...Marguerite, vous permettez que je vous appelle Marguerite ?!! Marguerite, si vous saviez !!!... Si seulement vous saviez, mes tourments, mes révélations, mes
tensions, mes espoirs, ses peurs et mes craintes, si seulement vous saviez combien je vous aimé, puis haïe, combien vous m'avez donné et comment aujourd'hui vous me faites souffrir, Ah....
Marguerite, si vous saviez !!!...
Alors tant pis pour ce cri silencieux à la Klimt, ce hurlement vain et si lourd de sens, laissez moi, Marguerite, vous dire pourquoi, ce soir, nous sommes là et pourquoi ce soir donc, les eaux limoneuses de votre Mékong se mèlent aux eaux sombres de ma lagune Elima...
Permettez moi donc, Marguerite de faire une brève parenthèse pour planter le décor, ainsi, vous et moi, serons plus à l'aise pour échanger, tranquillement. Mon continent d'adoption depuis quelques générations, l'Afrique, avec toutes ses rudesses, ses couleurs, ses goûts, ses saveurs, ses ivresses, ses contradictions, ses paysages, ses inspirations, mon Sport d'adoption depuis plus de 10 ans, le Rallye en général et le copilotage en particulier, avec toutes ses équations, sa jouissance, sa cruauté, sa complexité, sa rigueur, sa précision, son osmose, sa communion, sa fusion, sa radicalité, sa justesse, son intensité, son code d'honneur.
C'est donc sur le continent mère que j'exerce cet art mineur que l'on écrit en majuscules et que l'on encense en capitales, j'y ai puisé le bon sens de ses habitants, la grandeur de ses contrées, pour le reste, vous m'avez, au travers de vos écrits donné un certain nombre de clés et de cheminements pour comprendre l'amour, la haine, l'espoir, la douleur, la détermination. Vous savez, c'est comme certaines douleurs, vous savez les taire, puis un jour vient où l'on vous apprend à y mettre un nom, de ce jour là elles deviennent cinglantes, il va de la sorte de nombre de vos écrits, par le degré de compréhension qu'ils m'ont apporté, ils ont aiguisé mes propres instruments de torture, les questionnements deviennent dès lors multiples et donnent naissance à des réponses et des vérités que l'on ne saurait entendre ou accepter, vous m'avez fait grandir Marguerite, pour mon plus grand bonheur, pour mes plus grandes peines, soyez en remerciée, sans qu'il soit ici question de syndrôme de Stockholm !
Las, notre pays, la Côte d'Ivoire, si longtemps maltraité, alors qu'il se remet lentement sur ses pieds pour se remettre à marcher montre encore quelques vilaines blessures que le temps, seul, permettra de cicatriser, ainsi en va-t-il du Sport en général et de mon sport en particulier, et, après ces longs mois de disette, le retour sur les pistes, prévu de longue date le week-end du 13, 14 & 15 août est finalement reporté à une date ultérieure.
Oui mais, le processus mental auquel je me prête dans la préparation d'un Rallye dure environ 15 jours, à moins d'une semaine de l'échéance c'est donc une déchirure, une plaie qui s'ouvre de ne pouvoir rejoindre mon baquet, à la droite de Soumaoro Moriféré multiple Champion de Côte d'Ivoire des Rallyes dans son Evo 9, pour, une fois encore, aller livrer bataille dans notre arêne et défier les plus audacieux de nos adversaires !! La frustration est au moins aussi importante que le défi était alléchant et le plaisir évident, las, il faudra remettre à plus tard ce plaisir divin, mais que faire désormais de cette boule à l'estomac qui voulait dire, raconter, exprimer cette passion, cet emballement, cette jouissance ??
Alors, oui, Marguerite, ce soir, je vous tiens pour comptable d'une certaine manière de quelques unes de mes plus belles victoires, de mes plus douloureuses défaites et je m'en vais vous en faire le récit...
Hormis vos tropiques moites et humides, hormis mon goût incontestable pour vos écrits en particulier et l'Art littéraire en général, hormis mes escales beaucoup plus jeune à Phnom-Penh ou à Saïgon, hormis certaines de vos publications aux éditions de l'Harmattan et celui bien plus réel qui souffle dans cette Afrique que j'ai souhaitée mienne, hormis ce quartier de Montparnasse où vous reposez désormais et qui m'est si commun et si cher à Paris rien, je dis bien rien ne devait nous amener à partager ces instants ici et maintenant.
