Dans le gloubi-boulga des solutions envisageables pour sortir de la crise, on trouve environ 20 % d'idées intelligentes pour 80 % d'idéologie(s), conformément à une répartition de Pareto pour ceux qui se souviennent de leurs cours de statistiques/probabilités. Le problème est que les idéologues sont souvent les mieux armés sur le plan de la communication pour faire passer leurs idées, qui finissent ensuite par être admises comme des vérités par des téléspectateurs pas toujours capables de distinguer la frontière entre débat et manipulation. Ajoutez à cela une pincée de phrases chocs ("La France peut faire faillite", "les caisses de l'État sont vides", "la zone euro est redevenue une zone de solidarité",...) et vous avez tous les ingrédients pour en faire des experts qui détiennent LA vérité économique.
Seulement voilà, il y a comme un noyau dans le clafoutis lorsqu'on voit les récentes évolutions au sein de la zone euro et même aux États-Unis. Dans un cas, on multiplie en vain les sommets pour sauver la Grèce sans rien changer au système qui a conduit le pays dans le gouffre, tandis que dans l'autre on joue avec le feu et on coupe les dépenses publiques au moment où tout va mal ! Résultat, même les marchés financiers, pourtant réputés pour aimer les plans de rigueur et autres amuses-bouches de ce genre, ont paniqué depuis 15 jours. C'est peut-être que derrières les beaux discours et les effets de manche se cachent de vrais problèmes qui sont à peine effleurés sur les plateaux de télévision.
Mes lecteurs savent bien que c'est la raison d'être de ce blog que de déchiffrer l'actualité économique et expliquer les tenants et aboutissants des projets économiques avancés par les dirigeants politiques. J'ai ainsi traité récemment la question du rôle joué par l'Allemagne dans la crise de la zone euro, la véritable teneur du programme d'assistance concocté pour la Grèce, la supercherie des stress tests bancaires, le pouvoir exorbitant des agences de notation, le but réel des plans de sauvetage des États en difficulté, etc. On peut d'ailleurs retrouver une partie de mes analyses dans mon dictionnaire révolté d'économie.
Nous sommes du reste nombreux à dénoncer les inepties économiques actuelles et à proposer des alternatives sérieuses dont il peut être débattu. L'un d'entre-elle est la démondialisation et son digne représentant en est Jacques Sapir, directeur d'études à l'EHESS. Je vous propose de regarder tout d'abord son excellente analyse de la crise de la zone euro (durée 7min53) qui rejoint la mienne et celle de nombreux autres économistes :
Jacques Sapir - Vers la fin de l'euro? - CSOJ... par MinuitMoinsUne
En ce qui concerne la Grèce, son analyse (vidéo ci-dessous) est tout à fait pertinente et s'appuie sur deux constats principaux et un élément théorique primordial. D'une part, certaines clauses des Traités européens successifs ont été imposés par quelques pays, mais toute évolution nécessite désormais l'unanimité dans beaucoup de cas (fiscalité quand tu nous tiens...). D'autre part, à vouloir imposer un Traité de substitution à feu le Traité constitutionnel européen de 2005, les dirigeants politiques payent le non respect du choix des électeurs qui ne croient absolument plus à l'Union européenne. Enfin, croire qu'une monnaie unique allait permettre l'intégration (ou au moins la convergence) de tant de pays différents sur le plan économique, relève au mieux d'une illusion au pire d'un non sens économique puisque la zone euro n'est même pas une zone monétaire optimale...
Jacques Sapir de la crise grecque à la fin de... par elouvrier Pour les plus courageux, entendre par là ceux qui ont encore 30 minutes à perdre, je ne peux que les inviter à écouter Jacques Sapir s'exprimer sur la question de la démondialisation, qui est du reste le titre de son dernier livre paru aux éditions du Seuil. Il cherche à montrer que la mondialisation n'a jamais été "heureuse" comme l'affirmait un peu vite un visiteur du soir du Président de la République. Le libre-échange a surtout conduit, en fait d'un marché mondial profitant à tous, à la constitution de puissances commerciales dominantes et à la lutte économique. Il préconise donc une démondialisation "pensée et ordonnée par une nouvelle organisation du commerce et des relations financières internationales".