On nous l'avait promis crédible et enfin présidentiel. C'était même son seul atout pour 2012, contre ses concurrents de gauche. Puisque les promesses, ça ne compte plus. Pourtant, la séquence politique de mercredi dernier restera sans doute dans les annales de la communication politique, un plantage incroyable.
Plusieurs journalistes ont tenté de comprendre ce qui avait bien pu se passer ce mercredi 10 août 2011. Nicolas Sarkozy a complètement raté son exercice de communication politico-financière, mais a continué comme si de rien n'était.
Le ratage présidentiel
Lundi, la veille de l'un des plus grands ratages politico-médiatique depuis 2007 dans les colonnes du Figaro, Brice Hortefeux nous l'avait bien dit : «Sarkozy a mieux géré que d'autres les crises ». Mieux, un conseiller anonyme nous expliquait combien les Français « préféreront un homme d'État qui connaît le sujet, doté d'un crédit international ».
Nicolas Sarkozy est finalement le dernier président français ... du XXème siècle. Depuis son élection, il croit que quelques images ou bons mots pour un journal télévisé national suffisent à convaincre l'électorat. Cette fois-ci, il a cru que son simple retour, tel un Général revenant calmer une chienlit boursière, suffirait à calmer les esprits. C'était méconnaître la situation actuelle, l'hyper-rapidité de l'information, l'impatience volatile des marchés, l'irrationalité que provoque l'urgence des traders. Libération et le Figaro ont par exemple relaté que l'une des raisons du dévissage de l'action Société Générale était une fausse information publiée par le Daily Mail (un tabloid, rendez-vous compte !?!) indiquant que la banque française «se trouvait dans un état périlleux» et potentiellement au «bord du désastre». Le quotidien britannique avait ensuite reconnu son erreur.
Nicolas Sarkozy était donc revenu « secrètement », mardi 9 août dans la soirée, pour annoncer, le lendemain, 24 minutes avant le début de sa réunion, qu'il rencontrait ses principaux ministres. Pourquoi cette réunion imprévue ? Pourquoi ce secret ? Aucune décision concrète n'a été ensuite présentée. Tout juste la promesse de faire davantage d'économies lors de l'élaboration de la loi de finances 2012. Faute de décisions, les rumeurs ont pris le dessus: rencontre secrète avec les banques françaises, « négociation » avec les agences, etc. C'est à l'issue de cette réunion que le CAC40 est retombé dans le rouge. Combien de capitalisation boursière a-t-on perdu hier à Paris à cause de cet amateurisme ? Peut-on accuser Sarkozy d'amateurisme ? Tout l'après midi, alors que Nicolas Sarkozy reprenait l'avion pour retourner au Cap Nègre et faire semblant de ne pas stresser, l'Elysée a du démentir les rumeurs. Les trois agences furent même sollicitées à leur tour.
Le lendemain, la presse accusait, de « Sarkozy s'engage dans la voie d'économies supplémentaires, sans rassurer les marchés » (Les Echos) à « L'Elysée devise, les bourses dévissent » (Libération), ou encore : « Nicolas Sarkozy confronté à l'impatience des marchés » (Le Monde).
Pour finir et tenter de rassurer enfin, Nicolas Sarkozy a concédé l'organisation d'une réunion dès mardi prochain, avec Angela Merkel. La chancelière allemande fera le déplacement jusqu'à l'Elysée. Les deux parleront de l'amélioration de la gouvernance de la zone euro. Cette décision-là, au moins, était un premier pas. D'autant plus qu'un récent sondage accordait davantage de confiance à Mme Merkel qu'au président français pour « résoudre » la crise financière. La nouvelle fut temporairement bien reçue. Après un début de journée à nouveau baissière, Paris termina en hausse (+2,9% pour le CAC40), à l'instar des autres places européennes et même de Wallstreet.
Jeudi soir, l'Autorité des marchés financiers (AMF), avait enfin décidé d'interdire les ventes à découvert des valeurs financières cotées en France pour une durée de quinze jours. Cela faisait des mois que l'Autorité de régulation financière européenne, réclamait une telle mesure pour freiner la spéculation. Mais, selon certains analystes cités par le Monde et le Financial Times, la mesure arrive trop tard et pourrait réactiver la panique.
Et l'économie ?
Nicolas Sarkozy ferait mieux de s'occuper de la croissance. Le spectre du ralentissement de la machine économique guette.
La croissance économique est déjà moins bonne que prévu. La banque de France a ainsi réévalué à la baisse son estimation pour le second trimestre, à un petit +0,20% de PIB. Pour le troisième trimestre, sa prévision n'est que de +0,20% également. Rappelons que le gouvernement tablait sur un minimum de +2,0% cette année, un chiffre qui nécessiterait un fort rebond de +0,7% au 4ème trimestre si les prévisions de la Banque de France se confirment. Une perspective peu probable dans le contexte actuel: en Europe comme aux Etats-Unis, les plans de rigueur se sont multipliés. Les prix de l'énergie flambent à nouveau, comme ceux du pétrole ces derniers jours.
Or le rééquilibrage des comptes publics repose aussi et surtout sur une relance de la machine économique, et de meilleures rentrées fiscales. La France, qui donne des satisfecits qu'on ne lui a pas demandé aux programmes grec, espagnol ou italien, « a les moins bons ratios budgétaires de ce club des douze » (i.e. des 12 Etats encore noté Triple A par les 3 agences), comme le rappelait l'Expansion. Outre la France, ces « bien notés » sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, l'Australie, le Canada, les Pays-Bas, l'Autriche, le Luxembourg, la Norvège, la Suisse et la Finlande.
La campagne continue
N'en déplaisent à ceux qui espéraient que le président français s'occupe des vrais sujets, ce dernier a déjà repris sa campagne de réélection. D'ici le 16 août, Nicolas Sarkozy se prépare. Il a invité Jean-François Copé et Brice Hortefeux au Cap Nègre pour peaufiner son argumentaire de rentrée. François Fillon sera déçu, il ne fut convié à ces réunions de petites politiques alors qu'il a bien l'intention de chiper le leadership à droite.
Aujourd'hui vendredi 13 août, il va se montrer à Toulon, dans le Var, à quelques kilomètres de sa résidence d'été, pour « accueillir » le porte-avion Charles-de-Gaulle qui revient de 4 mois de guerre en Libye : « Le chef de l'Etat arrivera sur le porte-avions à 12h et prononcera à 12h30 une allocution devant les hommes d'équipage, avant de déjeuner avec eux ». En fin de semaine dernière, deux nouveaux soldats français ont été tués en Afghanistan, puis un nouveau jeudi. Sarkozy compte leur rendre hommage ce jour. On ne sait pas s'il a prévu de s'excuser pour le décès accidentel de 9 civils libyens, dont deux enfants, tués le 19 juin dernier par un missile occidental vraisemblablement français.
Avec l'agriculture, l'armée est le second totem identitaire que notre Monarque a choisi de brandir pour sa campagne de 2012.