D’un nom de cinéma, il s’est fait un prénom. Sept ans après son premier long-métrage, «Regarde les hommes tomber » , Jacques Audiard,réalisateur et scénariste, n’a plus besoin du père. « Sur mes lèvres », son troisième film achève de parapher une identité cinématographique totalement originale et indépendante. Il a gagné en maturité, c’est une évidence, quand on voit désormais comment il mène de front, plusieurs histoires tout en conservant un coup d’œil aussi pertinent sur ses personnages.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Paul Angéli, peut-être le plus emblématique d’entre eux,prend ici les traits d’un Vincent Cassel, rebelle et mal à l’aise dans une société qui le rejette.Pour se réinsérer,après avoir purgé une peine de prison, il accepte d’être l’assistant de la secrétaire d’une importante agence immobilière.Elle fait partie des meubles, et plus personne ne remarque son physique ingrat, doublé d’une surdité, dissimulée. , Emmanuelle Devos , qui à cette époque commence véritablement à imposer sa silhouette si particulière, tient dans le personnage de Carla l’un des premiers grands rôles de sa jeune carrière.
Elle est tour à tour saisissante de candeur, de tristesse et de solitude jusqu’au jour où son adjoint cambrioleur lui propose d’utiliser sa technique de lecture sur les lèvres, afin de doubler un gang. Une première manipulation qui en entraînera bien d’autres dans cette aventure que le cinéaste prend le temps de nous raconter pendant près de deux heures, très posément.
La première partie, sous des aspects quasi-sociologiques (le monde du bâtiment en prend pour son grade) aligne avec une aisance naturelle toutes les données du problèmes.Où l’on voit subrepticement se dessiner les règles d’un jeu bien connu des scénaristes (le chat et la souris), sauf que cette fois les rôles s’inversent au fur et à mesure que la tension incline le plan échafaudé par Angéli.
Relativement sage jusqu’alors Jacques Audiard rythme de plus en plus nerveusement sa mise en scène, dans laquelle un troisième individu peu recommandable vient se perdre avec superbe. Olivier Gourmet , patron d’une boîte de nuit, pour qui Angéli reprend du service afin de payer ses dettes.
C’est la dernière branche d’une trilogie savamment édifiée par l’auteur et son co-scénariste, Tonino Benacquista, (mais il ne s’agit pas d’une adaptation), sur une trame du quotidien désabusé. Il faut alors se ressaisir, nous dit Audiard coûte que coûte, et même au prix le plus fort. Masson (Olivier Perrier ) chargé du suivi de la réinsertion d’Angéli en connaît déjà le montant…