Il n'a échappé à personne qu'une télévision était un très bel outil de pression pour les entreprises travaillant avec l'Etat. Bouygues, Lagardère, Suez (actionnaire historique M6), Bolloré et d'autres ont ainsi mis la main sur des fréquences afin de développer une puissance médiatique redoutable.Ce pouvoir médiatique permet de créer et de susciter l'intérêt pour des débats de société, comme la libéralisation des jeux en ligne, mais aussi d'impacter la vie politique du pays. A ce titre, la loi contraint les chaînes à respecter un semblant d'égalité. Cela se traduit notamment par le contrôle du temps de parole dechaque parti. Or, l'égalité des temps de parole ne suffit pas à elle seule à garantir l'équité affichée. D'autres facteurs, plus insidieux, doivent être pris en compte : les thématiques abordées, l'empathie de l'interviewer, la personnalité reçue, la « mise en scène » choisie … Ainsi, les chaînes, TF1 en tête, ont bien compris que cette loi sur le temps de parole les autorise de fait à ne respecter que cette unique règle. Cette règle a donc largement contribué à l'instrumentalisation de la politique. Suivant cette ligne politique, le CSA a largement déculpabilisé les chaînes en indiquant que les rédactions et journalistes restaient libres de leurs lignes éditoriales. Il faut rappeler, secret de polichinelle, que TF1 dispose de sympathies établies au sein du CSA.Christine Kelly, lors de sa nomination, n'avait d'ailleurs pas nié (Gilles Boussaingault, TV Magazine, 27 février 2009) que si elle devait prendre une décision contre le directeur de l'information de TF1 (à l'époque Jean-Claude Dassier), elle demanderait à un autre conseiller de le faire.Quant à Michel Boyon, le président du CSA il était chef de cabinet au sein du ministère chargé de la privatisation de TF1. Il a d'autre part toujours été prompt à défendre les grands groupes audiovisuels français.La haute autorité ne fera donc jamais de peine à TF1. La chaîne de Bouygues a donc le champ libre pour organiser les prochaines présidentielles.Les premiers à en faire les frais sont bien entendu les candidats qui se sont permis de critiquer TF1, à tord ou à raison. Par exemple, Arnaud Montebourg et François Bayrou. Concernant le premier, l'annonce de lacandidature n'a pas reçu l'accueil médiatique de non-candidats Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, sous couverts de sondages dont on connaît la valeur. Arnaud Montebourg est maintenant totalement marginalisé !Au centre, Bayrou est l'homme à abattre. Il faut dire qu'il l'avait cherché. Celui-ci avait en effet mis en cause l'indépendance de TF1 en direct sur le plateau du 20H. Borloo et son parti radical sont alors pour TF1 la façon de sceller définitivement le sort du Modem. Nul doute que la tribune hebdomadaire offerte par TF1 sur LCI à Rama Yade, qui vient de rejoindre le parti radical, ne sera pas compensée par une émission hebdomadaire offerte à un membre du Modem. Pour François Bayrou, il risque d'être particulièrement difficile de faire passer ses idées sur TF1.Ensuite, rappelons qu'un salarié de TF1 est lui-même candidat à l'élection présidentielle. Certes, Nicolas Hulot n'est pas le premier transfuge des médias vers le monde politique, mais c'est bel et bien le premier à seporter candidat à un poste aussi important tout en restant salarié dudit média. Rappelons également qu'Ushuaïa est l'une des émissions les plus chères à produire (environ 1.5 Millions d'euros par émission) et qu'elle a été de longue date instrumentalisées par Bouygues, L'Oréal, Rhône-Poulenc pour « greenwasher » à grands tours de bras. C'est donc bel et bien dans cette continuité que Nonce Paolini (PDG de TF1) est parvenu à un accord avec Nicolas Hulot. Bien entendu, les simples citoyens que nous sommes neconnaissent pas les modalités de cet accord. Nicolas Hulot est ainsi devenu l'une des premières variables d'ajustement mises en place par TF1 pour la maîtrise des présidentielles de 2012. Cette opération permet tout simplement de récupérer des voix de gauche au premier tour pour les redistribuer (ou pas) au second tour.Enfin, TF1 dispose d'une arme de destruction massive qui permet de sceller le sort de la présidentielle dès le premier tour. C'est bel et bien de Marine Le Pen dont il s'agit. Le fait que les deux partis majoritairessoient naturellement placés au bord du précipice est une donnée considérable.Certes, TF1 ne fera pas campagne pour Marine Le Pen, mais la chaîne peut se contenter avec subtilité d'affaiblir l'un des deux candidats si ce dernier n'est pas suffisamment réceptif.La menace est réelle, TF1 et Bouygues, sa maison mère, sont en mesure d'influencer de façon considérable l'avenir de la France. Il est particulièrement déplorable que des personnes morales disposent de pouvoirs aussi importants pour faire valoir leurs intérêts d'entreprise au détriment des citoyens et de l'intérêt général. Dans ces conditions, on peut se demander quelle est la valeur réelle de notre vote. Il est plus que jamais essentiel qu'un contrôle indépendant soit mis en œuvre afin de garantir la loyauté des échanges lors de cette campagne et que nous ne laissions pas TF1 choisir son candidat. A cet égard, il est clair que le CSA n'a aucune utilité.