Avant de m'attaquer à la rentrée littéraire, j'ai décidé de vous laisser quelque temps en compagnie de Jean-Luc Outers, un auteur d'outre-Quiévrain dont j'aime énormément l'univers romanesque, un homme qui, en plus de sa casquette de romancier, exerce des responsabilités au Service de la Promotion des Lettres à la Communauté française de Belgique. Rendons à César ce qui lui appartient : je ne me serais peut-être jamais intéressé au travail de Jean-Luc Outers si je n'avais pas été invité à le faire par Hubert Nyssen, le fondateur des éditions Actes Sud, son éditeur, autre Belge de naissance devenu français voici quelques années.
L'entretien date de septembre 2010 – j'ai honte de poster cela aussi tardivement mais l'année est passée à toute vitesse -, à Seneffe, près de Bruxelles, où j'avais été invité à animer une rencontre entre Philippe Djian et Jean-Philippe Toussaint sur le thème de la traduction.
Je souhaiterais au préalable revenir sur une partie de l'œuvre de Jean-Luc Outers. Cela permettra à ceux qui ne le connaissent pas, ou mal, d'avoir une vue générale sur son univers. Si vous êtes familiers de ses romans, allez directement à l'interview.
Un homme part à la recherche d'une femme. Célestin est responsable du bureau de l'heure. Il doit notamment transmettre le temps à la société des chemins de fer et à l'horloge parlante dont la voix est celle de Marine, qui a disparu depuis peu. L'histoire d'amour serait banale si elle n'était pas prétexte, sous la plume de Jean-Luc Outers, à une interrogation philosophique.
Au fond, n'y a-t-il pas deux sortes de temps ? Celui qui s'affiche en chiffres sur les écrans des montres, des horloges, des cadrans électroniques et dont il avait pour métier de contrôler la mesure. Ce temps est celui du moment présent, de l'instant, des heures qui balisent la journée, des horaires qui régissent le travail, des pointeuses, des urgences, des rendez-vous, des repas qui se prennent à heure fixe. Il est horizontal. Et puis il y a le temps qui a fui, échappant à l'homme, filant comme l'eau entre les doigts. Mais ce temps a laissé des traces indélébiles qui, à la faveur d'une rencontre, d'une maison, d'un café, d'une ruelle, d'un paysage que l'on croyait oubliés, ressurgissent. Ce temps est celui des origines, de l'histoire, la nôtre et celle qui nous traverse, venant du plus loin de la nuit. C'est le temps des profondeurs. Il est vertical. La Recherche, le livre de chevet de Célestin, ne parle que de cela, finalement, peut-être la littérature entière.
Les choses se corsent pour Célestin qui voit son activité soudain réduite. On lui impose désormais de ne plus avertir la radio et la télévision. Voilà le personnage central du livre contraint de s'adapter professionnellement.
Jean-Luc Outers dit s'être beaucoup documenté pour ce livre. Et on le devine volontiers à la lecture des phrases suivantes qui tranchent avec l'apparente simplicité du propos. C'est précisément ce contraste que j'aime beaucoup.
Àl'inverse du carillon de l'église qui annonce l'heure dès que sonne la première cloche, c'est le dernier top qui remplit cette fonction avec une précision irremplaçable. Or le Bureau international de l'heure a défini en 1920 la signature nationale des tops horaires, six points pour la Belgique, quatre pour la France, quatre tops, un blanc, un top pour l'Allemagne, etc. Cette signature permet, par exemple, à un bateau en perdition de savoir d'où vient l'heure. Elle revêt donc une importance capitale. « Question de vie ou de mort, conclue-t-il, je vous entends bien monsieur l'administrateur général, mais que pèsent le naufrage d'un navire et la perte de vies humaines en regard de quelques points d'audimat ? Je vous pose la question. »
Marine occupe toutes les pensées de Célestin. Ce dernier ne pouvant bénéficier de l'aide de Gilda, une Américaine qui occupe désormais le logement de la jeune femme disparue, il doit compter sur ses seules forces. Un comble pour un homme qui ne dort pas.
