Ségolène n’a pas
changée, toujours habitée par cette certitude que faute d’avoir été l’élue de
2007 elle sera celle de 2012. Pas question pour elle de lever le pied, même et
surtout pendant que ses principaux rivaux à la primaire prennent un petit repos
bien mérité.
Il faut dire que les temps sont durs pour celle qui, en son temps, avait
occupé le devant de la scène. Loin dans les sondages derrière Martine la
tricheuse et François l’ex, la Jeanne d'Arc des Charentes ne provoque plus
franchement l’hystérie collective même de la part des socialistes les plus
convaincus.
Du coup, la place étant libre, elle s’y engouffre avec délectation, et
occupe avec son enthousiasme des meilleurs jours, un terrain politique dans
lequel elle est la seule à s’exprimer ce qui lui assure d’être un minimum
entendue sinon écoutée.
C’est dans ce contexte que Ségolène a décidé de
s’adresser à tous les indignés de la terre et plus spécialement à ceux qui
votent en France en annonçant la publication prochaine d’un livre/lettre qui
leur sera spécialement adressé.
Laissez venir à moi les petits indignés, semble nous dire la madone du
Poitou !
D’aucuns crieront à la récupération d’un mouvement qui faute d’avoir
réellement fait avancer grand-chose, bénéficie de la sympathie des foules.
D’aucuns n’auront pas forcément tort mais ce n’est pas simplement cela que
j’aimerais relever, mais plutôt les contradictions liées à une tel
discours.
Le message ou du moins les objectifs des indignés n’ont jamais été très
clairs: Refuser le système sans en sortir, accepter un processus de réforme du
système au risque de trahir leurs idéaux? Radicaliser la révolte et perdre une
grande partie du soutien populaire dont ils bénéficient ?
J’ai déjà
écrit sur ce que m’inspire la démarche des « indignés » qui
manifestent un rejet et un éloignement du politique mais qui sont incapables de
proposer une réelle alternative. Rester dans la protestation n’a jamais
constitué un projet politique et force est de constater que ce mouvement aussi
compréhensible que soient ses motivations et aussi louables que soient ses
intentions, abouti à une impasse.
Ségolène aurait-elle la prétention de sortir les indignés de cette impasse
?...manifestement oui puisqu’elle leur dit : «Restez indignés, mais
avec moi vous allez transformer cette énergie en énergie positive, créative, et
en action » !!!
Ce qui, dit autrement, signifie : tout le monde vous a déçu, à droite
comme à gauche, mais suivez-moi, vous verrez, votre légitime indignation va
enfin aboutir à quelque chose !
Au delà d'une tentative de récupération cousue de fil blanc, cette
interpellation des indignés par un personnage politique pourtant membre éminent
d’un establishment qu’ils considèrent au mieux comme incompétent et au pire
comme malhonnête, a le mérite de les mettre face à leurs
responsabilités.
Il arrive un moment où il faut savoir dépasser le stade de la contestation
et de l’opposition pour passer à celui de la proposition et de la
construction.
Or, Ségolène dit aux indignés : suivez-moi et votre indignation cessera
d’être stérile …belle ambition et belle prétention !
C’est d’une certaine manière ce qu’a fait Zapatero qui, en provoquant des
élections législatives anticipées, dit à ses indignados : Vous avez
exprimé votre mécontentement en vous asseyant par terre et en déclamant des
slogans, maintenant exprimez-vous de la seule manière qui compte réellement
dans une démocratie, en allant voter, votez pour qui vous voulez mais allez
voter !
Ségolène, qui ne doute de rien, leur dit non seulement: allez voter, mais
aussi et surtout: votez pour moi !
Si sa tentative de récupération du mouvement aboutit à amener aux urnes des
gens qui sinon seraient restés plantés là à s’indigner, et si elle arrive à
faire en sorte que toutes ces personnes ne tombent pas dans les bras des
professionnels de la récupération des mouvements de protestation que sont les
Mélenchon, Le Pen et autres Besancenot (ou du moins son successeur dont je me
souviens pas du nom), tant mieux, elle aura au moins eu ce mérite.
Mais comme l’a récemment
rappelé Joseph Stiglitz (prix 2001 de sciences économiques en mémoire
d'Alfred Nobel) aux ibériques indignés auxquels il a pourtant apporté son
soutien : «on ne peut changer les mauvaises idées par l’absence
d’idées, il faut chercher les bonnes».
Pas certain que Ségolène arrivera à persuader les indignés qu’elle est
capable de substituer à leur absence d’idées, de bonne idées susceptibles de
remplacer les mauvaises !
Pas certain du tout !