Pourtant, Marguerite, je vous dois de nombreux bonheurs et quelques mémorables douleurs aussi, même si je ne saurais dire à quel instant les unes se sont transformées en autres ou vice-versa.
Or donc, ma souffrance actuelle vous serait imputable, et qu'est-ce qui pourrait donc le laisser penser me direz vous ? Oh, trois fois rien vous répondrais-je, et pour autant, toutes ces petites et insignifiantes choses mises bout à bout ont contribué à faire de moi l'homme que je suis, avec ses joies, ses peines, ses bonheurs, ses détresses, ses victoires, ses défaites, ses amours et ses espoirs !
Je vous ai découverte dans les années 80, dois-je le dire Marguerite, par erreur, votre Roman s'intitulait "Un Barrage contre le Pacifique", l'été approchait, en la Romaine ville de Nîmes, passant devant la vitrine d'une librairie à l'ombre d'une avenue bordée de micocouliers, votre Roman (d'occasion) était exposé. Je suis entré, l'ai acheté, suis reparti, sans l'avoir seulement ouvert, sur un quiproquo né de votre titre. Je suis finalement entré dans votre écriture comme l'on rentre en exploration et en suis ressorti quelques jours plus tard bouleversé. Une de mes premières vraies claques littéraires ! L'histoire de ce combat acharné d'une mère contre tous les obstacles dressés sur sa route. Celui d'une lutte aussi noble et bouleversante qu'elle est vaine... Et déjà votre inspiration autobiographique et cette Indochine pendant la colonisation.
Or donc, Marguerite, vous veniez, à cet instant là, sans le savoir ni que je le sache, de poser les premiers jalons de ma passion future pour le Rallye, la quête désespérée contre ce fichu temps qui file et ces lois physiques qui freinent, le goût du sang avec cette lutte acharnée, la quête de ce Grâal du bonheur absolu et de la victoire, cet avant goût de la compétition !
Deux ans plus tard, vous m'asséniez un autre coup sévère, lorsque je découvrirais, par hasard là aussi un film, dont je découvre à cette occasion que vous avez écrit le scénario et les dialogues, le magnifique "Hiroshima mon Amour" d'Alain Resnais !!!
Tout à la fois poème d'amour et de mort, le parallèle troublant des horreurs d'Hiroshima avec les horreurs de l'après guerre en Europe, devoir de mémoire et pamphlet sur la nécessaire réconciliation des peuples, l'universalité de l'amour, la collectivité et l'individualité, ces deux personnages qui éprouvent une passion commune et luttent en premier lieu contre le souvenir, jeu sur la mémoire. On ressort de ce visionnage K.O. debout, avec autant de questionnements que de pistes semées dans le film, autant de portes entre-ouvertes que l'on va, ensuite, s'atteler à refermer ou ouvrir, unes à unes, ainsi donc, l'apprentissage continuait avec la thématique de l'adversaire et de la nécessaire réconciliation entre les ennemis d'hier, le respect de l'adversaire et la fraternité de fait des équipages qui partagent le même champ de bataille, la même arêne, un respect gagné dans la lutte, le sang et la douleur !
Le coup final, vous me le porterez à peine un an plus tard avec ce roman qui vous vaudra cette année-là le Goncourt, "l'Amant" est une grande gifle et je l'encaisse dans un état de semi conscience, un vrai Roman à double lecture à côté de laquelle l'adaptation cinématographique passera totalement, par choix ou pas, peu importe, l'oeuvre est là qui interpelle, questionne et initie, sur le parcours de son héroïne et les obstacles rencontrés, sur le chemin incontournable à parcourir pour se construire, "...Un jour,j'étais âgée déjà, dans le hall d'un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s'est fait connaître et il m'a dit : 'Je vous connais depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle lorsque vous étiez jeune, je suis venu vous dire que pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque vous étiez jeune,j'aime moins votre visage de jeune femme que celui que vous avez maintenant, dévasté..."
Sans honte, ni fioriture, la franchise et la sincérité de l'héroïne font mouche, cette mise à nu, cette nécessaire sincérité dans les sentiments et les sensations que vous êtes obligé de partager lorsqu'au sein d'un habitacle, l'un et l'autre nous mettons nos vies entre les mains de l'autre, sans arrière pensée, sans calcul, en apnée sentimentale et passionnelle, pros jusqu'au bout des notes, concentrés jusqu'au bout de ce qui tient par ailleurs nos vies en équilibre sur un fil plus ou moins fin...
