La crise de notre modèle de société ne date pas d’hier. Dès 2008, la crise financière faisait craindre la fin du système capitaliste. A peu près dans le même temps, à l’occasion du sommet de Copenhague, nombreux étaient ceux qui prédisaient la fin de notre société ultra-libérale et consumériste, menant tout droit la planète à la catastrophe.
Et depuis ? Le paradoxe est le suivant :
- D’un côté, les indices nous faisant supposer la crise majeure de notre système ne font que se multiplier, entre la hausse vertigineuse des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, l’aggravation des inégalités sociales, la crise de la dette et la soumission totale des gouvernements à la loi des marchés.
- De l’autre, les mouvements contestant l’ordre économique dominant apparaissent de plus en plus marginalisés voire ringardisés ; la droite conservatrice semble avoir gagné la bataille des idées. Désormais elle apparaît la plus crédible pour sauvegarder notre modèle et nos avantages.
Comment expliquer ce paradoxe ? Pourquoi Sarkozy arrive-t-il, grâce à sa gestion supposée lucide et courageuse de la crise, à se faire passer pour le sauveur du modèle social français… alors qu’il y a à peine deux ans, il était accusé d’en être le fossoyeur ? Pourquoi Mélenchon ou Besancenot apparaissent-ils à ce point comme les idiots utiles du système médiatique, avec un programme qui, pourtant basé sur la défense des intérêts des ouvriers, séduit surtout les bobos ?
Quelques hypothèses d’explication.
1. La médiocrité des opposants au système
Le système va mal, mais il est bien difficile d’inventer un autre système. Ce ne sont pas les provocations populistes de Mélenchon qui nous feront croire qu’il est simple d’inventer autre chose qui tienne la route. Et ce n’est pas la crise de colère infantile de Hulot (« prononcez cinq fois le mot Sarkozy dans un discours : vous provoquez des orgasmes ») qui vont nous faire croire à la conversion écologique de notre système. Quant aux communistes, n’en parlons plus, ils roupillent dans la naphtaline.
2. L’aveuglement face à la crise
La crise est bien là, pourtant, comment y croire quand on gagne toujours 3 500€ par mois et qu’on roule en BMW ? La France n’est pas encore la Grèce, et il est bien difficile de s’imaginer la fin d’une société permettant l’accès facile à une abondance de biens. Le réveil risque d’être brutal ? Peut-être, en attendant laissez-nous consommer.
3. L’entourloupe idéologique
La présence de la droite au pouvoir est aussi et surtout une victoire idéologique. Nous faire croire que la réduction drastique des déficits est la seule voie possible, que la gauche est ringarde et dépensière, que les écolos sont des rigolos… bravo, bien joué, pour l’instant le PS n’a pas trouvé la parade.
4. Le sens de l’Histoire
Dans le temps long de l’Histoire, certaines sociétés sont dominantes pendant un temps, puis passent le relais à d’autres. Ainsi, il est écrit que l’Occident, après plusieurs siècles de domination culturelle, technique, économique et politique, est en train de passer la main à l’Asie. Face à ce basculement, il est essentiel de sauver ce qui peut encore l’être : nos systèmes sociaux, notre culture… à droite toutes, donc !
5. La peur
La peur, tout simplement. Peur de tout perdre, peur de lendemains inconnus, peur de la mondialisation et peur de l’autre, peur de ne plus reconnaître sa France. En ces temps de crise, le meilleur antidote ce sont les valeurs traditionnelles, le repli identitaire. Le chef viril qui rassure.
Et à part ça, des raisons d’espérer autre chose ?