Mais lorsqu'une forme de licenciement lui échappe, il y a péril en la demeure. C'est le cas de la « prise d'acte » déclenchée
par le salarié, qui justement, n'existe pas dans le code du travail.
« prise d'acte » Késako ?
« C'est un mode de rupture du contrat de travail, qui n'est ni un licenciement ni une
démission (...) le salarié se considère licencié car son employeur est l'auteur de fautes à son encontre. Par exemple : le salarié est victime de violence, est harcelé, ou bien tout simplement
n'est pas payé pendant une longue période (...) On parle parfois d'« auto licenciement ». Ce mode de rupture n’est pas prévu par le code du travail, c’est
une création jurisprudentielle (...) nous explique Yves Nicol,
avocat Lyon
Un exemple nous est donné le Cabinet Ferly : « Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 20 janvier 2010 portant numéro de pourvoi 08-43476 pose comme principe que le fait de ne pas rémunérer
l'intégralité de ses heures de travail, de ne rémunérer que partiellement ses heures supplémentaires et de ne pas régler intégralement ses indemnités de repas constitue un manquement de
l'employeur à l'égard du salarié suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par le salarié (...) » on pourra y ajouter cet exemple de : « Baisse de rémunération à l'occasion d'une
rétrogradation »
Néanmoins comme le précisent les sites juridiques et notamment celui d'Yves Nicol : « (...) ce mode de rupture doit être manié avec précaution. Le salarié devra être capable d'apporter au juge des éléments de preuve pour obtenir gain de
cause (...) »
Donc, jusqu'à présent, avec quelques dizaines de cas par an, salariés comme entreprises se contentaient des décisions du
conseil des prud'hommes et de la jurisprudence issue de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation où comme l'indique L'Expansion : « les prud'hommes
donnent plus souvent raison aux employeurs (...) »
Jusqu'à un : arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 janvier 2011 (numéro de pourvoi : 09-70838)
qui indique : « (... ) Il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du
travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de
résultat (...) » Traduction : L'entreprise doit prouver dans le cadre d'un accident du travail qu'elle avait tout mis en œuvre pour assurer sa sécurité !
Ce qui a paniqué immédiatement les DRH et donné lieu à
une proposition de loi « visant à intégrer au sein du code du
travail de nouvelles dispositions relatives à la prise d’acte de rupture du contrat de travail » dans laquelle on peut lire ce morceau de bravoure, dans lequel, les députés s'étonnent que
la prise d'acte puisse être justifiée par : « le fait pour l’employeur d’avoir modifié unilatéralement la rémunération d’un salarié, même si
c’est dans un sens plus favorable au salarié (...) Ainsi que cette ignorance (ou cynisme) au sujet d'une des techniques utilisée dans le harcèlement moral : « (...) Plus curieux encore, le fait pour un employeur de ne pas donner de travail à un salarié »
Mais, ce que visent clairement les députés UMP et les DRH, ce sont les conséquences que pourraient avoir un nouvel arrêt de
la chambre sociale de la Cour de cassation qui confirmerait que c'est à l'entreprise de prouver leur obligation de sécurité !
Ce qui est précisé clairement dans la proposition de loi : « (...) Cette
position de la Cour de cassation est assez contestable. En effet, elle laisse supposer que lorsque survient un accident du travail, le salarié peut prendre acte de la rupture aux torts de
l’employeur (...) »
Conclusion des députés : « Il serait donc peut-être judicieux pour le législateur
d’intervenir sur ce sujet pour qu’il puisse enfin cadrer légalement la prise d’acte de rupture du contrat de travail (...) » et la vider de tout son sens ...
Même si Bérengère Poletti, la députée à l'initiative de cette proposition de loi ne se fait pas trop d'illusion, compte tenu
de l'encombrement de l'agenda parlementaire, elle espère : « travailler avec [s]es collègues sur ce sujet dans les meilleurs délais (...) »
Il ne reste plus qu'à attendre la réaction de Laurence Parisot qui devrait selon toute logique rejeter cette proposition de
loi au fait que : « La liberté de pensée s'arrête là où commence le code du travail »
Slovar
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L'Express