J’écris « petites mains » par délicatesse parce que la cuisine de Monique ressemble davantage à une armada qu’à une croisière sur le Nil. On y bosse du matin au soir alors qu’on ne fait qu’un service. Mais quel service !
On ne choisit pas un plat à la carte même si c’est possible (comme avec une imposante omelette aux truffes), on prend le menu et vogue l’assiette ! Y’a plus qu’à se laisser caresser le palais.
Il y a le mot mort dans la dénomination parce que c’était la soupe qui était servie traditionnellement à toute la famille pour la neuvaine, célébrée neuf jours après chaque enterrement. On travaillait dur, sans avoir le temps ne la tête à préparer quelque chose de compliqué. On utilisait les abattis des poules et les légumes de saison. On avait un pied de safran dans le jardin alors c’était facile de relever le gout du plat avec quelques pistils sans savoir qu’on était dans le luxe. Restait à y tremper de larges tranches de pain.Si vous n’êtes pas un habitué Monique interrogera la serveuse avant le retour de la soupière en cuisine : alors ils en ont pris combien ? La bonne réponse est trois (des assiettes pardi).
- C’est bon, dira Monique en hochant la tête.
N’allez pas croire qu’on cherche à vous gaver de soupe et de pain de campagne pour que vous caliez sur la suite. C’est juste pour vous habituer l’estomac.
Après cela, soyons raisonnables, ce sera fromages ou dessert.
Le Rocamadour du fermier voisin (on dira cabécou) côtoie le bleu des Causses et le Brie.
Le choix du dessert n’est pas une opération ouvrant tergiversations en fin de repas. On a été invité en début de service à opter pour le cake façon pain perdu, ou le fondant au chocolat, et leur crème anglaise, pour le vacherin aux noix sauce caramel, ou le pastis.
Malgré la réussite du vacherin, dont j’ai soutiré la recette à la cuisinière, je serais plutôt pastis sinon rien. Cette croustade au feuilletage imbibé de rhum et allégé de pommes confites provoque une émotion gustative tout juste adoucie par une des prunes que la patronne réserve aux habitués et aux amis, bref à tout le monde.
Ce serait indécent d’écrire que meilleur rapport qualité/prix est tout bonnement introuvable. On réserve de suite pour la semaine suivante.
Mais dimanche c’est menu de fête.
Si comme moi vous reculez devant le tanin de ces appellations régionales qui donne au breuvage un noir profond vous pencherez plus vers un Goutal ou un Château du Cèdre moins capiteux.
Sur le foie gras et les fromages, surtout les pâtes persillées, j’apprécie le Tariquet des « Premières Grives », largement moins gras qu’un Sauternes et pourtant non moins fruité. Mais vous pouvez préférer un vin plus sec comme le Caprice.
Sur la truffe, en haute saison (février) on ne lésinera pas sur le millésime.
Un nom qui vous invite à une balade dans les bois pour la cueillette des champignons ... tous comestibles, au moins une fois, pourrait-on dire avec un humour particulier. Je vous en parlerai dans quelques jours.
Restons chez Monique où, une fois la dernière assiette partie à la plonge, la maisonnée ne s’endort pas.
C’est le moment où l’équipe se met à table sans pour autant se restaurer dans la solitude.
Les clients toquent à la porte tout l’après-midi pour composer le menu d’un banquet, d’une fête ou d’une cérémonie qu’on programme d’avance.
Patiemment et avec un plaisir manifeste la patronne commente la carte et conseille un sandre au safran plutôt qu’un foie gras, somme toute banal dans le pays. Elle discute des vins, suggère un champagne pour accueillir les convives qui pourront poursuivre sans changer de bouteille. Elle va jusqu’à prêter un échantillon du nappage pour que les familles préparent des pochons de dragées assortis en terme de couleur.
Elle ne retire jamais le tablier et s’attarde à donner ses recettes. Comme à cet architecte anglais qui se rend pour dix semaines à la Nouvelle Orléans. Il part avec la marche à suivre pour réussir un pain de poissons, un feuilleté et un bœuf en daube.
Certes, à quatre heures de l'après-midi il ne faut pas espérer un repas complet mais on vous servira une assiette de charcuterie, un sandwich ou une omelette pommes de terre et oignons. Il est même probable que vous soupirerez comme ce marcheur anglais dans un français hésitant que c'est la meilleure de toute votre vie.
L’adresse n’est pas secrète. Gilles Pudlowski, Jamie Oliver et les critiques du Gault et Millau la connaissent par cœur. On y vient du monde entier comme en témoigne l'étoile du Texas offert par un client ravi. Une étoile amplement méritée !
Lou Bourdié, 46230 Bach.
Tél. 05 65 31 77 46
Menus (déj.): 15 € en semaine, 25 le dimanche