“Killing Bono”de Nick Hamm

Publié le 07 août 2011 par Boustoune

Neil McCormick est la plus grande star mondiale du rock’n roll. Le meilleur des meilleurs, le top of the pops, une légende, une idole. Le leader du plus grand groupe de rock irlandais…
Enfin, presque…
Disons qu’il aurait dû l’être – puisqu’il en rêvait depuis sa plus tendre enfance et était obsédé par cet objectif un peu fou de devenir une icône du rock ou de la pop – et qu’il aurait pu l’être si ses beaux projets n’avaient pas été constamment contrariés par, au choix, les aléas du destin, une poisse tenace ou, plus simplement, des décisions malheureuses, guidées par un égo démesuré et une indécrottable fierté…

Adolescents, Neil McCormick et son petit frère Ivan étaient camarades de classe aves un certain Paul Hewson, plus connu aujourd’hui sous le pseudonyme de Bono. Ils ont manifesté en même temps le désir de jouer de la musique, ont créé leurs groupes en même temps et auraient même pu jouer ensemble si McCormick n’avait pas été aussi orgueilleux.
Quand “The Hype”(1), le groupe de rock du lycée a passé une annonce pour recruter son chanteur, Paul a immédiatement postulé alors que Neil les a pris de haut, refusant de participer à une entreprise aussi ringarde alors qu’il s’imaginait déjà au sommet des charts britanniques. Il s’est aussi moqué de Paul, raillant son manque de charisme et sa voie aigüe… De quoi faire sourire les fans de Bono…
Puis, quand Paul a tenté de recruter Ivan comme deuxième guitare, Neil a manoeuvré pour empêcher son frère de rejoindre “The Hype” et le garder sous son aile… 
Mauvaise inspiration… Lors de leurs premiers concerts, les deux rivaux se partageaient la scène, mais le groupe de Paul était mieux organisé – doté d’un manager et d’un roadie – et composait ses propres chansons. Tandis que “The Hype”, rapidement rebaptisé “U2” décollait vers les sommets de la gloire, les “Undertakers” (“les Fossoyeurs”, en français) restaient englués six pieds sous terre…
Sympa, Paul, devenu “Bono”, a tendu la main à ses vieux copains et leur a proposé de les aider à signer avec le même label que son groupe. Mais l’orgueilleux Neil a refusé. Il voulait réussir tout seul, et surtout sans l’appui de celui qui était devenu son ennemi juré…  
Mauvaise inspiration, une de plus dans ce qui deviendra une longue liste de mauvais choix de carrière et d’occasions ratées…  

  

Neil McCormick était une sorte de génie de la loose. Il refusait des propositions en or, par pure fierté, mais avait un chic pour dégotter des plans en or qui tournaient au fiasco. Comme par exemple, organiser un concert important le jour de la venue du Pape en Irlande – zéro spectateurs dans la salle – ou s’acoquiner avec un gangster de Dublin pour financer leur vie de bohème londonienne… 
Et il avait une poisse monstrueuse. Quand tout semblait enfin sourire aux deux frères, que leur carrière allait enfin démarrer, il se trouvait toujours un grain de sable pour enrayer leur marche vers la gloire… Le sort s’acharnait sur eux, cruel et ironique…

Car le pire, dans cette histoire, c’est que les deux frangins avaient bel et bien le potentiel pour devenir des stars du rock. Neil avait une belle gueule, Ivan était adroit avec une guitare entre les mains. Ils étaient opiniâtres et travailleurs et leurs chansons, bien dans l’air du temps, avaient les qualités pour devenir des tubes…
Mais quand ça ne veut pas sourire…

Finalement, les frères McCormick n’ont jamais réussi à percer dans le milieu de la pop et du rock. Ils sont constamment restés dans l’ombre de leurs anciens copains d’école, frustrés et un brin aigris d’avoir raté le coche.
Cependant, ces mésaventures ont permis à Neil McCormick de trouver sa voie : l’écriture.
L’homme est devenu critique musical pour le Daily Telegraph et la BBC. Il est considéré comme l’un des meilleurs chroniqueurs musicaux du Royaume-Uni. Il a rangé sa fierté pour travailler – enfin – avec Bono, The Edge et les autres et rédiger leur biographie “U2 by U2”(2). Et enfin, il a puisé dans ses souvenirs pour écrire avec beaucoup d’autodérision et de sincérité, un récit autobiographique sur ses rêves de jeunesse et sa pathétique tentative de devenir une star du rock (3). Ce bouquin a été repéré par le cinéaste Nick Hamm, qui a aussitôt manifesté l’intention d’en faire un film…
Et voilà que Killing Bono débarque sur les écrans…

