Qui voulait parler d'union sacrée ? D'union sacrée avec qui ? Coup sur coup, quelques ténors de Sarkofrance ont choisi de cliver le débat politique, avec la bénédiction de l'Elysée, alors que Nicolas Sarkozy se drape dans un habit prétendument consensuel pour cause de crise financière.
Son envie d'inscrire une « règle d'or » d'équilibre budgétaire dans la Constitution est déjà très mal accueillie en France. Le piège était grossier. Ses surenchères minables ne vont qu'empirer la situation.
Krach estival ?
La belle déclaration conjointe de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n'a pas suffit. Qui aurait pu croire du contraire ? Le communiqué était si creux qu'on en a oublié la teneur. L'important était son timing. Les marchés voulaient des actes politiques forts. Ils ont assisté à une lutte de pouvoir entre chefs de gouvernement et BCE. Les premiers réaliseraient-ils que l'indépendance de la Banque Centrale est une mauvaise chose ?
Lundi, la BCE a racheté des obligations italiennes et espagnoles, après une réunion la veille des directeurs des trésors. Au passage, Silvio Berlusconi a reçu un courrier de mise sous tutelle de la part de la BCE, signé Jean-Claude Trichet, l'actuel gouverneur, et Mario Dragui, son successeur à la fin de l'année : la BCE exige de l'Italie une accélération de l'adoption des mesures de rigueur, et liste, notamment les entreprises qu'elle veut voir privatiser. Qui gouverne l'Italie ?
Dans la journée, les bourses européennes, très volatiles comme ailleurs étaient comme suspendues à l'ouverture de Wallstreet. Dans l'après-midi, sans surprise, la place newyorkaise fut secouée par un joli krach, avec une nouvelle chute, de 5% cette fois-ci. Le Dow Jones est tombé de 5,5%; le S-P500 de 6,8%. Reuters notait que « le plongeon de ce lundi intervient après la plus forte baisse hebdomadaire en deux ans accusé la semaine dernière par Wall Streeet ». En France, le CAC40 a baissé (de 5%) pour la 11ème fois consécutive, un nouveau record. Toutes les bourses, sur tous les continents, ont subi la détérioration. Ce krach estival est mondial.
Selon le directeur d'Opinionway, complaisamment relayé par l'Express, Nicolas Sarkozy s'est « représidentialisé » grâce à cette séquence. « En tongs ? » serait-on tenté de demander. Notre Monarque n'a pas quitté son lieu de villégiature. Chaque jour, un nouveau journaliste nous gratifie d'un nouvel hommage surpuissant à ce président-qui-bosse-pendant-ses-vacances-bien-méritées. Lundi 8 août, c'était Nadège Puljak, journaliste de l'AFP accréditée à l'Elysée, qui décrochait le pompon : « De son lieu de villégiature --la propriété de sa belle-famille dans le Var-- le chef de l'Etat, qui est également cette année patron des G8 et G20, a décidé de prendre le taureau par les cornes et multiplie les contacts tous azimuts. »
Son homologue britannique, David Cameron, a dû rentrer précipitamment à Londres, non pas à cause de la chute des marchés, mais parce Londres a connu trois nuits d'émeutes. Plus de deux cent personnes ont été arrêtées. Un manifestant aurait été tué. L'origine des violences et manifestations est imprécise.
Surenchère estivale !
A l'approche du Grand Scrutin, tous les coups sont permis. Thierry Mariani, ministre des Transports mais surtout co-leader de la droite populaire, a suggéré dimanche 7 août que le gouvernement créé un fichier des allocataires sociaux, afin de mieux détecter les abus : « Contre la fraude, je soutiens la création d’un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues. (...) Cela permettra de constater les abus. Une même personne peut toucher indûment le RSA dans plusieurs départements, car aucun d’entre eux ne croise les dossiers ».
Aussitôt dit, aussitôt fait, Xavier Bertrand, son collègue du Travail et de la Santé, a promis dès dimanche soir, à l'AFP, qu'un tel fichier serait mis en oeuvre avant la fin de l'année : ce sera « la meilleure façon de renforcer la lutte contre des fraudes sociales ». Le ministre espérait augmenter le rendement de la chasse à cette fraude au cumul indu d'allocations sociales, une chasse qui a permis de récupérer « un peu plus d'un milliard d'euros, soit 10 % de plus que l'année précédente ».
Fantastique ! devait s'écrier l'électeur béat d'admiration devant un tel zèle à bien faire. Mais... pourquoi a-t-il fallu attendre 9 mois avant le premier tour de l'élection présidentielle pour y penser ? Finalement, même pour le sympathisant sarkozyste, l'indulgence a ses limites que la Sarkozie ne connaît plus : primo, si ce fichage des modestes est si prioritaire et décisif, ce gouvernement a agit avec une grave incompétence à tant tarder à le mettre en place. Secundo, un rapport parlementaire en juin dernier évaluait la fraude aux prélèvements sociaux par les entreprises à 8 à 15 milliards d'euros. On n'entend pas beaucoup la droite populaire, et encore moins le gouvernement, faire de lumineuses propositions sur le sujet... Question de priorité... électorale ?
Surenchère estivale, bis
Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur, était discret ces dernières semaines, après des mois de polémiques en tous genres. Et pour cause, il s'était fait opéré mi-juillet. De retour Place Beauvau mais en partance pour les vacances, le successeur de Nicolas Sarkozy a glissé une nouvelle surenchère anti-migratoire, histoire de ne pas laisser Marine Le Pen seule sur ce terrain. Il s'est ainsi promis d'expulser 30.000 clandestins cette année, contre 28.000 l'an dernier.
On ne sait plus si, comme son prédécesseur Eric Besson, il y inclut la grosse quinzaine de milliers d'immigrés sans papier à Mayotte évacués chaque année, ou les Roumains, Bulgares et autres citoyens européens qui peuvent revenir aussitôt dans notre beau pays (9.000 l'an dernier).
Bêtise estivale
L'ancienne villepiniste Marie-Anne Montchamp, ralliée à Nicolas Sarkozy quand ce dernier la menaça sur sa circonscription, s'est aussi démarquée dès lundi.
Secrétaire d’Etat aux Solidarités auprès de Roselyne Bachelot, elle s'est déclarée persuadée qu'il ne sert à rien d'augmenter les impôts ou cotisations pour rééquilibrer les comptes publics. La preuve, dans son périmètre, elle a trouvé « 2 à 2,5 milliards d’euros de dépenses inappropriées » . Fichtre ! Que fait la police ? « La question n’est pas de remettre des fonds dans l’hôpital public pour des personnes âgées hospitalisées qui ne devraient pas l’être, mais de réorienter cette capacité de financement pour prévenir la perte d’autonomie. »
Chaque ministre, dans les semaines et mois à venir, devra adapter l'argumentaire sarkozyen à son périmètre : (1) il ne faut pas augmenter les impôts, (2) on a trop d'argent gaspillé.
Que la vie est simple en Sarkofrance !