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Les peuples ne veulent plus de la cavalerie financière

Publié le 08 août 2011 par Laurentarturduplessis

Pour la seconde fois, la crise du système financier international entre dans une phase aiguë. La première fois, c’était en 2008. Depuis, il semblait en convalescence. La rechute est gravissime : il se désagrègera dans un fracas planétaire.

Le Tea Party a dit non

Le détonateur a été l’agence Standard and Poor’s, qui a transgressé un tabou en rétrogradant le AAA des USA, première puissance mondiale, géant impérial et militaire, clé de voûte du système économique et financier planétaire. L’agence s’est émue de l’affrontement parlementaire brutal et prolongé entre républicains et démocrates au sujet de la demande d’autorisation légale de relèvement du plafond de la dette souveraine américaine par la Maison-Blanche, qui a débouché in extremis sur un accord a minima – relèvement de 2 100 milliards de dollars, réduction des dépenses fédérales de 1000 milliards sur 10 ans – jugé très loin du compte.
Cet affrontement parlementaire a marqué un tournant décisif. Rien ne sera plus comme avant. Avant, les parlementaires entérinaient les plans de relance, à l’unisson d’une l’opinion publique encore confiante dans la capacité des élites à éviter une crise économique de l’intensité de celle de 1929. Désormais, l’opinion n’a plus confiance dans ses élites et leur politique de relance qui a débouché sur une croissance faible et une montée du chômage en 2010-2011.
Les commentateurs ne s’y trompent pas, qui maudissent le mouvement Tea Party devenu prépondérant au parti républicain à l’occasion des élections de mi-mandat (mid-term) de novembre dernier. L’influence du Tea Party a fondé l’hostilité « jusqu’au-boutiste » du parti républicain au relèvement du plafond de la dette : il a mis son veto à la cavalerie financière menée par l’État fédéral pour essayer de relancer l’économie.

Décès par sevrage alcoolique

Le Tea Party a dit non à la poursuite du traitement du mal par le mal : il ne faut plus donner de l’alcool à l’alcoolique. L’économie américaine était intoxiquée au crédit facile – sous forme de création monétaire ex-nihilo et sans limites par la Federal Reserve Bank pratiquant des taux d’intérêt très bas, avec un dollar découplé de l’or – et à la relance budgétaire financée par des déficits abyssaux (14 300 milliards de dollars mi-mai).
La colère des commentateurs contre le Tea Party se comprend : ils craignent que l’économie mondiale ne succombe de la même façon que la chanteuse Amy Whinehouse. Cette grande artiste est récemment décédée, à 27 ans, d’un sevrage brutal d’alcool et de drogue. Les médecins addictologues savent qu’un sevrage top rapide peut être fatal.
Le sevrage d’un alcoolique ou d’un drogué se contrôle en milieu médicalisé. Les médecins surveillent les réactions du patient en manque, réduisent en douceur les doses de drogue et d’alcool, supplémentent l’organisme en eau, agents nutritifs et médicaments détressant le système nerveux.
L’économie mondiale n’a pas de centre de désintoxication planétaire. Tout est improvisé de ci-de là. Le traitement a été lancé en Europe, en 2010, à l’instigation allemande. D’où un affrontement violent entre Angela Merkel et Barack Obama au G20 de Toronto en juin 2010 : le président américain reprochait à la chancelière allemande de torpiller la politique de relance par la dépense publique initiée en 2008 par les États-Unis et imitée par les Européens jusqu’au revirement de 2010.
2011 : pendant que l’Europe renouait avec l’austérité, les USA poursuivaient la relance par le Quantitative Easing 2 (injection de liquidités par la Fed) succédant au QE1, et par le déficit budgétaire.
Tant d’argent injecté et si peu de résultats ! : une économie américaine se traînant, avec une croissance molle, un chômage en hausse, des ménages démoralisés devenus allergiques à la surconsommation.
Alors, les dirigeants américains estimèrent qu’il fallait prolonger la politique de relance le temps nécessaire : à force, on finirait bien par relancer puissamment l’économie ! Ben Bernanke, le patron de la Fed, souhaitait reconduire les Quantitative Easing et le président Obama différer le désentettement fédéral jusqu’au redémarrage de l’économie. Le surplus de recettes fiscales liées à cette embellie rééquilibrerait les finances publiques américaines. C’était poursuivre une chimère. Mais, dans les hautes sphères du pouvoir, la capacité à s’illusionner peut être sans limites.

C’est le peuple qui a tranché

Le peuple américain s’en est mêlé : il a dit non à la cavalerie financière, à la fuite en avant dans la dépense et l’endettement. Il l’a fait dès les élections de mid-term de novembre dernier, en élisant de nombreux candidats du Tea Party, messagers de la rigueur financière, du refus du surendettement public.
Prolonger la politique de relance n’aurait fait que retarder la catastrophe pour la rendre encore plus dantesque. Il vaut mieux vider l’abcès sans attendre, c’est-à-dire laisser la crise faire son œuvre purgative. Certains croient que la crise aiguë pourrait être évitée par la mise en œuvre de politiques d’austérité draconiennes. Hélas, non, c’est trop tard : c’eût été possible il y a au moins 20 ans, sinon plus. Entretemps, le point de non retour des déséquilibres structurels a été dépassé.
En tout cas, le Tea Party a lancé les dés, ils ont commencé à rouler et le système économique et financier mondial s’écroule…



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