Célestin était coutumier des nuits d'insomnie, celles où s'éprouve l'expérience concrète d'un temps où rien ne se passe.
Outre Célestin – le choix de ce prénom n'est pas fortuit puisqu'il s'agit de décrire un homme rêveur, la tête dans les étoiles – et Marine, on croise d'autres personnages comme Staelus qui perdra la vie après avoir été licencié. Il est accusé d'avoir causé le déraillement d'un train. Sa veuve demande alors au personnage principal d'habiter avec elle. Il accepte.
Dans ce livre, chacun semble semble subir une société toujours plus adepte du « Time is money ». D'où une certaine nostalgie.
Tant de métiers avaient disparu. Celui d'allumeur de réverbères devait être un très beau métier, un des rares métiers où se confondent beauté et utilité. « Allumer un réverbère est un geste poétique et social à la fois. Tu ne trouves pas ? »
Célestin finit lui aussi par perdre son travail. Non pas qu'il se soit montré inapte à l'exercer. Son chef lui fait savoir que son poste n'existe tout simplement plus. Et il le lui annonce à un moment qui ne doit rien au hasard : au moment du passage à l'heure d'hiver.
Le corps ne se lasse jamais de s'exprimer, c'est vrai, mais lorsqu'il est amené à prendre la relève de la voix, ses moindre fibres deviennent le langage même.
Ainsi s'exprime le narrateur de ce livre qui évoque un voyage. Celui qu'il fait avec son père hémiplégique. Outre l'usage de ses membres, ce dernier a également perdu celui de la parole. Pas de dialogue, dans ces conditions, même si les deux hommes vont malgré tout parvenir à un semblant de communication.
Quant à mon père et moi, nous n'avions que le silence pour manifester notre connivence nouvelle. Mais le silence, pour qui le pratique, peut revêtir une infinité de tonalités et de nuances. Le silence n'est pas plus monocorde que la nuit qui, conjuguée à la lune, aux étoiles, au vent, à l'orage, à l'amour, à la peur, n'est jamais pareille à une autre nuit.
Mais au fait : se parlaient-ils seulement avant, ces deux hommes ? Il est permis d'en douter quand on entend le « petit » évoquer son aîné, un ancien député, ardent défenseur de la langue française.
Le mot Parlement m'apparut alors dans toute son évidence comme le lieu où l'on parle et où l'on ment à la fois. Nous, quand nous mentions nos parents, par exemple, nous ne pouvions nous empêcher de rougir. Au contraire, c'était le ton imperturbable et droit du ministre qui m'avait frappé, comme si, au parlement, parole et mensonge étaient indissociables, parties intégrantes du même rite. Dès lors, j'ajoutai aux menteur la catégorie des mentaires, ceux qui, bien plus habiles, arrivent à mentir sans rougir, les adeptes du « mentir vrai », selon le mot d'Aragon. Cette manière qu'ont les parlementaires de réagir, d'applaudir, de voter en groupe comme un dispositif réglé une fois pour toutes, où la parole libre fait figure d'oasis dans un désert de langue de bois, me conforta dans cette conviction. Aujourd'hui je n'ose plus trop m'aventurer aux alentours du parlement car j'ai le pressentiment que mon père y a laissé sa voix qui rôde quelque part dans les salles ou les couloirs feutrés qui bordent l'hémicycle.
Ce roman qui s'inspire de faits réels m'a particulièrement ému. Et s'il y a émotion c'est parce que Jean-Luc Outers ne s'interdit pas une certaine distanciation avec la gravité de son sujet. Il manie l'humour avec finesse, il signifie sa tristesse par la dérision. En voici une preuve quand le narrateur se retrouve à Ostende. Il croise alors une femme qui lui inspire la réflexion suivante :
Comme les gens qui sortent leur chien se découvrent soudain des affinités, peut-être nous sentions-nous, elle et moi, complices de promener notre progéniture, même si, pour l'un et l'autre, le temps s'était inversé.
