Stériliser les moustiques mâles dans l'objectif de bloquer la transmission du paludisme. Cette stratégie génétique, expérimentée par des chercheurs britanniques pourrait bien permettre de réduire considérablement le nombre de moustiques vecteurs de la maladie présents sur le terrain, à condition de pouvoir “relâcher” une quantité suffisante de moustiques stériles. Car cette expérience aboutie, publiée dans l'édition en ligne du 8 août des PNAS, a eu recours à une technique génétique peu applicable, à ce stade, à l'échelle industrielle. L'étude remarque aussi, qu'en fait, les femelles n'utilisent pas le sperme comme une mesure de succès de l'accouplement.
Anopheles gambiae est le principal vecteur du paludisme, donc la principale cible des chercheurs qui veulent trouver des approches alternatives à l'utilisation d'insecticides pour lutter contre la plus mortelle des maladies á transmisssion vectorielle qui, selon l'OMS, tue plus de 1,2 millions de personnes chaque année dont surtout des enfants. Contrôler le moustique vecteur, en particulier sur un plan génétique a déjà fait l'objet de nombreuses recherches. Mais ici, il s'agit de cibler la fertilité en leurrant les femelles moustiques par la libération de mâles stériles, pour parvenir à réduire l'importance des populations de moustiques sur le terrain.
Le succès d'une telle stratégie repose sur la réceptivité des femelles à l'égard de mâles stériles ou encore de la capacité des mâles stériles à se comporter normalement vis-à-vis des femelles moustiques. Les chercheurs s'inquiétaient que les femelles Anopheles gambiae puissent ne pas être dupées lors de l'accouplement avec des mâles stériles…Par ailleurs, les femelles de cette espèce subissent d'importants changements de comportement, après l'accouplement, elles déposent leurs oeufs lorsqu'elles se nourrissent de sang humain et deviennent réfractaires à un nouvel accouplement. Il fallait donc aussi, que l'absence de semence chez les mâles, n'intervienne pas dans la régulation des réponses comportementales des femelles après l'accouplement.
Une méthode de stérilisation sans incidence sur les autres fonctions physiologiques: Flaminia Catteruccia, auteur principal et entomologiste à l'Imperial College London a développé 96 mâles stériles en utilisant la technique de l'interférence de l'ARN (ARNi), en injectant des fragments d'ARN à des embryons de moustiques pour parvenir à perturber un gène essentiel impliqué dans le développement des testicules, empêchant ainsi les mâles de produire des spermatozoïdes.
Ces mâles s'accouplent avec succès et les femelles conservent le même comportement: 74% des femelles qui se sont accouplées avec des mâles stériles ont pondu des œufs vs 83% des femelles accouplées avec des mâles non stériles. En fait, les femelles n'utilisent pas le sperme comme une mesure de succès de l'accouplement, précise F. Catteruccia. La technique utilisée valide, concluent les chercheurs, l'utilisation d'approches fondées sur la neutralisation ou l'élimination du sperme pour le contrôle génétique des populations de moustiques vecteurs dans l'objectif de bloquer la transmission du paludisme.
Les chercheurs espèrent donc que ces mâles stériles, relâchés dans la nature pourraient réduire considérablement le nombre de moustiques vecteurs de la maladie, le prochain défi étant de trouver le moyen de produire des mâles stériles en quantité suffisante.
Source:PNAS doi:10.1073/pnas.1104738108 (2011) “Spermless males elicit large-scale female responses to mating in the malaria mosquito Anopheles gambiae” (Visuels PNAS “Comparaison entre (A) l'appareil reproducteur d'un mâle avec testicules développés et avec testicules non développés et sans spermatozoïdes. (Barre d'échelle: 0,1 mm.), vignette INRP)
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