L’Evaporation de l’Homme s’intéresse à nous dépeindre le portrait d’un individu qui a disparu sans laisser trace, un phénomène de société qui touchait le Japon d’alors. Une équipe de tournage se donne pour objectif d’enquêter sur cette homme et de lever le voile sur sa disparition mystérieuse. Dès lors, on assiste à une investigation quasi-journalistique pour ne pas dire policière qui nous montre combien son entourage ne le connaissait pas. Cette équipe de tournage accompagnée par la fiancée de « l’évaporé » vont tenter de recomposer ce puzzle qui permettra la compréhension de cet acte.
Pourtant plus L’Evaporation de l’Homme avance, plus ce portrait devient opaque - voir l’équipe de tournage qui peine à faire avancer leur enquête. Le portrait du disparu devient petit à petit celui de la fiancée mais aussi en toile de fond celui du Japon. D’un aspect sociologique, Shohei Imamura étudie ce Japon des années 60 et inscrit son récit dans un documentaire vérité. La vérité, il l’ausculte au plus près. De sa recherche de la vérité, il s’en dégage une certaine forme de voyeurisme qui met mal à l’aise. Un voyeurisme qu’incarne l’équipe de tournage qui ne recule devant rien pour glaner des informations, utiles à l’avancement de leur documentaire. Pour se faire, les membres de l’équipe interviewent de façon insistante, confrontent et s’immiscent dans la vie privée des personnes qu’ils filment. Sans gène, ils scénarisent l’évolution de leur documentaire, se pose alors la question : quelle est la part de réalité et de fiction ? Shohei Imamura semble s’amuser notamment lorsque son enquête piétine et que sa caméra se pose au sein même d’un conflit familiale où explose le face à face de deux sœurs aux ressentiments lourds (la fiancée de « l’évaporé » et sa grande sœur). Le rideau qui tombe n’en est que des plus surprenant et déstabilisant. Je n’en dévoilerai pas plus si ce n’est que l’auteur nous met devant une remise en question de notre point de vue de spectateur. Il y dénonce notamment les dérives qui peuvent exister sur les sens qu’on veut donner aux images et au traitement de l’information.
L’Evaporation de l’Homme est une œuvre singulière où s’entrechoque fiction et non-fiction. Assurément, l’œuvre interpelle et nous interroge sans discernement sur notre relation aux images et à la signification qu’on veut bien leur donner. Au centre, il y a la recherche d’une vérité, souvent vaine. Par son sujet et sa mise en forme, le documentaire du cinéaste japonais réalise le diagnostique d’une société, et par extension de la nature même de ce qui fait le documentaire.
I.D.