Magazine Culture
J'avais lu et entendu beaucoup de critiques positives concernant ce texte, et j'en attendais donc énormément. J'ai refermé l'ouvrage hier soir et je ne suis absolument pas déçue, bien au contraire je suis conquise par le texte de Katharina Hagena et aussi par l'histoire qui nous est contée. Aucune monotonie. Une écriture alerte qui sert ce roman contant la vie de trois générations de femmes au travers d'une vieille maison familiale qui ne manque pas de charme. La narratrice, redécouvrant les lieux où enfant elle passait ses vacances, nous fait partager les confidences, les secrets, mais aussi les meurtrissures et drames qui ont pu se vivre au cours des décennies dans ces vieux murs. Un livre qui plaira à tous ceux qui pensent que les objets inanimés peuvent avoir une âme, un texte qui séduira les lecteurs qui aiment effectuer des retours sur le passé et exhumer des souvenirs. En lisant ce beau livre, comment ne pas songer à nos propres maisons d'enfance, à celles de nos parents ou grands-parents, à celles où nous passions nos vacances... maisons que nous retrouvons parfois et qui ont conservé leurs odeurs, leurs modestes trésors, leur charme... une photo jaunie, une boite de bonbons, un bout de papier recouvert d'une écriture d'antan, mais aussi un parfum de renfermé ou de moisi, de feu de bois froid ou de naphtaline, un plancher qui craque, une porte rétive, un volet qui grince, des cicatrices sur un mur... et puis il y a aussi le charme du jardin qui a abrité nos premiers jeux... Celui du roman en plus des fleurs est planté de groseilliers et de pommiers... Ce fruit, la pomme, a une importance capitale dans l'histoire, il est donc normale qu'elle soit en couverture de l'ouvrage sous la forme d'une gravure du style de Redouté... J'avoue que j'ai été attirée autant par la jaquette du roman que par la quatrième de couverture...
Une lecture savoureuse, un superbe coup de coeur littéraire...Je suis tombée sous le charme de ce roman dès ses premières lignes.
Quatrième de couverture :
A la mort de Bertha, ses trois filles et sa petite-fille, Iris, la narratrice, se retrouvent dans leur maison de famille, à Bootshaven, dans le nord de l'Allemagne, pour la lecture du testament. A sa grande surprise, Iris hérite de la maison. Bibliothécaire à Fribourg, elle n'envisage pas, dans un premier temps, de la conserver. Mais à mesure qu'elle redécouvre chaque pièce, chaque parcelle du merveilleux jardin, ses souvenirs font ressurgir l'histoire émouvante et tragique de trois générations de femmes. Un grand roman sur le souvenir et l'oubli.
"Si entre les pages, on sent les odeurs "de pomme et de vieilles pierres", c'est que, dans un style dont la sobriété touche toujours juste, elle sait à merveille donner vie au souvenir." Elvire Emptaz, Elle.
"Tout sauf anodin, dans une famille allemande, dont la "disposition à l'oubli" ne dupe personne." Jeanne de Ménibus, Figaro madame.
Un extrait :
"Nous avons pelé les pommes et obtenu pour finir vingt-trois bocaux de compote. Je n'avais pas pu trouver davantage de bocaux. A force de tourner la manivelle du moulin à légumes, on a eu des crampes et des ampoules. Fort heureusement, il y avait deux moulins à légumes dans la maison, un grand et un petit, si bien que la tâche a pu être rondement menée. Nous avons parfumé la compote avec de la cannelle et un soupçon de muscade. J'y ai ajouté trois pépins préalablement hachés menu. La cuisson des pommes avait empli la maison d'un parfum chaud et suave mêlé à une vague fragrance de terre, même les lits et les rideaux en étaient imprégnés. La compote était absolument délicieuse.
Je passais les jours suivants au jardin. J'arrachai des montagnes d'herbe aux goutteux et de chélidoine, et délivrai le phlox et les marguerites du liseron qui s'entortillait autour de leurs tiges. Je déterrai des achillées qui avaient germé dans les allées et les repiquai dans les plates-bandes. Je taillai le lilas et le jasmin afin que les groseilliers à maquereau reçoivent le plus de soleil possible, détachai avec précaution de vigoureux rejets de pois de senteur des hampes fragiles qui se trouvaient à leur portée et les dirigeai vers la clôture ou les attachai à un tuteur. Le myosotis était entre-temps pratiquement desséché, seuls quelques points bleus clignaient encore çà et là. Je retins les fines tiges, une à une, entre le pouce et l'index, et tirai dessus de bas en haut afin d'en prélever les semences. Je levai la main en l'air et laissai au vent le soin de disperser les petites graines grises."
(...)
Katharina Hagena - Le goût des pépins de pomme - Le Livre de Poche n° 32131