La fin de la course n’est pas seulement l’abandon volontaire de nos démarches en tous sens pour obtenir l’éveil spirituel, c’est aussi - et surtout - la fin du paraître et le début d’une réconciliation profonde avec « ce qui est ».
Si le premier aspect (abandon des pratiques additionnées en tous genres) est souvent assez bien compris, car la fin de l’agitation du chercheur est bienvenue, le second (réconciliation avec “ce qui est”) soulève quelques résistances tenaces. Le chercheur veut bien arrêter de courir mais il préfère croire que cette suspension de la course vers « ailleurs » ou vers ses modèles l’autorise à demeurer dans son statu quo habituel, dans cette négation perpétuelle de la condition humaine, de ce qui l’anime à chaque instant, de la vie qui le traverse et qu’il a appris à ne pas aimer.
Le chercheur, en se saisissant de « la fin de la course », prend un raccourci qui l’inspire à affirmer qu’il « est arrivé ». Ce n’est plus réellement la fin de la course mais l’illusion qu’elle serait arrivée à son terme mythique !
Quand le coureur en soi s’effondre réellement, une forme de désespoir ne peut généralement pas être évitée. Si nous avons été identifié pendant des années à sa course, il est naturel d'éprouver une déception. Et cela est d’autant plus naturel que cet effondrement de la course, qui n’est pas un concept ou une décision mentale, nous ramène à cet univers que nous avions fui à toutes jambes à travers la course.
Le chercheur qui affirme que sa course est terminée n’accomplit qu’un acte superficiel car il n’a pas réalisé que sa course essentielle se déploie dans cet évitement permanent, de chaque instant, avec « ce qui est », avec « ce qui s’anime en lui ». Il persévère dans son attitude qui consiste à adapter ses masques à la situation. Après avoir abandonné, parfois avec réticence, le masque du coureur visible, il tient à garder celui du coureur invisible.
Il se refuse à confronter les frustrations et les colères qui le traversent, le sentiment d’insuffisance qui portait sa course et la tension lancinante qui ne peut se relâcher que dans la relation vivante que j’appelle « être avec ».
Le coureur qui résiste à « être avec » ce qui s’anime en lui, avec « ce qui est », quelle que soit la nature de « ce qui est », peut bien avoir interrompu ses stages et ses rituels, il n’a pas abandonné sa course virtuelle qui fait de lui une marionnette de ses peurs et de ses illusions.
Ces chercheurs sont encore des coureurs. Ils présentent les mêmes symptômes de la course et n’ont fait qu’adopter, une nouvelle fois, une attitude quand leur comportement trahit encore et toujours la fuite et la détresse de ne pas s’être réconciliés avec eux-mêmes.
Il y a donc une forme d’exigence dans la fin de la course qui ne peut se satisfaire de cet acte superficiel de l’abandon des pratiques. Car cette décision d’abandonner ses maîtres et ses pratiques est la compréhension la plus superficielle de cette invitation à la fin de la course. Le coureur invisible en soi n’a pas besoin de bouger physiquement pour poursuivre ses objectifs. Il lui suffit de nier l’évidence de ce qui le traverse à chaque instant, de nier sa détresse et sa difficulté à « être avec », à « laisser être » et à « se laisser traverser ». Et les mots qu’il prononce pour convaincre le reste du monde de sa béatitude ne parviennent pas réellement à masquer l’évidente détresse qui le tenaille.
J’assemble ces mots à l’intention de ceux qui sont encore possédés par le coureur invisible et présentent le masque aux traits tirés de ceux qui, par peur encore, voudraient faire l’économie de la rencontre avec soi et de l’amour, l’aspect le plus précieux de la fin de la course.
Thierry.
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