Daniel Carter retrouve toute sa classe
Un titre volontairement provocateur mais comme vous commencez à me connaître, vous savez bien que répéter bêtement ce que l’on lit partout n’est pas mon habitude, donc je ne vais pas me lancer dans une énième description de la grandeur des All Blacks et de leur supposée invincibilité. Ces All Blacks m’impressionnent (beaucoup) moins qu’en 2007 où ils paraissaient vraiment imbattables. Cette fois, même si le retour sur terre à pu paraitre brutal pour les Wallabies, un regard plus réfléchi sur cette défaite doit être posé. Dans un article précédent je vous parlais du manque de demi-mesure de la presse Australienne et le match de samedi leur a encore permis de tirer à tout va, entre la mauvaise performance de Quade Cooper, les ratés de James O’Connor au pied, le manque d’impact de Rocky Elsom mais surtout les choix du coach “kiwi” des Wallabies alors qu’un coach “aussie” vainqueur du Super Rugby est dispo. Plutôt que d’essayer de vendre du papier, les journalistes Australiens devraient rester optimistes, il a toujours été préférable d’avoir une belle marge de progression avant une grosse compétition que d’être au sommet et ne pas savoir sur quoi bosser. Mais cette victoire est-elle si impressionnante que cela? Certes, seize points d’avance ça peut paraître beaucoup, mais avec un vrai buteur, l’écart aurait été plus faible et surtout l’essai de Sivivatu reste “gag” et certainement dû à un manque de concentration et d’expérience du côté des green and gold…
Conrad Smith, indispensable au centre
Loin de moi l’idée de vouloir minimiser la performance des hommes en noir, celle ci a été bien évidemment brillante et consolide leur présence en haut du podium des nations. On entend souvent dire en France que les équipes du sud ne savent qu’attaquer et que leurs défenses sont similaires à des portes de saloon. Les hommes de Graham Henry ont prouvé le contraire en édifiant un véritable rideau de fer (expression empruntée au très bon article de Thibault) ne laissant que très peu d’espaces aux fantasques Beale, O’Connor et Ioane pour attaquer, et encore seul l’ailier des Reds a réussi, grâce à son physique, à tirer son épingle du jeu de telles situations. Mais c’est surtout en fins stratèges, et comme ils l’avaient annoncé, que les Blacks ont réussi à déranger l’axe Genia Cooper limitant considérablement les attaques des kids Australiens. Daniel Carter qui semblait victime d’un coup de mou où d’un plateau de fruit de mer Sud Africain depuis quelques semaines a retrouvé son niveau et son excellence digne d’un ingénieur allemand. On parle beaucoup (trop à mon goût) de Sonny Bill Williams, mais la paire Conrad Smith – Ma’a Nonu est pour l’instant indétrônable car c’est un des atouts majeurs de cette équipe de posséder une paire aussi complémentaire. Aux ailes Sivivatu semble être revenu très fort après sa blessure alors qu’Hosea Gear m’a moins impressionné, contrairement à Cory Jane voire Zac Guildford la semaine passée. Pourtant tout n’a pas été parfait pour les coéquipiers d’un McCaw qui tout de même été pénalisé pour un hors jeu (s’il avait pas été 9h30 du matin j’aurais sabré le champagne), en premier lieu la mêlée qui a souffert face aux Australiens en début de partie avant que le niveau soit équilibré avec la sortie de Wyatt Crockett. Les All Blacks ont aussi été gênés en touche et en conquête… mais tout cela reste bien sûr perfectible. A noter également que Piri Weepu semble avoir pris de l’avance dans la course pour la titularisation au poste de numéro 9. Sa complémentarité avec Dan Carter a été très intéressante. Enfin j’ai trouvé la prestation de Mils Muliaina plutôt décevante, et pas uniquement parce qu’il s’est fait enrhumer par Ioane. Il devrait faire attention car Israel Dagg revient très fort et pourrait le concurrencer.
Scott Higginbotham, titulaire face aux Springboks?
