Les poèmes d’Étienne Faure, et cela ne se dément pas depuis le premier livre1, voire s’affirme, subissent les lois (qu’il leur impose) de l’attraction terrestre : ils tombent, irrésistiblement tendus vers le bas sol, que ce soit dans le déroulement de la signification du poème qui attrait vers son ouverture finale, ou que ce soit formellement, puisque le poème en vers tend vers son titre placé en clausule. Le bas, ou le ras sol, voit passer l’humaine activité, et le regard du poète demeure devant cet horizon-ci ; le titre revendiquant une poésie à hauteur d’hommes, non point revendiquante de l’ordinaire, mais soucieuse d’égalité dans le regard et devant l’évidente destination (alors on devinera la philosophie de Montaigne se dérouler en ondes discrètes dans la poésie d’Étienne Faure, au sujet de la mort, celle qui tient au collet petits et grands ; en poète, Étienne Faure prémédite la mort, la devance, par observations minutieuses, chez chacun des autres, de ses moindres indices de présence, et par conséquence, il l’a sans cesse à l’esprit, en bouche, en vers ; « aussi ay-je pris en coustume d’avoir, non seulement en l’imagination, mais continuellement la mort en la bouche », affirmait Montaigne). La recherche d’indices de mort est, par là même, la recherche d’indices d’émotion, voulue comme une manière de ralentir la chute des corps. Avec l’élégance raffinée du style qui le caractérise, Étienne Faure rassemble les failles, mal visibles, par contre certaines, parce que largement pressenties, les failles où demeurent la mort, une élégance résignée, mais qui, presque, rendrait hommage à la mort ; il « échafaude des textes sombres/en de beaux clairs-obscurs », convaincu qu’elle remonte par les failles, pour faire l’homme retomber sur terre : « Ainsi reviendront les morts/en personne,/une paume à la main courante/où, pendue,/la descendance apprend la gravité. » C’est un livre subtil, dont on pourrait presque penser qu’il rêve la mort, du moins se fait humble devant elle, cela que le poète signifie dans la section finale, titrée fatalement « Congé », au seul poème, poème qui vient du titre éponyme, qu’on lira comme un hommage fort discret, mais hommage néanmoins, aux Commourants de Jude Stéfan, poème dont les derniers vers ferment le cercueil-livre, ou, au contraire, ouvrent un art poétique :
« au-dessus on s’agite
pour quelques mots dans la boîte crânienne,
entreprend les allées et venues
– à la ligne – perdues pour l’essentiel,
à dire ici des mots dépouillés, nus
comme des vers de terre. »
[Jean-Pascal Dubost]
Étienne Faure, Horizon du sol, Champ Vallon, 128 p., 12 €
1Légèrement frôlée, Champ Vallon, 2007 (suivi de Vues prenables, Champ Vallon, 2009)
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