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Hier, à 20h 31, sur la chaîne LCP, « DES NOIRS ET DES HOMMES ».

Par Ananda

Fort instructive, hier soir, cette émission, l’une des rares à donner pleinement, sur les médias français, la parole aux « voix noires » de l’hexagone.

Constat : un dialogue de sourds entre une « communauté noire » encore largement marginalisée et des élites françaises d’une blancheur bon teint qui s’accrochent viscéralement à leurs privilèges. Une France amoureuse de son « confort » et rivée à son individualisme pépère quant aux classes moyennes qui, encore très largement, oppose un franc déni au malaise qui monte de la frange de population issue de son ancien empire colonial, tant  « ultramarine » qu’ « immigrée ».

Un passé de toute évidence difficile à gérer ; « la France a du mal ».

Non, corrige l’intellectuelle réunionnaise Françoise VERGES, « nous ne demandons pas la « repentance » ».

Un problème typiquement « franco-républicain » avec « l’ethnicité » ?

Oui, et pourtant, Vergès le souligne bien, ce passé vit encore et toujours dans un cadre mental de « ligne de démarcation » entre les couleurs hérité directement de l’époque et de l’esprit colonialistes.

Ce cadre mental, vécu comme un véritable marquage au fer rouge, oppresse les individus que leur couleur visible a placés du mauvais côté de la barrière. Les divers témoignages sont, à cet égard,  sans équivoque, frappants, assez bouleversants.

Une France acharnée bec et ongles à défendre « l’image qu’elle donne, qu’elle veut donner » (F.Vergès) de « pays de droits de l’Homme » perdure, tout ce qu’il y a de paradoxalement, dans la lourdeur de ses conservatismes, de ses vieux réflexes.

Oui, semblent nous hurler les interviewés parmi lesquels bon nombre de jeunes, « les Noirs », ce n’est qu’un mythe.

La couleur de peau visible ne saurait tenir lieu d’identité, et encore moins d’enfermement identitaire.

On pointe souvent l’éveil actuel des prises de conscience « noires » dans l’espace français comme une soi-disant marque de « communautarisme ». Mais « le  communautarisme  a toujours existé », ainsi que ne manque pas de nous le rappeler quelqu’un. Les élites, jusqu’à l’état français lui-même, sécrètent un « communautarisme blanc » et, pire encore, l’entretiennent. De plus, ils tolèrent parfaitement certaines formes de communautarisme, sans en accepter d’autres.

On le constate à travers ce film, la question reste, hélas, à vif.

Comment la « dépassionner » autrement que par le dialogue et par la reconnaissance du passé colonialiste et de ses séquelles, encore si difficiles à « assumer » pour un pays si imbu d’autosatisfaction ?

A l’instar de tous les sujets vécus un tant soit peu comme « délicats », la « question noire », en France, se heurte à l’omerta, et ce d’autant plus qu’elle est appréhendée comme potentiellement explosive (serait-ce là l’effet pervers d’une culpabilisation massive, mais non avouée ? ).

Et c’est cette omerta qui, on le sent bien, oppresse, étouffe les gens qui ont la peau sombre et même, d’ailleurs, plus largement, tous les héritiers de ce passé innommable, douloureux (un moment donné, une personne fait allusion à la négation du fait métis, si dérangeant pour la fameuse dichotomie fondée sur les couleurs de peau bien tranchées).

De cette omerta persistante sont victimes les banlieues où la colère, la frustration continuent de couver, car « rien n’a changé » en dépit des émeutes qui embrasèrent la France entière en 2005.

« Immigré », cela devrait être un statut temporaire, fait observer un jeune militant associatif. Là où ça ne va plus, c’est quand cela devient un statut ad vitam aeternam, reposant (implicitement, bien sûr !) sur la couleur de peau, la religion et/ou le fait d’être issu des populations dominées, des « vaincus » de l’empire colonial.

Tous tombent plus ou moins d’accord : « si le CRAN existe, c’est qu’il répond à un besoin », celui, sans nul doute, de secouer toute cette néfaste inertie.

Travail, logement, accès aux grandes écoles, représentation dans les élites gouvernantes, régularisation des sans-papiers, changement de regard et disparition des manifestations d’un racisme jugé particulièrement « vicieux »…de plus en plus, de telles revendications légitimes mobilisent et unissent dans la même prise de conscience des franges de population aussi disparates par ailleurs que les gens des DOM-TOM et les ressortissants d’Afrique francophone.

Il y a, qu’on se le dise et qu’on le veuille ou non, du pain sur la planche (à titre d’exemple, il nous est dit qu’aujourd’hui encore, la plupart des procès entamés pour discrimination « n’aboutissent pas »).

Mais la question posée en fin de reportage est intéressante : « comment voyez-vous l’avenir ? ».

Si certains inclinent volontiers vers une tendance au pessimisme (au vu de la situation actuelle), c’est, dans l’ensemble, une note évidente d’optimisme qui se dégage.

L’incontournable femme politique Christiane TAUBIRA, qui sait de quoi elle parle, conclut catégoriquement : « il y a beaucoup de Français qui n’attachent aucune importance à la couleur de peau ».

Malgré l’amertume, malgré le malaise croissant, on se prend à espérer…à espérer qu’un jour peut-être, les « Noirs » ne constitueront plus, aux yeux de la France, le rappel d’une réalité embarrassante, dérangeante donc à évacuer à tout prix (la réalité coloniale, celle qui, entre autre, pointe du doigt Voltaire et les autres philosophes des Lumières en tant qu’esclavagistes).

De toute façon, ainsi que le décoche, avec, presque, un air de défi, un jeune « renoi » d’origine africaine : « on est là » ; la France « noire »  existe.

P.Laranco


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