J'ai beaucoup ri aussi au moment où le fils « abandonne » son père après que la voiture est tombée en panne.
On peut aussi lire ce roman comme un hymne à la Belgique, une certaine Belgique, que d'aucuns voudraient actuellement tuer au nom d'un nationalisme absurde. La paralysie du père semble presque faire écho, avant l'heure, à celle du pays. Du coup, rares sont les lieux unitaires.
Le littoral belge est le pays de la cohabitation linguistique
On notera que, comme dans Le bureau de l'heure, un autre Célestin entre en scène. Mais ici, le frère du narrateur ne jouera, contrairement au « précédent », qu'un petit rôle.
Parmi les autres personnages, il y a Odile, une copine, qui se retrouve seule après le départ de son compagnon, Jean. Ce moment inspire à l'auteur les lignes suivantes d'une très grande poésie.
Il n'avait rien laissé, pas même des miettes qui, au bout d'un temps auraient pénétré dans le sol puis donné quelques fleurs. Elle lui avait tout abandonné, son cœur, son âme. S'agissant d'amour, on ne refait pas sa vie. A vingt-deux ans, cet amour unique, en s'envolant, avait soufflé la flamme qui brûlait en elle. J'avais lu dans ses yeux qui avaient la couleur de l'eau, un irrémédiable naufrage. Sa peau semblait capter toute la transparence de l'air donnant à son corps une beauté immatérielle.
La cohabitation entre le père et le fils dure onze jours – onze chapitres -. Il n'y en aura pas d'autre. D'où ce titre :
Depuis le départ, mon père occupait sans sourciller la place du mort. Je l'y avais installé sans lui laisser d'autre choix comme si ce voyage devait être l'ultime anticipation de la fin.
Pour autant, la fin, inéluctable, est aussi le prélude à un nouveau départ, un nouvel épisode dans la vie du narrateur.
Chercheur à l'institut des sciences naturelles de Bruxelles où il s'occupe des reptiles, Valère se passionne pour les œufs ...
Les œufs étaient là depuis toujours. Avant les poissons, avant les arbres, avant les pierres, avant l'eau et le feu, avant le big bang même, il y avait eu les œufs. Si Dieu existe – le seul être dont Valère admettait l'antériorité par rapport aux œufs -, le premier jour, il a crée l'œuf. Et le second, il s'est reposé car, pour l'essentiel, son œuvre était accompli.
… et pour les femmes enceintes que le personnage principal finirait presque par jalouser.
S'il pondait des œufs, l'homme serait, sans conteste, l'espèce parfaite, songe souvent Valère. Pour se rassurer, il s'est fait à l'idée que, plutôt que vivipare, l'homme est ovovivipare : ses œufs éclosent à l'intérieur du corps maternel. Il aime à penser, en effet, que l'embryon humain n'est rien d'autre qu'un œuf qui se développe dans l'utérus de la mère.
Si Valère aime les œufs, son frère cadet, Maxime, employé au département du ministère des finances, redoute plus que tout les trous. Je devine déjà votre réaction à la lecture de ces lignes. Mais les trous dont il est question ici, sont surtout ceux des finances publiques belges, pays encore beaucoup évoqué dans cet opus :
Ce pays (…) ne cessait de se fendre comme un chêne déchiré par la foudre.
Plus loin :
La Belgique, petit pays posé au centre de l'Europe, connue avant tout pour l'éclairage orange de son réseau autoroutier, l'était beaucoup moins pour l'ampleur du gouffre de ses finances publiques.
La seule chose qui pourrait unir les deux frères est sans doute leurs parents. Comme dans La place du mort, Jean-Luc Outers évoque cette figure tutélaire disparue.
