec quel outil informatique peut-on réaliser l'arborescence ? On peut très bien commencer par un logiciel de cartes heuristiques comme FreeMind.
On peut aussi utiliser les thèmes et sous-thèmes principaux d'une arborescence déjà réalisée comme des labels : en effet, certaines idées peuvent se classer dans plusieurs branches et la construction de l'arborescence a conduit à faire un choix arbitraire, sans même s'en rendre compte.
Mais cela signifie que les idées doivent être toutes revues pour rajouter d'éventuelles caractéristiques, ce qui représente un travail considérable. Le mieux est alors de demander aux auteurs des idées de proposer l'attribution de caractéristiques supplémentaires à leurs idées. Les personnes chargées de la construction de l'arborescence pourront alors jouer le rôle de modérateurs pour assurer la cohérence de l'attribution des labels.
Outre la création du réseau d'idées, la navigation permet de découvrir des idées originales anciennes ou dont on n'a pas connaissance : certaines peuvent être exploitables alors qu'elles ne l'étaient pas lors de leur introduction, et d'autres peuvent être sources d'inspiration pour proposer de nouvelles idées. Les idées "filles" des idées déjà dans la base devraient en toute logique être reliées à leurs idées "mères".
Il ne manque plus que le bon logiciel
Voilà un canevas général de l'organisation d'une base d'idées qui me semble performant. Je ne connais hélas pas de logiciel capable de faire tout ça, même s'il existe plusieurs logiciels traitant de l'aspect "réseau social" de soumission des idées, comme Spigit, aspect essentiel pour faciliter la collecte des idées au sein d'une entreprise.
Un tel logiciel de gestion de bases d'idées serait à mon sens utile pour les entreprises qui innovent, aussi bien que pour les médiateurs techniques qui doivent trouver créativement des secteurs d'activités pertinents pour chercher les solutions de leurs clients.