Les temps d’incertitude ont toujours vu s’affronter deux camps, les optimistes et les pessimistes, un peu comme les Tristus et les Rigolus.
Bataille d’Hernani du verre d’eau à moitié plein ou à moitié vide, les deux partis s’affrontent dans une guerre d’interprétation des évènements et de leurs conséquences. Guerre dont la première victime est comme dans toute guerre la vérité ou dans ce cas précis le réalisme.
Les premiers, traitant les seconds de Cassandres dont le papa était roi de Troie, oubliant au passage que la pauvre fille, belle comme une déesse, avait eu le malheur de taper dans l’œil d’Apollon ce qui n’était pas réciproque, le soleil ne l’ayant pas ébloui.
Depuis, les optimistes ont fait de ce nom propre un nom commun dont ils affublent tous ceux qui prévoient un avenir sombre en négligeant que si Cassandre doit convaincre une foule incrédule que le cauchemar a déjà commencé (pour les amateurs des séries TV, ceci est un petit clin d’œil à David Vincent et aux «Envahisseurs», série culte des années 60).
La précision de ces visions n’est pas à mettre en cause comme l’a bien vu Homère qui, malgré sa cécité, était moins aveugle que beaucoup !
De leur côté, les pessimistes reprochent aux optimistes leur vision béate et le décalage, souvent abyssal, qui existe entre un discours destiné à rassurer un citoyen lambda qui ne voit dans son quotidien que ses emmerdes qui, contrairement à la chanson d’Aznavour, ont pour lui beaucoup d’importance et occupent tout son temps, car coincé entre ses emmerdes et ses emmerdes, il ne peut trouver une échappatoire qu’entre un demi lexomil et un demi tout court, avant de se plonger dans une nuit d’insomnie.
Pendant que les optimistes, profondément marqués par l’interprétation «Disneyenne» de l’univers de Kipling, imitent, sans le savoir, le très sympathique Kaa, redoutable python au regard psychédélique qui tout fixant sa victime dans le blanc des yeux lui susurre :
Pris dans cette mêlée quel camp choisir ?
La réponse me semble avoir été trouvé par Antonio Gramsci qui préconise d’allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté, nous invitant sans doute au réalisme par la raison objective et en y alliant la volonté pour résoudre les difficultés de notre époque.