Mon nom est Anders Behring Breivik, je suis blond et relativement moche. Voici mon histoire.
(Générique)
La genèse, ô ma douce Norvège.
«
A ceux qui ne comprendraient pas mon art sanguinaire, je ferai en premier temps l’éloge funèbre de mon éducation sans failles. Car avant toute chose – avant de buter des gens – je qualifierai mon enfance d’heureuse ; l’une de ces enfances ensoleillées et paisibles, où chaque matin voit se lever la lumière de tant de possibles. Malgré mon conservatisme caractéristique de certaines tendances actuelles, ma socialisation suivit un processus assez banal : sans amis, abusé par le curé de la chapelle, racketté par le seul noir que comptait la Norvège, j’aimais à tuer quelques chats pendant mon temps libre. Des trucs de gosses. Je me passionna très vite et tout naturellement pour la dissection et les jeux vidéos violents : dès 8H30 du matin, brancher de la musique douce (du genre black métal) et gicler de la viande sur les murs… ça n’a pas de prix. Finalement, ma vie est commune, conne et commune : fils d’ambassadeur, j’ai grandi dans un cocoon confortable entre l’Angleterre et la Norvège, ma validé est entière dans ma capacité à produire des opinions, à penser, à ressentir. À simuler l’humain, en somme.
Mon psychisme a commencé très tôt à agoniser. Il faut dire que Papa n’a pas voulu de moi, il m’a rejeté brutalement alors que je n’étais qu’un enfant ; à l’instar des jeunes de mon âge du primaire, collège, lycée, faculté, salle de sport ou Mickey club. Toute ma vie, j’étais seul et ne comprenais pas ce rejet persistant du monde. Maman en est devenue abusive : « Oh Min kanin (Mon lapin en Norvégien, NDLR), tu es seul, parce que tu es supérieur aux autres, et cela les rend jaloux. Tu n’es pas comme eux, tu vaux plus que le commun des mortels ». Une question de transfert sans doute, elle a dû elle-même s’en persuader lorsque Papa est parti pour sa secrétaire.
Dans cette solitude, ma surestimation est devenue permanente. Oui, j’étais seul par choix et j’étais seul parce que j’étais mille fois mieux que les autres (c’est toujours plus facile que de se remettre en question). Dans cet isolement, le rejet est devenu haine de moi-même et cette haine de moi-même a muté en haine des autres. J’ai donc tenté de rechercher la paix dans certains hobbies : à travers les stands de tirs et World of Warcraft, je m’entraînai depuis longtemps à haïr cette humanité qui n’a jamais voulu de moi. Ma paranoïa a eu le temps de se développer, jusqu’à se souder autour d’une pathologie profonde de personnalité perverse et narcissique. Moi, l’Être suprême, le Surhomme Nietzschéen, investi d’un devoir : faire souffrir l’autre tout autant que moi je souffre. Mais au fond, après une poignée de morts inutiles, je reste un pauvre maniaco-dépressif commun ; à la con et commun.
Voilà cette vie remplie, accomplie. Voilà mon œuvre, mon art, la mort que j’ai distribuée. A part ça ? ben ça va, je suis content.
»
Et c’est ainsi que parlait Andersatoustra.
Sauf que prétendre à la surhumanité entend un être issu du romantisme : agonisant de souffrance. Oublie l’aliénation, le rationnel te brutalise. Sans jamais appeler à l’aide par passion des autres et parier sur l’honneur de les préserver pour toujours. C’est apprendre à se détruire seul, comme un grand, en aimant la contemplation du bonheur d’Autrui, et le laissant intact. Oui, celui-là préfèrera toujours l’ami au soi, trop humain pour être inhumain, il surpassera la vie dans sa capacité à taire sa destruction par l’acte suicidaire de sa seule et unique existence ; épargnant ainsi ses semblables de son être et de son esprit trop écorchés vifs.
Ne simule pas l’humanité, sublime-la.
Le surhomme n’est pas narcissisme. Oublie la haine, c’est l’amour qui t’achève. Il est seul, oui, comme toutes les personnes de souffrances doivent accepter une solitude prison, perdition. Il en va de ces naissances ratées, de ces cœurs violents, battants et saignants jusqu’à l’extinction, de ces veines envenimées qui brûlent au corps la substance, de ces pulsions de destruction par couteau, lame ou médication. La manifestation assassine du martyre d’aimer dans l’infini.
Le don comme création, faire cadeau de soi dans tout ce qu’on a de meilleur à offrir. Oublie de prendre, transmets. Cet Homme-là donne son cœur, son temps, son âme, son affection, son analyse, son réconfort, sa présence, ses pensées, sa vie… de toute façon, il n’en veut pas. Il donne sans compter, sans reprendre ni même espérer. Il jouit de la joie des receveurs, s’épuise pour panser les plaies voisines. Dans sa mission altruiste, il éponge les douleurs, garde les siennes et toutes, les enterre au creux de ses mains emportées au fond de son cercueil.
Cet être-là soufflera un adieu dans un dernier élan d’amour et de vie, il mettra lentement fin à sa malheureuse condition après avoir offert au monde l’affection qu’il portait en croix le long du chemin des damnés. Car c’est le suramour, le surbesoin, la suremprise du sensible qui agite aussi furieusement ces âmes. Ainsi, il en va de la vérité de cette volonté à devenir le surhomme, de ceux qui ne sortiront pas d’ici vivants.
Le reste ? des gens comme Anders B. Breivik qui s’interprètent mal, ces soushommes en crise perpétuelle de supériorité. Complexe de bouzeux peureux, incapables de mettre fin à leur misérable existence, l’art primaire et ultime au zénith de la destruction auto-immune. A tous, vous qui gerbez votre haine de l’autre, passez l’intellect et l’art tant que vous n’aurez jamais appris à vous perdre vous-même.
Pour le bien de l’humanité, Anders, suicide-toi.