Un beau matin, leur père avait cessé de parler. Un accident cérébral. Lui qui avait fait de la langue sa vie, avait, d'un seul coup, banni les mots de sa bouche. Plus un n'en sortirait. Ils étaient devenus hors la loi. Il avait découvert une autre langue, celle qui s'exprime par les signes, les gestes, les sourires, les caresses, les pleurs, pour dire les choses essentielles : j'ai faim, j'ai soif, je dois faire pipi, si on allait faire un tour, mon enfant, ma sœur, ma douleur...
Cet hommage en cache un autre, pour la culture française cette fois. Si vous êtes des lecteurs réguliers de ce blog, vous vous rappelez sans doute que Hubert Nyssen parlait d'un « énorme complexe d'infériorité des Belges vis-à-vis des Français ». Voici, sous la plume de Jean-Luc Outers, des mots qui vont dans le sens de cette thèse :
Cette indifférence, les deux frères se l'étaient entendu reprocher par leur père Edouard durant toute leur jeunesse. Homme politique influent, Edouard pensait être né par erreur en Belgique, pays qui, à ses yeux, n'existait pas. Naître ailleurs qu'en France lui semblait inconcevable. Mais comment modifier ce qui est inscrit là sur votre acte de naissance et qui se retrouvera, quelques décennies plus tard, scellé sur votre pierre tombale ? En Belgique, le français se bredouillait comme une langue étrangère. Bossuet, Hugo, Chateaubriand, de Gaulle, Malraux étaient ses modèles qu'il imaginait sur des estrades de fortune haranguant les foules pour leur montrer la voie ou alors juchés sur des rochers, dans une totale solitude, communiant avec l'univers.
A l'enterrement du père (La mort remet bien souvent les pendules à l'heure), Valère tombe sur Eva, la femme de son frère Maxime. Comble de bonheur pour lui, elle est enceinte.
Maxime la sentait loin de lui, claquemurée dans son monde intérieur. « C'est précisément ce que cela veut dire, lui fit remarquer Valère : enceinte, repliée à l'intérieur de ses fortifications. »
S'ensuit alors une relation entre les deux personnages. Relation d'amitié d'abord qui conduit ensemble Valère et Eva à la banque du sperme (quelle scène encore !). Relation d'amour ensuite.
Eva se retrouvait entre deux hommes qui, dans son esprit, n'en formaient qu'un seul en raison de leur ressemblance parce qu'ils étaient, l'un et l'autre, les deux faces d'un même être. A présent, elle aimait Valère comme Maxime, redoutant secrètement que cet amour s'éloigne lorsque prendrait fin sa grossesse, consciente que, pour Valère, la passion se dégonflait naturellement en même temps que le ventre des femmes. Elle avait fait de rapide calculs : il lui restait quatre mois, cent vingt jours, à peine plus si l'on y ajoutait les retards, pour vivre cet amour comme un compte à rebours.
Ce roman où l'on retrouve encore l'obsession du temps s'achève de façon très singulière. Valère se retrouve en compagnie de deux femmes enceintes. Ça ne vous surprendra sans doute pas.
Mais j'en ai déjà trop dit.
Je trouve croustillante la façon qu'a Jean-Luc Outers de mettre en boîte ses personnages. Bien que d'une banalité affligeante ils ne sont pourtant jamais ridiculisés. Avec l'énergie du désespoir ils ont même tendance à s'étoffer, prendre de l'envergure. Leurs propos ont dès lors quelque chose de décalé, différent des discours formatés.
Les philatélistes jouissent devant les timbres rares, surtout les timbres non dentelés, rares entre tous. Les psychanalystes, eux, jouissent à mesure que le discours de leur client se rapproche de la période fœtale. Mais celle-ci ne laisse que peu de traces, sauf si l'on est né à l'envers ou amputé de quelques attributs. Je dirais donc du fœtus qu'il est le timbre non dentelé du psychanalyste. On tombe dessus par hasard, à moins que l'on ait beaucoup d'argent.
Quel rapport entre la psychanalyse et la philatélie seriez-vous autorisé à me dire si la psychanalyse n'était pas précisément la science de la mise en rapport.
