Alors que, par leur endettement, les états appauvrissent les peuples, certains le proposent comme remède au peuple suisse contre le franc
fort. Il en est ainsi d'Alain Jeannet, [dont la photo provient d'ici] dans son éditorial de L'Hebdo du 4 août 2011 ici, que je découvre aujourd'hui en rentrant de vacances.
Le franc fort, paradoxalement, n'est pourtant pas l'épouvantail qu'agite le rédacteur en chef de l'hebdomadaire romand [voir mon article Le franc fort est une chance pour la Suisse ], qui écrit :
"Le franc est [...] devenu, avec l'or, la valeur refuge par excellence. Conséquence, on parle d'un risque de désindustrialisation, de bérézina touristique, de
chômage..."
Ces risques en effet existent si les entreprises suisses ne s'adaptent pas à la situation et n'augmentent pas leur productivité. Je ne pense pas seulement aux entreprises de
transformation qui importent des matières premières et qui peuvent déjà répercuter leur baisse dans leurs prix de revient. Je pense à toutes les autres qui y trouveront un
stimulant pour être créatives et ne pas se laisser aller, et à celles, en particulier, qui prendront le risque d'investir à l'étranger au bon moment.
Evidemment s'adapter et augmenter sa productivité ne sont pas des solutions de facilité. A l'heure où tout le monde a l'adjectif durable à la bouche, ce sont
cependant les seules solutions durables pour leur pérennité, car les efforts consentis aujourd'hui en période difficile donneront une nouvelle avance aux entreprises suisses sur leurs
concurrentes étrangères, ce qui sera un atout formidable pour l'avenir, lequel verra de plus en plus grandir la compétition avec des entreprises de pays émergents.
Immanquablement les prix des produits importés, qui sont en grand nombre en Suisse, baisseront, même si pour le moment les importateurs ne répercutent pas encore vraiment la baisse
induite par le franc fort. Ils y seront contraints ou perdront des parts de marché. Ces baisses profiteront aux consommateurs dont le pouvoir d'achat augmentera sans qu'il ne soit besoin
d'augmenter nominalement les salaires. Or ce qui est important n'est pas le montant du salaire que l'on perçoit mais ce que l'on peut faire avec.
Avant d'en venir à sa solution "facile et utile" d'augmenter l'endettement public, l'éditorialiste de L'Hebdo écarte heureusement les solutions que
d'autres évoquent encore, et qui sont effectivement inutiles et coûteuses, telles qu'"accrocher le franc à l'euro" ou "faire
marcher la planche à billets". Il se rend bien compte intuitivement que ces solutions engendrent des dégâts.
Il préconise donc de suivre "une politique affichée d'endettement public" :
"La Suisse aurait tôt fait de tempérer les attraits de sa monnaie. A condition, bien sûr
d'investir ces sommes de manière utile et durable tout en monétisant la dette (et sans élever les impôts)."
En écrivant cela Alain Jeannet perd de vue tout d'abord que la dette publique helvétique est comparativement à celles des autres pays riches très largement inférieure et qu'il
faudrait donc l'augmenter de manière très significative pour dissuader les acteurs économiques d'y trouver refuge [voir mon article Crise de l'endettement ? La Suisse connaît pas ]. Quel pourcentage arbitraire
faudrait-il atteindre pour que le marché réagisse à la baisse et enregistre cette duperie ?
Alain Jeannet oublie également que cette dette publique helvétique n'est déjà pas négligeable - il y a quelques décennies elle aurait été même considérée comme trop élevée ... - et que c'est autant qui n'est pas à disposition des entreprises et des habitants du pays pour épargner, investir et créer des richesses. Enfin quand il parle de monétiser la dette, cela signifie que cette dette est bien un vol programmé opéré sur tous ceux qui y souscriraient, puisque le remboursement ne se ferait pas par l'augmentation des impôts, autre vol caractérisé, mais en monnaie de singe.
Enfin qui déciderait de "la manière utile et durable" des sommes dérobées ? Alain
Jeannet évoque la troisième voie entre Lausanne et Genève, les énergies renouvelables, la surélévation des barrages alpins, l'innovation dans les technologies vertes... autant de projets
dont le bienfondé reste à prouver et qui seraient décidés arbitrairement par l'Etat.
Cette idée d'augmenter la dette pour faire baisser le franc est donc une nouvelle version de l'interventionnisme de l'Etat, une manière déguisée de socialiser davantage le pays. Ce
dernier s'en sort pourtant mieux que les autres parce qu'il est moins atteint par cette nouvelle variété de socialisme.
Francis Richard