Aujourd'hui, l'expression Développement Durable est employée de manière courante : colloques, rapports et autres articles, discours... Chaque grande entreprise se doit de posséder son responsable Développement Durable. Les programmes scolaires français de géographie l'utilisent comme une notion fondamentale. Et les grandes entreprises font toutes du développement durable même celles qui exploitent les ressources de la planète et qui se contentent de quelques actions médiatiques "vertes" pour soigner leur image !
Or cette généralisation interroge alors que le concept de Développement Durable reste contesté.
On connaît la polémique provoquée en France par la parution, en 2008, du petit livre de Sylvie Brunel consacré à cette question. Elle critiquait cette notion qu'elle opposait à celui de développement : "Pour que le développement soit durable, encore faut-il qu'il y ait développement". Certes, sa vision radicale qui opposait les hommes à l'écologie ("la planète évince l'Humanité") a choqué de nombreux écologistes dont j'ai fais partie.
Pourtant, quand on voit l'usage immodéré que l'on fait de l'expression, je pense qu'elle avait probablement raison. Le développement durable se révèle une expression bancale et floue, utile pour "verdir" l'image des entreprises et du personnel politique et pour se donner bonne conscience. Mais est-elle efficace pour l'environnement?
Il s'agit d'une expression contradictoire dans ses termes : le développement est un processus de construction de longue haleine ; la notion de durabilité renvoie au contraire à un état stable que l'on aurait atteint et qu'il faut, par définition, maintenir.
Ce paradoxe, interne à l'expression, appauvrit chacun des termes qui la compose. Le développement n'est plus forcément le développement des sociétés humaines mais le développement de toute entité qui s'empare du concept. La durabilité est utilisé à tort et à travers : les territoires, l'avion, le pétrole deviennent durable.
L'utilisation conjointe de ces deux termes finit par ôter toute crédibilité à l'expression. Dès lors, la généralisation de son emploi finit par poser problème car il ôte toute fiabilité à ceux qui l'utilisent. Finalement, l'expression semble n'être qu'un mot valise de plus, une formule recopiée participant d'une langue de bois technocratique qui renforce les populismes et affaiblit la cause environnementale.
Pour y voir plus clair, il faudrait distinguer:
-le Développement, qui concerne les pays du Sud: un processus en cours chez eux pour atteindre un niveau de vie, d'éducation et de santé que nous avons déjà atteint.
-la responsabilité environnementale qui doit être celle de chaque acteur (entreprise, individu, administration, ...) à faire ce qu'il peut dans l'intérêt de la planète.
-la société (et l'économie) durable qui est un objectif à atteindre pour les pays du Nord: ne plus épuiser nos ressources, construire un système sociale de bien-être qui puisse être pérenne, sortir de nos dépendances en bâtissant une économie circulaire qui garantissent notre autonomie. C'est ambitieux mais c'est une ambition nécessaire pour nos sociétés: Une forêt, correctement gérée, est une économie durable. Il faut que cette démarche devienne celles de l'ensemble des économies et des sociétés.
La France s'est fait malheureusement une spécialité de l'usage langue de bois de mots et d'expression utilisés et ressassés pendant un certain temps dans les milieux universitaires d'abord, puis dans les médias. Ils passent ensuite de mode (qui se souvient du "politiquement correct" rabâché il y a quelques années?) mais leur usage immodéré a appauvrit le débat.