De jour en jour, depuis 3 ans, le monde, et particulièrement le monde occidental, semble s'enfoncer dans une crise sans fin, de plus en plus profonde et inquiétante. Préoccupés par l'urgence des réponses à trouver, l'homme de la rue, le journaliste comme le personnel politique, ne semblent pas trop se poser la question des racines du mal qui nous ronge chaque jour un peu plus. Or, on ne pourra en sortir que si on a compris ce qui est en train de se jouer dans ce grand théâtre de la peur.
Evacuons rapidement les explications simplistes et monolithiques, même si nous savons que chacune d'entre elles participe à la vérité complexe : les riches font de la prédation, les dysfonctionnements du système financier américain, l'irresponsabilité des banques, nos vies à crédit.
Le mal est trop profond, trop ancré en nous, la colère qui monte trop puissante, pour se limiter à ces simplifications rassurantes qui désignent un bouc émissaire toujours commode et finalement rassurant. Avant les trois ans de crise financière, n'avons nous pas connu 30 ans de crise larvée, de ralentissement, de montée progressive du chômage?
Partons de ces deux dates : 2008, le déclenchement, est-ce un hasard, mais jamais le cours du baril de pétrole n'a été aussi haut? Entre septembre 2003 et juin 2008, on a assisté à un quintuplement des cours du brut, avec un record historique de plus de 103 dollars en mars 2008. La crise démarre à l'automne 2008. Chacun sait aussi que la crise de 73 commence par un choc pétrolier.
La concurrence pour l'accès aux hydrocarbures: la corrélation entre notre crise et ce problème de pétrole n'est pas un hasard.
Mais il ne faut pas limiter le problème à celui du pétrole : prix alimentaires, prix des matières premières, toutes les courbes étaient ascendantes avant 2008.
On a donc ici un faisceau d'explications qui s'ordonnent autour des progrès de la mondialisation. Celle-ci renforce la concurrence pour l'accès aux ressources dans une planète de plus en plus globalisée.
Mais cela ne suffit pas à expliquer ce qui s'est passé. Le déclenchement de la crise, l'étincelle provient de la crise des subprimes. Or, ces produits bancaires complexes ont été construit autour du marché du logement. En effet, depuis 20 ans, l'ensemble du monde occidental voit des tensions énormes autour de l'immobilier. Il devenait de plus en plus difficile de trouver des fonds pour acheter dans ce secteur économique. Les subprimes ont été la réponse -pourrie- du système financier à cette difficulté.
Les prix, de plus en plus inaccessibles de l'immobilier, proviennent essentiellement de la rareté croissante des biens et des terrains. C'est donc la difficulté à gérer la demande d'espaces et de territoires urbains, qui explique aussi le déclenchement de la crise.
Intéressons-nous maintenant à la crise des dettes publiques. Leur augmentation depuis 30 ans provient de l'incapacité des gouvernements à sortir d'une logique keynésienne où l'endettement provoquerait nécessairement de la croissance.
Ce qui a fonctionné jusqu'aux années 80 ne fonctionne plus et fonctionne de moins en moins bien. Les taux de croissance des pays occidentaux restent particulièrement bas car ils ont utilisé tous leur territoire utile pour cela et ne disposent plus d'une "Nouvelle Frontière" pour croître. Les pays émergents, qui possèdent encore ces espaces sont, pour l'instant, moins touchés par ce phénomène.
Pensant réactiver la croissance, ils ont inexorablement creusé leur déficit dans un monde où les tensions pour l'accès aux ressources et aux territoires rendaient chaque tentative de plus en plus coûteuse.
En définitive, la rareté croissante est le fil directeur qui explique nos malheurs: l'insuffisance des ressources alimentaires et du sous-sol, le manque de terrains et finalement la pénurie d'argent. Ce qui nous arrive provient d'une loi économique fondamentale: la loi de l'offre et de la demande.
Mais ici, cette loi implique tous les secteurs de l'économie, toutes les ressources et tous les pays. Notre vieux Occident, bien rouillé et davantage nanti, en subit le plus les conséquences. Cette crise est totale et globale.
Elle est, avant tout, une crise environnementale. Nous sommes en train d'atteindre les limites de nos prélèvements sur notre planète et nous le payons, et le payerons, de plus en plus cher.
Et, pour s'en sortir, il faudra cesser de ne regarder que "l'écume des choses" -la crise financière qui nous menace dans l'immédiat- pour comprendre, imaginer et inventer les moyens d'actions qui nous permettront de gérer collectivement cette rareté multidimensionnelle.