Aux siècles des diligences, les hors-la-loi de l’Ouest Américain coiffés de « stetson » et le ceinturon orné des merveilleux outils de Samuel Colt, détroussaient les voyageurs, les banques et les trains, permettant à tout un chacun de recevoir une leçon d’économie, inculquant à leurs victimes la différence entre prix et valeur !
C’est avec le même entrain que cet enseignement fut repris plus tard par les narcotrafiquants qui permettaient à certaines de leurs victimes potentielles (je ne parle pas ici des consommateurs réguliers de leurs produits, clientèle en général très fidélisée, un peu comme les usagers du tabac ou de l’alcool), de découvrir également cette théorie économique essentielle en leur proposant de spéculer d’une manière définitive sur les matières premières d’une simple phrase : « plomo o plata » (du plomb ou de l’argent)!
En Europe, ces précurseurs des cours d’économie ont commencé leur enseignement bien avant Adam Smith, Ricardo où les théoriciens néoclassiques de la valeur. Ils pratiquaient leur art dans les ruelles peu éclairées des villes sous la délicate appellation de « coupe-jarret », avant d’aller exercer leur art sur les chemins boisés de notre vieille Europe, sous la dénomination plus poétique voire écologique de « bandits de grand chemin ».
Le leitmotiv, étant cette phrase popularisée par les romanciers et les cinéastes : « la Bourse ou la Vie ! ».
De nos jours, le portefeuille a remplacé la bourse même si, paradoxalement, il peut être composé de valeurs boursières ; les bandits de grand chemin et les «outlaws» ont rangé les pistolets à silex et les six coups pour les remplacer par des écrans où s’affichent des chiffres qui ne veulent plus rien dire, et qui sont commentés par une presse spécialisée avec des tournures qu’Auguste Maquet aurait pu couché pour Dumas pour nous conter dans des numéros à épisode les mésaventures de nos maigres économies.
Des « Trois sous que nous avions » à « 20 crises après », sans oublier le « Compte de Monsieur Tout le Monde ».
Certes, nous pourrions à cet instant de mon récit nous remémorer Mark Twain qui plein de sagesse disait avec humour qu’« il y a deux cas dans lesquels un homme ne devrait pas spéculer en Bourse, quand il n'en a pas les moyens et quand il en a ! »
Chaque jour, nos hommes politiques nous rappellent que c’est la faute aux agences de notation, aux fonds spéculatifs… Mais jamais la leur ! C’est vrai qu’ils sont toujours les héritiers d’une situation que leur a léguée le ou les gouvernements précédents, ou de la conjoncture quand ils se succèdent à eux-mêmes. Donc responsables, mais pas coupables suivant la formule consacrée (avantage des démocraties)!
Pourtant, le spéculateur ne fait que tenter de profiter d’une situation qu’il n’a pas créée. Il prend un pari et risque de perdre son argent. Même s’il ne crée aucune valeur, il risque la banqueroute en prenant des positions sur son analyse d’une situation donnée à un moment donné en recherchant les inconséquences qu’offrent les marchés ou les politiques de nos chers dirigeants.
Ce faisant, il utilise ce que l’on appelle « l’effet de levier », soit le nombre de fois qu’il peut s’emprunter pour augmenter la taille effective de ses positions. Cet emprunt étant lui-même accordé par les banques, que les gouvernements mondiaux s’efforcent de sauver.
D’une manière schématique, c’est un peu le même mode de fonctionnement des gouvernements qui devant l’ampleur d’une crise dont ils n’avaient pu prévoir l’ampleur, ont eu recours à une politique de relance keynésienne, en oubliant les niveaux d’endettement dans lesquels ils se trouvaient déjà.
Le problème c’est que Keynes ne fonctionne plus, dans des pays qui ont bradé leurs industries, où l’immatériel a remplacé le matériel, et où pour favoriser une intégration européenne à marche forcée, on a choisi de fermer des yeux sur des comptes publics que tout le monde savait trafiquer.
Alors peut-être qu’aujourd’hui, la phrase tant redoutée des voyageurs des siècles précédents reprend elle tout son sens : « La bourse ou la vie ? »
Une nouvelle leçon, sur la différence entre le prix et la valeur, dans des sociétés cyniques qui ont perdu toutes leurs valeurs nous renvoyant à cet aphorisme d’Oscar Wilde : « Un cynique c’est une personne qui connaît le prix de tout et la valeur de rien ! »