2011 sera l’année de la Révolution Facebook. Les réseaux sociaux sont devenus la nouvelle technique qui détermine l’Histoire, partout dans le monde.
Par Guy Sorman
Facebook n’offre pas seulement une technique de mobilisation : le site crée une communauté de destin et à une unité dans la revendication. Une revendication qui ne s’inscrit pas dans les catégories idéologiques traditionnelles : on n’est pas de gauche ou de droite mais contre. Contre le « système », comme le proclament les Indignés de Madrid, contre la vie chère à Tel Aviv, contre la mondialisation à Santiago du Chili et à Athènes, mais pour la « dignité » à Tunis et au Caire. Devrait-on classer les émeutes de Londres dans cette catégorie ? Les hooligans ont eu recours à Facebook mais leur violence relève plutôt du phénomène des bandes propre aux grandes métropoles et de l’intégration difficile des jeunes immigrants.
Dans tous ces cas, la jeunesse surgit sur la scène publique, considérant que son tour est arrivé, qu’il lui faut écrire sinon l’Histoire, du moins une histoire : chaque génération éprouve ce désir d’être ensemble. Facebook facilite le désir et peut-être l’exaspère. À force de partager ses « amis » sur un « Mur » virtuel l’internaute est naturellement conduit à rêver d’un regroupement physique dans le monde réel.
Mais on ne devrait pas réduire les rébellions en cours, dont on ne sait si elles deviendront des révolutions, à la seule technique de communication. Les circonstances aussi sont propices : la génération Facebook partage le sentiment qu’il ne se passe pas grand-chose dans la société, que l’Histoire est silencieuse. Cette jeunesse s’ennuie et cherche à se désennuyer. Autre élément propice à la révolte : l’économie occidentale n’offre pas de perspectives excitantes aux jeunes, voués, la plupart du temps, au chômage, aux petits boulots et à une mobilité sociale réduite. Vivre moins bien que ses parents est à peu près le seul horizon promis à la génération Facebook. Il y a là de quoi se révolter, même si les révolutions conduisent souvent à des sociétés plus répressives que celles que l’on a détruites. Il n’empêche que les « grandes personnes », qui ne sont pas sur Facebook, devraient s’interroger sur la médiocrité de leur gestion des affaires publiques.