Il est rentré. Mercredi 10 août 2011, Nicolas Sarkozy a interrompu ses vacances pour une « réunion de crise » à
l'Elysée. Son absence estivale finissait par faire tâche. Et la journée a été agitée par la rumeur d'une dégradation de la note de la France. Une rumeur ravivée par ... cette réunion surprise à
l'Elysée.
Depuis dix jours, la planète boursière s'est emballée. Du Cap Nègre, Nicolas Sarkozy avait tenté de faire croire, 10 longs
jours durant, qu'il était sur le front, entre deux ballades en vélo. L'absence quasi-générale des dirigeants européens de leur lieu de travail, à l'exception remarquée et remarquable de Silvio Berlusconi et José-Luis Zapatero,
avait fini par surprendre, choquer et inquiéter. Lundi, l'intervention télévisée de Barack Obama n'avait pas calmé la fébrilité de Wallstreet, qui chuta à nouveau.
On se souvient que l'an dernier déjà, à peu près à la même période, Nicolas Sarkozy avait du organiser une réunion de crise
le 20 août au Fort de Brégançon. Le 17 août précédent, l'agence Moody's, avait menacé de dégrader la note des emprunts français.
Cette fois-ci, il a poussé le trajet jusqu'à Paris. La raison était la même : la crise est grave. Une folle rumeur s'est
propagée dans les places: la France à son tour risquait la dégradation. L'organisation imprévue de cette réunion, après 10 jours d'absence, a ravivé les
inquiétudes des marchés. Sarkozy, gaffeur ? Et oui ! Le Figaro, désolé, commentait : « Mais la réunion surprise convoquée par Nicolas Sarkozy qui a interrompu ses
vacances pour aborder avec plusieurs ministres le thème de la crise économique et financières a ravivé les inquiétudes des investisseurs ».
Cette information était pourtant fausse. Un représentant de Standard & Poors
l'a démenti dans la journée, assurant que, comparé aux Etats-Unis, « le gouvernement français fait preuve de davantage de sérieux dans le règlement des questions budgétaires.» Ouf !
On est rassuré ! En fait, il est évident que la France, monarchie républicaine où tous les pouvoirs sont actuellement concentrés dans les mains du président élu, n'a aucun prétexte
institutionnel pour ne pas réduire son déficit. Aux Etats-Unis, le gouvernement du pays se partage entre Parlement et Président.
Les ministres Alain Juppé, François Baroin, Valérie Pécresse, et Jean Léonetti, ainsi que le gouverneur de la Banque de
France étaient présents à l'Elysée. Les photographes également, pour immortaliser la séquence. Il fallait que le Français en vacances comprenne que son président bosse dur. La réunion dura «
plus de deux heures en milieu de journée ».
Au final, pour annoncer quoi ? L'Elysée a publié un long communiqué: satisfecit accordésà la BCE et à la FED pour
avoir réussi à « réduire les tensions sur les marchés financiers ». On ne sait pas bien à quoi Sarkozy faisait allusion. Malgré un timide rebond mardi, les places boursières européennes
et américaines ont à nouveau gravement chuté mercredi. Ensuite, Sarkozy a rappelé son total soutien aux plans de rigueur
espagnol et italien, qui « ont été efficaces pour réduire de manière significative les taux d'intérêts sur la dette de ces deux pays. »
Mais le point majeur était l'autosatisfaction prévisible, jusqu'à rappeler... la réforme des retraites de 2010: « Le
président de la République a souligné que les évolutions actuelles valident la stratégie économique conduite par le gouvernement. Ainsi, la réforme des retraites adoptée en 2010 a permis de
renforcer de manière durable la soutenabilité à long terme de nos finances publiques et conforte le crédit de la France. » Nicolas Sarkozy semblait répondre aux critiques
franco-françaises. Il a aussi promis un nouveau plan de rigueur pour le 24 août, qu'il a demandé à ses deux ministres de l'économie et du budget.
A l'issue de ce meeting, on a donc pu voir Valérie Pécresse, bronzée, et François Baroin, moins bronzé, expliqué aux caméras
de télévision que la réponse européenne était la bonne. La ministre du budget devait être contente. Le Figaro venait de publier une tribune de son papa
vantant la fameuse « règle d'or » d'équilibre budgétaire... sans préciser le lien de parenté de l'auteur avec sa fille.
Les deux ministres rivaux ont 14 jours pour proposer un nouveau plan anti-déficit. Pécresse a promis de nouvelles coupes
dans les niches fiscales. Elle a aussi bien répété l'argumentaire sarkozyen concocté à l'Elysée, en rappelant la subtile différence entre suppression de niches et augmentation des impôts : «
Nous supprimerons des niches fiscales (...) parce que nous n'augmenterons pas les impôts. (...) Les niches sont des exonérations d'impôts parfois justifiées et parfois très peu efficaces.
(...) Nous avons déjà pris l'engagement de supprimer 3 milliards d'euros de niches fiscales pour 2012 (...), peut-être faudra-t-il faire un effort supplémentaire.»
En août 2010, Nicolas
Sarkozy nous avait déjà fait le coup: le communiqué
officiel de l'époque nous promettait aucune augmentation d'impôt (« Ni l'impôt sur le revenu, ni la TVA, ni l'impôt sur les sociétés ne seront augmentés ») mais un « coup de rabot » sur les niches fiscales et
sociales, à hauteur de 10 milliards d'euros.
Enfin, sans surprise, Nicolas Sarkozy a « souligné l'enjeu essentiel que constitue l'inscription de cet effort de
redressement dans une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques », la fameuse règle d'or, et il a « rappelé à la responsabilité de chacun, au-delà des clivages
partisans, pour que l'engagement d'équilibre des finances publiques constitue une priorité partagée par tous ». L'homme n'avait visiblement rien retenu des semaines de débats et propositions
de l'opposition sur la réduction des déficits.
Finalement, Sarkozy comptait « faire une tournée des grands de ce monde, pour montrer combien la crise est
mondiale ». L'élément de langage est rapporté par Arnaud
Leparmentier du Monde. Qui pouvait croire que la crise n'était pas mondiale ? Le planning de ces grandes rencontres est calé, et tardif : le dictateur chinois Hu Jintao fin août (quand
Sarkozy visitera la Nouvelle Calédonie, premier déplacement électoral dans la région), et Barack Obama fin septembre, en marge d'une assemblée de l'ONU.
Dès l'après-midi, Nicolas Sarkozy repartait au Cap Nègre, retrouver son épouse
Carla et ses ballades en vélo. L'exercice de communication était terminé.
Pour le moment.
Qui nous prend pour des cons ?
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