Incontestablement, les consommateurs arabes n’ont pas autant besoin cette année de leur dose annuelle d’opium télévisé parce que l’actualité leur offre, avec le printemps arabe, un feuilleton aux péripéties autrement fascinantes. Mercredi dernier, l’Egypte tout entière, et une bonne partie du monde arabe, s’est assemblée devant les postes de télévision pour regarder un épisode historique, qui n’est pas près de se renouveler. Après la très détestable téléréalité, sous le regard complaisant des soldats US, de l’exécution de Saddam Hussein (repris, par les bons soins de la BBC, en vraie série télé tournée en… Tunisie avec dans le rôle principal un acteur… israélien : on a vraiment changé d’époque !), la révolution égyptienne met donc en scène le procès de l’ancien président, avec comme générique cette séquence d’anthologie : dans la « cage des accusés » on voit successivement entrer les différents accusés, une borchette d’anciens ministres, les deux fils de Hosni Moubarak et l’ex-président de la République en personne. Le plus impressionnant, c’est peut-être le silence qui règne entre les commentaires de la speakrine, un vrai silence comme il s’en fait lors des tragédies les plus poignantes : il permet d’imaginer les pensées de millions de personnes en cet instant
Comme dans les « vrais » feuilletons, la bande-son a la plus grande importance. C’est elle qui, en quelques phrases musicales, résume toute l’ambiance de la drama. Pas de mélodie pour cette série dont les téléspectateurs arabes attendent certainement la suite avec impatience, mais un dialogue que nombre d’Egyptiens ont téléchargé sur internet pour en faire leur sonnerie de portable (pour la décharger, cliquer ici) :
— Premier accusé, Mohammad Hosny Al-Sayyid Moubarak.
— Votre Honneur, je suis là !
— Tu1 as entendu les accusations formulées contre toi. Qu’as-tu à dire ?
— Toutes ces accusations, je les nie en bloc.
(La scène se répète avec les deux fils.)
La suite du procès, c’est en principe le 15 août… D’ici là, bonnes soirées de ramadan (avec peut-être d’autres guest stars pour le grand feuilleton des révolutions arabes !)
- Non, ce n’est pas un tutoiement révolutionnaire, c’est usuel en arabe, même si le juge aurait pu trouver une formule pour éviter d’avoir à user de la deuxième personne… Il a choisi de ne pas le faire.