Les frères McCormick connaîtront-ils enfin la gloire grâce à cette oeuvre cinématographique qui leur est dédiée?  ?
Pas sûr…
Certes, leur résistible ascension vers les sommets de la pop british est savoureuse, à la fois drôle et touchante. Elle rappelle un peu celle des Commitments, dans le génial film d’Alan Parker, autre belle plongée dans le milieu du rock irlandais…
Et c’est là, justement, que le bât blesse. Difficile de ne pas comparer les deux films. Et difficile, donc, de passer outre les défauts de celui de NIck Hamm.

Commençons par une mise en scène assez plate, manquant souvent d’inspiration et se contentant de s’appuyer assez mollement sur les morceaux de bravoure proposés par le scénario.
Ajoutons que lesdits morceaux de bravoure prennent parfois quelques libertés avec la réalité, pour être cinématographiquement “acceptables”.  Etait-ce bien nécessaire?

Puis regrettons que les acteurs principaux – Ben Barnes et Robert Sheehan – cabotinent un peu trop par moments. Ceci fait pencher le film vers la caricature grossière alors que le sujet offrait davantage de possibilités, autrement plus fines, satire mordante du milieu du rock anglais des années 1980 ou évocation universelle de tous les rêves de gloire et de richesse qui finissent par se heurter à la dure réalité de la vie…
Enfin, on déplorera que la musique soit paradoxalement un peu laissée pour compte dans le film. Oh bien sûr, on entend quelques bribes des oeuvres de U2, et on assiste aux performances tantôt calamiteuses, tantôt entraînantes, de “Shook up”, le groupe des frères McCormick, mais on reste curieusement sur notre faim…

Malgré ces petits défauts, il convient d’avouer que le film se laisse voir avec plaisir. Le rythme est assez soutenu pour nous donner envie d’accompagner ces sympathiques perdants dans leur route cahoteuse vers la célébrité.
Et puis, les seconds rôles sont assez savoureux. On apprécie la performance de Martin McCann en clone de Bono, tout en calme et en sérénité, celle de Krysten Ritter en icône punk, celle de Peter Serafinowicz en producteur farfelu ou encore celle de Stanley Townsend en gangster mélomane. Sans oublier celle du regretté Pete Postlethwaite en logeur gay, pour ce qui restera son dernier rôle – hélas.

Si on devait comparer Killing Bono à un concert, ce ne serait pas le show gigantesque d’un groupe de rock mondialement connu dans un stade rempli et chauffé à blanc, plus la première apparition d’un groupe de rocker débutants dans un pub irlandais. Moins glamour, moins percutant, moins inoubliable, peut-être… Et marqué par des fausses notes, assurément… Mais la fougue et la générosité des participants nous font quand même passer un bon moment… Allez patron, une petite pinte de Guiness pour faire passer tout ça, et à la santé des frères McCormick !

(1) : En fait le groupe s’appelait le “Larry Mullen’s Band”, du nom de son fondateur, puis a été renommé “Feedback” avant de devenir “The Hype”, puis “U2”
(2) : “U2 by U2” entretiens et mise en forme de Neil McCormick – éd. Au Diable Vauvert 
(3) : “Killing Bono: I Was Bono’s Doppelganger” de Neil McCormick – éd. MTV (en langue anglaise, pas de traduction française disponible pour le moment)

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Killing Bono
Killing Bono

Réalisateur : Nick Hamm
Avec : Ben Barnes, Robert Sheehan, Martin McCann, Peter Serafinowicz, Stanley Townsend, Pete Postlethwaite
Origine : Royaume-Uni
Genre : rock’n flop 
Durée : 1h54
Date de sortie France : 03/08/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Excessif

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