Bruno Gay-Capdevielle
A Monsieur Chastel,
Directeur Général de l'Agence Régionale de Santé de Midi-Pyrénées
Monsieur le Directeur,
Depuis votre dernière visite à Tarbes, les Hauts Pyrénéens connaissent le projet de la nouvelle organisation hospitalière que vous souhaitez pour notre département
et que vous devez, parait-il, remettre au ministre de la santé en septembre. Au mépris des populations locales, sans concertation avec les habitants des Hautes-Pyrénées, les salariés et les élus
de terrain, vous décidez de rayer d'un trait de plume l'hôpital général de Lourdes de la carte hospitalière, et de construire un nouvel hôpital à Tarbes, près de la clinique Ormeau-Pyrénées. Sans
tenir compte des réalités géographiques et d'un aménagement du territoire propice au développement économique du sud du département, presque entièrement tourné vers le tourisme et l'agriculture,
vous refusez de maintenir à Lourdes des services de chirurgie, une maternité, un pôle de consultation, etc.… Vous préférez créer une maison médicale améliorée *, plutôt que maintenir à Lourdes un
hôpital MCO (avec des services de Médecines, de Chirurgies et d'Obstétrique) dont l'utilité n'est plus à démontrer. C'est votre choix. Permettez-moi de le contester et d'en dénoncer toutes les
inepties.
Quid de l'exception géographique et des fameuses quarante cinq minutes, quand la maternité de Lourdes aura fermé (dés 2012 si vous arrivez à vos fins), et que
toutes les mamans du département devront partir à Tarbes pour accoucher ?
Quid de l'égalité d'accès géographique aux soins avec un seul pôle MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) pour tout notre département ?
Quid de l'égalité d'accès financier aux soins quand une partie de ceux-ci ne se feront plus qu'en secteur privé, avec des dépassements d'honoraire toujours plus
nombreux ?
Quid de l'aménagement harmonieux de nos territoires pour permettre à chacun, quels que soient son lieu d'habitation et ses revenus, de vivre, d'étudier, de
travailler et de se divertir, en ayant aisément accès aux biens publics (l'éducation, la santé, la justice, la culture, l'eau, l'énergie, les transports, etc…)
Quid du développement économique et de l'attrait de nos territoires, privés d'hôpitaux performants et de services publics dignes de ce nom ?
Quid des centaines d'emplois directs ou indirects que ce projet supprimera dans notre département ?
Monsieur le Directeur, vous avez été nommé pour appliquer à la lettre la politique de santé décidée par le gouvernement de M Sarkozy et qui peut très facilement se
résumer en une phrase : supprimer le plus possible de fonctionnaires et offrir aux secteurs privés les spécialités les plus rentables. On peut très bien imaginer qu'une fois vos missions
terminées et le gros chèque encaissé, vous repartirez très certainement vers le secteur privé pour vivre de nouvelles aventures lucratives. Les populations auront à subir, elles, les conséquences
dramatiques des choix que vous êtes en train de faire. Si la loi HPST vous donne actuellement des prérogatives immenses sur tout le secteur de la santé et du social, n'oubliez pas une chose : une
loi, ça s'abroge et vous ne serez peut être plus Directeur de l'ARS dans quelques mois. Si les élections de 2012 ne sont pas favorables au camp que vous servez si scrupuleusement, il n'est pas
interdit de penser que des changements importants peuvent intervenir dans le financement de la santé et de la sécurité sociale. Car tout n'est qu'histoire de choix politiques : 73 milliards de
niches fiscales par an, 70 milliards d'exonération de cotisations sociales pour les entreprise par an, entre 40 et 50 milliards d'évasion fiscale par an, un taux d'imposition d'a peine 8% pour
les entreprises du CAC40 (et presque pas d'impôts payés en France par Total malgré des bénéfices de 10 milliards l'an dernier), etc., etc.…Qui osera prétendre qu'il n'est pas possible de
refinancer les hôpitaux publics (il manque environ 1 tout petit milliard), la sécurité sociale et l'ensemble des services publics ? Bien sur, même si tout le monde connaît les solutions qu'il est
urgent de mettre en place avant que l'on assiste à une explosion générale de nos sociétés qui peut nous amener au bord du chaos, rien n'est jamais acquis d'avance et les promesses de la veille
peuvent très vite être enterrées le lendemain. Le refinancement de la sécurité sociale et des hôpitaux, la suppression de la Tarification à l'Activité (T2A), la suppression de la loi Bachelot,
l'augmentation considérable du numerus clausus pour les médecins et du nombre de personnels soignants formés chaque année (Infirmières, aides-soignantes, etc.…), voila ce qui devrait figurer à
minima dans tous les programmes des partis politiques voulant incarner une alternative (et non pas une alternance) à la politique actuelle de M Sarkozy. Il est urgent que les partis comme le PS,
le Modem, Europe-Ecologie les Verts et le PRG, inscrivent ses propositions défendues par la Coordination Nationale ** et plus de cent associations, dans leur programme, comme l'ont déjà fait le
Front de Gauche et le NPA.
Monsieur le Directeur, alors que l'hôpital public de Lourdes, grâce à l'investissement de l'ensemble des personnels et à de gros sacrifices, a su redresser la barre
***, vous avez signé son arrêt de mort, niant ainsi tout le travail accompli. Si certains doutaient encore du caractère purement idéologique de votre action, ils peuvent constater maintenant que
les raisons économiques que vous avez mises en avant (avec le manque de médecins) pour justifier le regroupement des hôpitaux, ne tiennent pas plus la route que le "trou de la sécu" (créé
volontairement pour des raisons politiques) pour justifier l'abandon aux assurances privées d'une partie de la couverture médicale.