Malgré une performance encore bonne de Will Genia, son collègue de la charnière Quade Cooper est resté très loin du niveau de son adversaire direct, confirmant ainsi les critiques de David Campese la semaine précédent qui ne classait pas les deux ouvreurs dans la même ligue. Cette semaine, Campo ainsi que Justin Marshall appellent à un retour de Matt Giteau… Ils faut tout de même rester raisonnable! Beaucoup de passes mal ajustées, de mauvais choix et ses “tricks” n’ont pas toujours bien fonctionnés. Et c’est quand Quade Cooper déraille que l’on se rend compte qu’il manque un 12 de grand talent et que James O’Connor mérite d’occuper cette position. En effet malgré un bon match face à la réserve des Springboks, Pat McCabe, bien que toujours solide, n’a pas soutenu la comparaison avec son vis à vis et n’a pas su relayer Cooper offensivement. S’ils ont beaucoup tenté en attaque, Kurtley Beale et James O’Connor ont été très décevants en défense, les All Blacks réussissant à marquer les deux premiers essais plutôt facilement. Le constat est plutôt inversé en ce qui concerne Adam Ashley-Cooper, trop souvent snobé par ses coéquipiers et qui, faute d’avoir le ballon en main, s’est beaucoup employé en défense. Le seul à avoir excellé dans les deux domaines est Digby Ioane, homme du match côté Australien, qui enfin épargné par les blessures peu montrer l’étendue de son talent. Devant les Wallabies ont-ils réellement besoin de Benn Robinson? Confirmant les bonnes impressions du premier match et du Super Rugby 2011, Sekope Kepu s’impose enfin dans cette équipe. La mêlée Australienne si souvent moquée (également sur ce blog) a tenu tête et parfois dominé celle des Blacks, s’ajoutant au bilan très positif de cette première ligne. Si Rob Simmons a déçu, remplacé très efficacement par un Dan Vickerman surprenant, James Horwill a lui sorti une grosse performance et prouve qu’il est indispensable. Malgré son essai, Rocky Elsom a été plutôt transparent, peu percutant et manquant quelques placages. Son manque de leadership pour réveiller ses troupes est aussi décrié, surtout quand il est entouré de deux leaders naturels avec Genia et Horwill. Il est cependant l’avant qui a le plus avancé balle en main avec le capitaine des Reds. David Pocock aura peut être la même carrière que McCaw mais il n’a pas encore le même mojo (ou influence sur les arbitres) car il a été pénalisé trois fois assez durement. Ben McCalman a lui été une nouvelle fois neutre… rien de dramatique mais rien d’exceptionnel non plus! Cependant l’espoir à ce poste pourrait venir du puissant Scott Higginbotham qui, comme je le précisais dans mon article d’avant match, a été une nouvelle fois auteur d’une entrée fracassante, gagnant autant de mètres que James Horwill en seulement 25 minutes de jeu.
Quelques stats All Blacks Wallabies
Kick / Pass / Run 28 / 115 / 88 18 / 152 / 126
Mètres balle en main 335 m 472 m
Percées offensives 4 5
Défenseurs battus 9 14
Rucks 76 / 83 (91.57%) 87 / 95 (91.58%)
Turnovers concédés 18 18
Placages / dont manqués (Ratio) 121 / 14 (89,63 %) 84 / 9 (90,32 %)
Mêlées / dont perdues (Ratio) 8 / 0 (100%) 6 / 0 (100%)
Touches / dont perdues (Ratio) 12 / 3 (80%) 9 / 2 (81,8 %)
Pénalités concédées 8 8
James O'Connor, 0% au pied
Ces stats sont-elles représentatives d’une équipe qui a farouchement dominé l’autre? Je ne le pense pas! Les All Blacks ont su contenir intelligemment les nombreuses tentatives Australiennes ainsi que profiter des lacunes défensives des Wallabies pour franchir la ligne à trois reprises. Avec plus de concentration et de régularité dans les coups de pied, les hommes de Robbie Deans auraient certainement pu rivaliser plus efficacement avec les kiwis. La revanche aura lieu lors du dernier match du tournoi depuis le Suncorp Stadium de Brisbane, sur les terres des Reds, et la donne pourrait avoir changée. Il sera difficile pour les Wallabies d’engranger l’expérience nécessaire pour éviter de reproduire les erreurs commises ce week end, mais ils restent tout de même mes favoris pour ce Mondial. Enfin le problème du buteur persiste mais James O’Connor reste le plus régulier et il serait de mon point de vu peu pertinent de lui retirer ce rôle. Les All Blacks ont eux prouvé qu’ils avaient cette grande qualité de pouvoir s’adapter intelligemment à leur adversaire, de pouvoir d’un match à l’autre passer d’une stratégie offensive à une très défensive tout en conservant la même efficacité. Cependant que se passera t’il quand ils seront menés ? Ils ne semblent pas savoir courir après le score (voir la finale des Crusaders) et perdent leurs moyens dans de telles situations.