Depuis dix jours, la planète boursière s'est emballée. Du Cap Nègre, Nicolas Sarkozy avait tenté de faire croire, 10 longs jours durant, qu'il était sur le front, entre deux ballades en vélo. L'absence quasi-générale des dirigeants européens de leur lieu de travail, à l'exception remarquée et remarquable de Silvio Berlusconi et José-Luis Zapatero, avait fini par surprendre, choquer et inquiéter. Lundi, l'intervention télévisée de Barack Obama n'avait pas calmé la fébrilité de Wallstreet, qui chuta à nouveau.
On se souvient que l'an dernier déjà, à peu près à la même période, Nicolas Sarkozy avait du organiser une réunion de crise le 20 août au Fort de Brégançon. Le 17 août précédent, l'agence Moody's, avait menacé de dégrader la note des emprunts français.
Cette fois-ci, il a poussé le trajet jusqu'à Paris. La raison était la même : la crise est grave. Une folle rumeur s'est propagée dans les places: la France à son tour risquait la dégradation. L'organisation imprévue de cette réunion, après 10 jours d'absence, a ravivé les inquiétudes des marchés. Sarkozy, gaffeur ? Et oui ! Le Figaro, désolé, commentait : « Mais la réunion surprise convoquée par Nicolas Sarkozy qui a interrompu ses vacances pour aborder avec plusieurs ministres le thème de la crise économique et financières a ravivé les inquiétudes des investisseurs ».
Cette information était pourtant fausse. Un représentant de Standard & Poors l'a démenti dans la journée, assurant que, comparé aux Etats-Unis, « le gouvernement français fait preuve de davantage de sérieux dans le règlement des questions budgétaires.» Ouf ! On est rassuré ! En fait, il est évident que la France, monarchie républicaine où tous les pouvoirs sont actuellement concentrés dans les mains du président élu, n'a aucun prétexte institutionnel pour ne pas réduire son déficit. Aux Etats-Unis, le gouvernement du pays se partage entre Parlement et Président.
Les ministres Alain Juppé, François Baroin, Valérie Pécresse, et Jean Léonetti, ainsi que le gouverneur de la Banque de France étaient présents à l'Elysée. Les photographes également, pour immortaliser la séquence. Il fallait que le Français en vacances comprenne que son président bosse dur. La réunion dura « plus de deux heures en milieu de journée ».
Au final, pour annoncer quoi ? L'Elysée a publié un long communiqué: satisfecit accordésà la BCE et à la FED pour avoir réussi à « réduire les tensions sur les marchés financiers ». On ne sait pas bien à quoi Sarkozy faisait allusion. Malgré un timide rebond mardi, les places boursières européennes et américaines ont à nouveau gravement chuté mercredi. Ensuite, Sarkozy a rappelé son total soutien aux plans de rigueur espagnol et italien, qui « ont été efficaces pour réduire de manière significative les taux d'intérêts sur la dette de ces deux pays. »
Mais le point majeur était l'autosatisfaction prévisible, jusqu'à rappeler... la réforme des retraites de 2010: « Le président de la République a souligné que les évolutions actuelles valident la stratégie économique conduite par le gouvernement. Ainsi, la réforme des retraites adoptée en 2010 a permis de renforcer de manière durable la soutenabilité à long terme de nos finances publiques et conforte le crédit de la France. » Nicolas Sarkozy semblait répondre aux critiques franco-françaises. Il a aussi promis un nouveau plan de rigueur pour le 24 août, qu'il a demandé à ses deux ministres de l'économie et du budget.
A l'issue de ce meeting, on a donc pu voir Valérie Pécresse, bronzée, et François Baroin, moins bronzé, expliqué aux caméras de télévision que la réponse européenne était la bonne. La ministre du budget devait être contente. Le Figaro venait de publier une tribune de son papa vantant la fameuse « règle d'or » d'équilibre budgétaire... sans préciser le lien de parenté de l'auteur avec sa fille.
Les deux ministres rivaux ont 14 jours pour proposer un nouveau plan anti-déficit. Pécresse a promis de nouvelles coupes dans les niches fiscales. Elle a aussi bien répété l'argumentaire sarkozyen concocté à l'Elysée, en rappelant la subtile différence entre suppression de niches et augmentation des impôts : « Nous supprimerons des niches fiscales (...) parce que nous n'augmenterons pas les impôts. (...) Les niches sont des exonérations d'impôts parfois justifiées et parfois très peu efficaces. (...) Nous avons déjà pris l'engagement de supprimer 3 milliards d'euros de niches fiscales pour 2012 (...), peut-être faudra-t-il faire un effort supplémentaire.»
En août 2010, Nicolas Sarkozy nous avait déjà fait le coup: le communiqué officiel de l'époque nous promettait aucune augmentation d'impôt (« Ni l'impôt sur le revenu, ni la TVA, ni l'impôt sur les sociétés ne seront augmentés ») mais un « coup de rabot » sur les niches fiscales et sociales, à hauteur de 10 milliards d'euros.
Enfin, sans surprise, Nicolas Sarkozy a « souligné l'enjeu essentiel que constitue l'inscription de cet effort de redressement dans une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques », la fameuse règle d'or, et il a « rappelé à la responsabilité de chacun, au-delà des clivages partisans, pour que l'engagement d'équilibre des finances publiques constitue une priorité partagée par tous ». L'homme n'avait visiblement rien retenu des semaines de débats et propositions de l'opposition sur la réduction des déficits.
Finalement, Sarkozy comptait « faire une tournée des grands de ce monde, pour montrer combien la crise est mondiale ». L'élément de langage est rapporté par Arnaud Leparmentier du Monde. Qui pouvait croire que la crise n'était pas mondiale ? Le planning de ces grandes rencontres est calé, et tardif : le dictateur chinois Hu Jintao fin août (quand Sarkozy visitera la Nouvelle Calédonie, premier déplacement électoral dans la région), et Barack Obama fin septembre, en marge d'une assemblée de l'ONU.
Dès l'après-midi, Nicolas Sarkozy repartait au Cap Nègre, retrouver son épouse Carla et ses ballades en vélo. L'exercice de communication était terminé.
Pour le moment.
Qui nous prend pour des cons ?