Placide Gaboury : Pour arrêter de souffrir (L'entêtement à souffrir)

Publié le 10 août 2011 par Unpeudetao

Pourquoi les gens tiennent-ils tant à souffrir? Est-ce à cause de leur destin? Il semble qu’il n’y ait vraiment rien à faire, comme le veulent les idées du karma mises à la mode par le New Age et inspirées d’une vision du monde complètement adventice, empruntée? Je ne le crois pas. La vie n’est pas une fabrique de souffrances. Elle n’est pas un bourreau et n’attend pas de victimes. Elle n’a simplement pas de but, “et c’est ce qui fait sa beauté”, ajoute Jean Klein. C’est un courant d’énergie immense, un peu comme toutes ces semences qui, contenant déjà l’arbre, se font pousse, tige, tronc, branchage, feuillage, fleur et fruit, c’est-à-dire de nouvelles semences. C’est une danse, une ronde, un courant de semence à semence, de source à source. Un courant circulaire qui, cependant, ne tourne pas en rond, puisqu’il s’invente sur place à chaque instant. Personne n’est visé dans l’Univers, car personne n’est en dehors de la vie et chacun est la vie. L’erreur, c’est de se prendre pour un vivant au lieu de se voir comme la vie, de se prendre pour une ampoule plutôt que de se voir comme l’électricité.

Certes, la vie ne veut pas, n’appelle pas, n’exige pas la souffrance. Elle n’est même pas un chemin de douleurs. Certes, ces douleurs corporelles se présentent
parfois, peut-être même souvent, mais elles ne sont pas habituellement ou toujours continues (et si c’est le cas, la médecine d’aujourd’hui peut beaucoup soulager). Ce qui n’est pas du tout le cas des souffrances émotives qui, elles, sont maintenues, entretenues et consenties, bien que ce soit la plupart du temps de façon inconsciente et irresponsable.

Mais encore, pourquoi les humains voudraient-ils souffrir?

Parce qu’ils veulent être heureux. Il est certain que ce qu’ils voudraient, c’est le bonheur. Tous les vivants chercheraient la même chose et verraient la vie comme une chose désirable et belle, comme la seule chose qui compte et qui puisse inspirer ce qu’il y a de meilleur et de plus grand en eux. Et cependant, ils souffrent. Ou faudrait-il dire, à cause de cela ils souffrent? En concevant le bonheur comme une fuite du malheur, les humains (sûrement sans trop y penser) sèment la graine de toutes leurs souffrances. En effet, les humains ont une caractéristique bizarre: c’est en voulant fuir la souffrance qu’ils l’appellent et s’y perdent. Mais comment cela se passe-t-il dans la réalité? Personne n’aime la douleur ou la souffrance. On les évite, on les fuit avec l’idée d’atteindre le plaisir, le bien-être. Exemple: on s’ennuie, on a le cafard, les choses ne tournent pas comme on le voudrait, on est écoeuré.
Que fait-on? On va prendre un pot, on va chercher à baiser, on va voir un film, on regarde le hockey ou le foot à la télé, on va danser, on va magasiner, on rencontre des copains, des copines. On a quitté le moment désagréable, la situation et la sensation intolérables. Et en fuyant ainsi, on pense que c’est fini: tout est oublié de ce qui n’allait pas.

On pense que c’est fini, mais comme la situation désagréable est temporaire et qu’on peut la fuir, la situation agréable est également temporaire et elle aussi s’enfuira. Les deux se renvoient sans cesse la balle. Il ne sera pas possible d’avoir l’une à l’exclusion de l’autre; pas possible d’être seulement (totalement) heureux aussi longtemps qu’on verra le bonheur et le malheur comme des choses à fuir ou à obtenir.

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