Alors, Marguerite, j'aurais voulu, ne serait-ce qu'une fois, vous croiser dans la rue ou ailleurs, hier ou un autre jour, juste pour avoir la chance de croiser ces (ses) yeux, dans l'espoir puéril et vain d'y voir, cette vie, cette inspiration, ces aventures, cette profondeur, cet amour forcément (écrire, n'est-il pas un acte d'amour total, livrer son âme, aux autres ?), essayer de m'en imprégner, des les imprimer sur ma rétine, de les retenir, à jamais, pour savoir, pour comprendre, pour peut-être essayer de calmer ces douleurs et magnifier ces plaisirs, vous dire mon admiration, vous dire ma passion et ses paraboles avec vos vies littéraires si multiples face à cette vie physique si remplie...
Las, je n'aurais pas eu cette opportunité et me voici, à ces heures indues, dissertant avec vous de Rallye, de Littérature et d'Amour, Ah... Marguerite, si seulement, ne serait-ce qu'une fois...
De fait, dans une dizaine de jours, quand je retrouverais ma fille et pourrait la sentir contre moi, écouter son coeur battre à l'unisson du mien, sa respiration au ryhtme de la mienne, son regard chercher le mien, me rassurant de sa présence, alors, je commencerais à panser ma plaie, parce que ses rituels sont finalement si proches de ceux échangés dans notre habitacle et notre combat si proche de cette vérité et de ce tout qu'est la vie.
Ce tout si bien décrit dans votre ouvrage, Marguerite, intitulé "C'est Tout", ce journal, cette lettre d'amour, ce livre. Des phrases dites ou écrites, de votre écriture à notre lecture. Cet amour qui aspire l'entier désir d'un être pour un autre être, sa vie. Et la mort aussi, avec ses accessoires de découragement, et de panique du néant proche. Tout y est, les personnages, les rires, les pleurs, les pieds sur terre, là sur cette plage...
Alors oui, à cet instant Marguerite, j'aurais une pensée pour vous et j'irais puiser chez vous cette phrase, qui, déjà, entrouvrira la porte sur mon futur, ma future occasion de satelliser mes neurones et mes sens, et de me mettre à nouveau en état de dépendance, une fois franchi cet arceau !
Je m'en remettrais finalement donc à une de vos phrases Marguerite, un de ces joyaux de votre écriture, une de ces phrases qui font mouche à coup sûr, qui vous font vous sentir si vivant parce que si exposé, et vous font plonger corps et âmes dans cet au delà qu'est le futur; égal au Go ! d'un départ de spéciale, moment unique où, d'une respiration, une seule, vous plongez dans une apnée mentale, au sein de vos notes, pour jouer une fois de plus votre vie si cela était possible, en quête d'un Grâal unique, la décharge d'Adrénaline du chrono, la jouissance extrême du podium, qui vous laissera là, pantelant, en transit pendant encore un instant vers ce monde autour de votre habitacle et vous délivrera finalement pour vous livrer à l'ivresse collective, telle une naissance à nouveau, un premier baiser à l'infini. Et déjà vous saurez que demain, ou après-demain, ou la semaine ou le mois prochains vous irez à nouveau chercher ce chrono, cette sensation, cette décharge électrique, parce que ce goût, là, sur vos lèvres, dans votre coeur, dans votre corps qui se relâche enfin, entêtant, enivrant ne vous lâchera plus et que sa possession sera votre leitmotiv désormais...!!!
Alors, oui, Marguerite, je m'en remettrais à nouveau à vous, fébrile et inquiet en attendant le moment où...
ressassant dans ma tête vos propos...
"...C'est une merveille d'ignorer l'avenir..." - Des journées dans les arbres
A tous les copilotes en quête de cet état de grâce...
Pour tous ces pilotes qui m'ont accepté souvent, toléré parfois à leur droite pour quelques conseils, quelques notes, quelques spéciales, quelques rallyes voire quelques magnifiques victoires et titres !!!
Merci donc à Jean-Louis (toi même tu sais),, Christophe (ne lâche rien Boss), Soum (une perle dont l'écrin s'est perdu, phiphi, reviens !!!), Karam (tu manques au Rallye chaque jour un peu
plus), Panpan, Jean, Luigi, Pascal, Kévin, Cyril, Aîmé, Laurent, Gary et à tous ceux que je n'ai pas eu et qui ont fini (rarement !) devant !!!
Merci Marguerite pour toutes ces vies partagées, Merci pour toutes ces respirations !!!
Bon sang que mon baquet me manque, bon sang ce que ce goût de sang me manque, bon sang ce que tu me manques...