Malgré le peu d'estime que m'inspirent les actions et les projets que vous menez, je n'ose cependant pas donner de crédit à la dernière rumeur qui traverse
l'hôpital depuis quelques jours : selon cette rumeur, l'ARS aurait demandé que soit étudié la construction d'un nouveau petit hôpital à Lourdes (identique à la maison médicale améliorée * que
vous envisagez de laisser ) avec un programme capacitaire permettant au budget du CH Lourdes d'être en équilibre, tout en intégrant les surcoûts liés à une nouvelle construction. C'est trop gros
pour être vrai, les gens racontent vraiment n'importe quoi ! Alors qu'avec la T2A, un hôpital n'ayant que des lits de médecine n'a aucune chance d'arriver à l'équilibre, s'il doit en plus
financer la construction d'un établissement neuf ! On voudrait éviter d'avoir une structure médicale sur Lourdes, aussi petite soit elle, qu'on ne s'y prendrait pas autrement…En plus, l'hôpital
de Lourdes étant en parfait état, il faudrait être complètement fou ou irresponsable pour envisager la construction d'un autre hôpital à Lourdes, dans le contexte économique que nous connaissons
tous. Quel gaspillage ! Le "Canard enchaîné" et la cour des comptes n'en reviendraient pas !
Monsieur le Directeur, votre brillant CV laissait penser que vous étiez quelqu'un d'efficace et de compétent. Si je ne puis me permettre de juger de votre
compétence, il me semble qu'en terme d'efficacité, le compte n'y est pas. Vous avez passé plusieurs mois aux cotés de M Gauthier pour vous familiariser avec l'ensemble des dossiers en cours et
vous avez pris vos fonctions comme directeur de l'ARS le 1er avril 2010 si je ne m'abuse. Alors que vous devez rendre en septembre le dossier à Monsieur le Ministre de la santé pour que votre
projet puisse bénéficier de financement dans le cadre de la seconde tranche du plan "Hôpital 2012", rien ne semble être réglé à quelques jours de l'échéance : le problème immobilier avec
l'implantation d'un nouvel hôpital près d'un aérodrome, l'accès routier à ce nouvel hôpital (nouvelle rocade en plus du contournement de Tarbes déjà prévu ?), les coopérations à mettre en place
entre le public et le privé, le projet médical, l'étude et le fonctionnement de la maison médicale améliorée de Lourdes, le regroupement ou l'externalisation des services logistiques etc., etc.…
Combien tout cela va-t-il coûter à l'état et à notre département ? Je ne crois pas à l'hypothèse machiavélique avancée par certains qui pensent que présenter un dossier mal ficelé permettrait à
l'état de refuser le projet et de ne rien financer du tout dans notre département…classé à gauche.
Une chose est maintenant certaine : la pression est en train de monter de plusieurs crans. A force d'ignorer les populations et de prendre des décisions
inacceptables pour la majorité des habitants de notre département, vous devenez le symbole parfait de cette politique autocratique et injuste, voulue par Monsieur Sarkozy, au profit des plus
riches. Si la colère ne risque pas, à priori, de se retourner contre vous, les représentants UMP risquent, eux, de subir de plein fouet les conséquences de votre attitude. Sans donner un chèque
en blanc à celles et ceux qui confondent trop souvent intérêt général et intérêt particulier et cumulent sans scrupule les mandats politiques, il sera rappelé, dés les sénatoriales, puis lors des
élections présidentielles, législatives et municipales, que :
"Voter UMP, c'est voter Chastel, c'est voter pour le démantèlement des hôpitaux et des services publics de proximité".
A tout malheur, bonheur est bon. Sans vous en rendre compte, vous êtes beaucoup plus efficace pour faire battre l'UMP, que le meilleur des opposants
politiques.
Et oui, l'humour reste toujours la politesse des désespérés…
Avant de terminer, permettez-moi de vous demander officiellement de bien vouloir accepter de recevoir une délégation du Collectif "Hôpitaux Santé 65" lors de votre
venue à Lourdes.
Vous risquez certainement de nous "croiser" lors de votre visite du centre de Labastide et de l'hôpital. Il vous sera donc très facile pour vous de nous rencontrer
si vous le souhaitez.
Pour information, sachez que votre acheminement d'un site à l'autre risque de ne pas se faire sans difficultés car nous prévoyons de faire signer une pétition sur
les ronds-points qui desservent les deux sites, ce qui risque de créer quelques perturbations de la circulation.
Par avance, je vous prie de bien vouloir nous excuser pour les petits désagréments que vous pourriez connaître lors de votre visite dans notre si belle
région.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur, mes plus sincères salutations.
Bruno Gay-Capdevielle
ciTOYen
* nous devrions garder sur le site de l'hôpital, seulement une trentaine de lits de médecine, un service d'urgence avec un service d'imagerie médicale, et des lits
de court séjour gériatrique (intégrés dans les trente lits de médecine ?). Le site de Labastide devrait être conservé.
** Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité
http://www.coordination-nationale.org/
*** de 3,5 Million d'euros de "déficit structurel" en 2008, on est passé à 350000 euros en 2010, qui pourrait être facilement comblé en augmentant certaines
activités.