Et ce rapport que j'ai d'emblée pointé, à l'orée même de ce récit, entre l'absence de Staline et la présence du ciel qui inaugureraient ma vie, seule la psychanalyse m'a permis de le mettre à jour. J'en suis convaincu. Des choses qui se passent à une telle distance l'une (naissance) de l'autre (mort), seul un travail hors du commun béni par la science peut les mettre en relation.
Vous vous demandez sans doute pourquoi il y a ici une évocation de Staline. Et bien parce que le narrateur est né trois jours avant la mort du boucher soviétique, un événement auquel il fait d'emblée référence comme s'il voulait situer sa présence par rapport à la grande Histoire. En insistant là-dessus, il fait oublier la pauvreté de son existence professionnelle, lui qui s'occupe quasi exclusivement des piscines publiques, surtout celles qui prennent l'eau. A y regarder de plus près on peut se demander si, symboliquement, les digues qui entourent la vie du narrateur ne sont pas, elles aussi, en train de lâcher progressivement. Rien ne semble pouvoir l'empêcher, surtout pas le travail qui est tout sauf le lieu de l'élévation intellectuelle.
Au sortir de l'ascenseur, je croisai Lenoir, le conseiller du directeur. Il avait la trentaine et paraissait toujours très occupé. C'était un de ces cadres qui veulent aller de l'avant, même si curieusement son regard était plutôt oblique.
Et quand ce n'est pas Lenoir, c'est un autre collègue, Muller, qui est gentiment moqué :
Il ne pouvait parler d'un acte sans le situer par rapport à du temps.
Cette bureaucratie absurde m'a fait penser à celle de Monsieur, roman de Jean-Philippe Toussaint. Il y aurait bien aussi du Courteline. A ceci près que les ronds-de-cuir évoqués par Jean-Luc Outers sont encore plus ridicules. Voyez ce Stark, le grand chef, qui ambitionne d'être président du conseil d'administration de toutes les piscines couvertes. Pas étonnant puisque, lit-on, la présidence doit revenir à un libéral et non à un socialiste. Le narrateur aussi pense à la hiérarchie. Sauf que, dans son esprit, elle est d'un tout autre ordre :
A le voir, je restais persuadé que, dans la hiérarchie des choses à faire, le mieux était encore de faire des enfants.
Que les lecteurs avides de romans sur le monde du travail se ruent immédiatement chez leur libraire préféré et commandent cet opus. Ils seront sans doute sensible à sa dimension absurde. Laquelle s'exprime en particulier quand les bureaux des employés sont réduits à la faveur d'une réorganisation interne. Il faut savoir gré à Jean-Luc Outers d'avoir exhumé une citation de Mao qui, détournée de son contexte, s'adapte parfaitement à la situation romanesque : « Un se divise en deux ».
C'est dans cet environnement étroit que le narrateur s'éprend d'une certaine Nadine Boulanger avant que cette dernière ne soit mutée. La bouffée d'oxygène est relative et de courte durée. Elle contraste singulièrement avec la petitesse des autres employés qui ne pensent qu'à prendre du galon. Le narrateur finira à l'administration des infrastructures souterraines. Mais la profondeur des lieux n'empêche pas, encore une fois, l'élévation intellectuelle :
Je suis né sous le signe de la peur. Cette peur ne m'a jamais quitté. Avant tout, il y a cette peur d'avoir à passer une vie sans objet. Naissant, le bébé est en droit de se demander à ceux qui l'ont mis au monde : « De quoi s'agit-il ? Quel est l'objet de ce remue-ménage ? Quel est l'ordre du jour ? » Ma vie s'est déroulée sans ordre du jour. Le seul point de repère dans ce temps dilué est ma naissance et peut-être celle de Jonas (son fils) que je voyais comme la reproduction de la mienne. Je parle de reproduction, non pas comme d'une photocopie, mais au sens où une vie peut en répéter une autre. Pour le reste, il n'y a aucun moment qui me permette de me situer sur le fil du temps. Pas d'autre écluse dans le parcours de ma vie.