Super 8. (réalisé par J.J. Abrams)
Tranche de vie.
Super 8 n'invente rien, c'est un fait. Toute la grammaire cinématographique déployée ici ne sert, au premier abord, qu'un seul but: rendre hommage au cinéma de Steven Spielberg et des productions Amblin. Ok. Mais en fouillant un peu plus loin derrière cette identité apparente, on est face à un film bien plus profond et sensible qu'on n'aurait pu le croire.
Une petite bourgade de l'Ohio comme il en existe des milliers aux États-Unis, bien quadrillée et qui abrite en son sein une communauté soudée et autonome. On est en 1979 et c'est l'été. Joe Lamb, un jeune adolescent ordinaire, vient de perdre sa mère et camoufle son désarroi comme il le peut. Heureusement, il peut compter sur sa bande d'amis, emmenés par Charles Kaznyk, un apprenti réalisateur qui tourne un film de zombies. Alors qu'ils sont en plein rush près d'une voie ferrée, tout bascule...
Amblin revival.
L'hommage rendu aux productions Amblin des années 70/80 est évident. Spielberg est lui-même à la production, une façon pour lui de passer la main à la nouvelle génération qui a grandi avec ses films et soyons fous, a cultivé l'idée de devenir cinéaste en faisant des remake de E.T ou de Rencontres du troisième type. Abrams avait onze ans à l'époque de ce dernier et le doute n'est pas permis quant à l'utilisation qu'il faisait de sa caméra super 8. Si le maître de l'entertainment a donné la voix, il a permis à d'autres de s'aventurer sur le terrain du film familial de science-fiction, d'aventures ou d'horreur. Je pense évidemment aux Goonies de Donner, aux Retour vers le futur de Zemeckis ou encore aux Gremlins de Dante. Tous ces films partagent les mêmes caractéristiques: ils s'adressent à toute la famille, ils proposent des scénarios inventifs avec la mission de titiller l'imagination du spectateur et par dessus tout ils propulsent sur le devant de la scène des enfants ou des ados qui portent sur leurs frêles épaules toute la misère du monde. Un seul exemple suffira à vous convaincre: le petit Elliot de E.T (dont Joe est le digne héritier). Pourtant, ces personnages, bien que tristes sont des véritables forces de vie. Le pouvoir (et donc l'importance) de l'enfance et de l'imagination est au cœur de tous ces films. C'est une thématique que j'adore car je pense qu'il n'y a rien de plus important que la protection de cette candeur furtive et précieuse.
Super 8 se pose en digne héritier de la thématique et de l'esprit de ces films. On peut donc facilement lui reprocher sa frilosité, il ne fait que recycler ce qui a déjà été fait avant, et les défauts récurrents de ce type de production: manichéisme de surface, militaires très méchants, bons sentiments et scénario convenu. Pourtant, c'est faire preuve d'étroitesse d'esprit que de s'arrêter à ces considérations primaires. Ce long-métrage est tellement plus qu'un simple hommage opportuniste. Tout est dans le titre...
Tout est dans le format.
Le format super 8 a permis à de nombreux réalisateurs aujourd'hui reconnus (Burton, Shyamalan, Abrams donc...) de se faire la main alors qu'ils étaient encore enfants. Plus qu'un hommage aux productions Amblin, c'est à ce format que le metteur en scène offre un chant du cygne. La dimension autobiographique n'en est que plus prégnante. Cet apprenti réalisateur un peu empoté mais déterminé c'est Abrams lui-même. Et de cette volonté de raconter son histoire, naît la nostalgie. Je n'ai pas vécu cette période mais je me souviens, encore jeune, avoir tourné avec la caméra familiale et accompagné de mon frère, de mon cousin, de ma cousine et de quelques gosses de passage des films stupides mais essentiels pour des enfants débordant d'imagination. En rendant hommage à ce format archaïque (qui n'a de toute façon jamais été très utile dans le monde du cinéma), Abrams touche du doigt l'essence des productions Amblim précitées, la force de l'enfance. Pour s'en convaincre, il suffit d'attendre le début du générique de fin et d'admirer cet irrésistible court-métrage fait avec les acteurs du film.
Tranche de vie.
Pour finir, parlons un peu de la deuxième facette de l'hommage au format: il sert à capter des tranches de vie, des instants fugaces comme le débordement de vie d'une mère décédée (une des plus belles scènes du film qui résume à quel point l'émotion dégagée est puissante et sincère) ou la fin de l'enfance (existe-il quelque chose de plus fugace que l'enfance?) et le passage à l'âge adulte. C'est là le véritable sujet de ce très bon blockbuster. A la manière d'un Toy Story 3, il raconte comment Joe, fait le grand saut grâce à l'extra-terrestre. Ici, le fantastique fait irruption dans le quotidien et est totalement justifié. C'est par la bestiole que l'enfant dit adieu à sa mère (ce n'est pas innocent si les yeux de la bête sont ceux de l'actrice jouant le parent disparu) et à son innocence. Le dernier regard de la mère qui constate le passage à l'âge adulte est un moment très puissant. Michael Bay devrait en prendre de la graine. La question est comment préserver une part de l'enfance perdue? Si Pixar choisissait les jouets et la transmission à la génération suivante, l'an passé, comme garant de l'immortalité, Abrams lui choisit la caméra super 8 pour graver sur pellicule cette tranche de vie trop courte.
Au premier abord, le film peut paraître n'être qu'un blockbuster estival divertissant mais opportuniste. Mais en s'y attardant un peu plus longuement, on s'aperçoit de la richesse et de l'intelligence du projet. Une excellente surprise.
- Émotion rare.
- Maîtrisé et sensé.
- Les jeunes acteurs.
- Peut paraître opportuniste.
Note: