Magazine Culture

Les marchés son inquiets : mon œil !

Par Memoiredeurope @echternach

Les marchés son inquiets : mon œil !

A Strasbourg, je tiens toujours à portée de mains un recueil d’histoires drôles. Peut-être dans l’idée de disposer d’une répartie lors de soirées entre amis. Malheureusement, je ne me souviens que rarement de celle qui serait à propos. C’est comme les chansons. J’envisagerais bien dans quelques mois d'offrir un récital quand je vais vraiment quitter l’Institut. Du genre : « Le Directeur commence sa tournée d’adieu ». Mais il faudrait que j’ajoute une bonne dizaine de titres à mon répertoire. Je les ai repérés, mais il faut que je les travaille avant de les oublier.

Dans ce livre d’histoires drôles, il en est une qui résonne ce soir curieusement. Elle dit à peu près ceci :

« Quand les fées créèrent les Etats-Unis d’Amérique, elles décidèrent d’apporter dans le berceau du premier Américain, et de tous ceux qui naîtraient après lui, les plus belles qualités de la terre : Les Américains seraient honnêtes, intelligents et capitalistes. Mais on avait oublié d’inviter la fée Carabosse. Furieuse d’avoir été tenue à l’écart, celle-ci se mit à hurler :

-   Les bonnes fées n’auront pas le dernier mot, car j’ai le pouvoir de défaire leurs promesses. Je proclame solennellement que les Américains n’auront jamais ces trois qualités à la fois, mais seulement deux. Ceux qui seront intelligents et honnêtes ne seront pas capitalistes. Ceux qui seront intelligents et capitalistes ne seront pas honnêtes. Ceux qui seront honnêtes et  capitalistes ne seront pas intelligents. Qu’il en soit ainsi pour l’éternité ! »

Je reviens de deux voyages, l’un dans le sud de la France, l’autre dans la Norvège meurtrie. Et au cours des deux voyages j’ai essayé de parler, plutôt avec succès du ré enchantement de l’Europe qu’ont offert depuis vingt-cinq ans et que peuvent offrir encore les itinéraires culturels. J'en ai parlé avec de simples citoyens, marcheurs engagés. J'en ai parlé avec des universitaires qui croient aux rencontres. J'en ai parlé avec des élus et des entrepreneurs norvégiens, mais aussi avec des religieux catholiques, protestants, orthodoxes réunis par leur envie de partager. Ils semblent tous fascinés par le mur devant lequel ils se trouvent et marchent ensemble pour examiner si il y a encore des portes ouvertes le long de ce mur. J'aime vivre avec des optimistes. Mais je n'ai jamais vu autant de désarroi chez ceux à qui nous avons confié les décisions mondiales. et pour cause ! 

Car le dialogue et l’échange culturel instaurés entre l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, puis il y a un peu plus de vingt ans, entre les pays dits démocratiques, de l’Est et de l’Ouest de l’Europe avec ces mêmes Etats-Unis, dans un espace où les mots et les idées constituaient des éléments majeurs, s’achève en catastrophe annoncée, sur un simple échange de chiffres sans dialogue.

Des chiffres qui ont peu à peu étouffé les mots et les idées pour grimper en haut des titres des magazines et au milieu des écrans. Des chiffres qui envahissent les têtes des dirigeants : combien de déficit en plus ? combien de voix en moins aux prochaines élections ? combien de milliards d’euros ou de dollars pour éviter la catastrophe? celle qui ferait que je sois battu et peut-être celle qui ferait que les pays reviennent à leurs frontières protectrices antérieures ? De quoi me tiendra-t-on rigueur ?

On me dit partout que l'Europe est bien décevante à ne parler que d'indices...

Les marchés sont inquiets ? Quelle blague ! Ce sont tous les citoyens  de ces pays qui avaient appris à se reparler qui sont inquiets. Et tout particulièrement ceux, parmi les plus jeunes, qui se sont vu offrir des outils sans bornes grâce auxquels leur parole inquiète part immédiatement à l’autre bout d’un monde... qui n’a plus de bout. Et tout particulièrement ceux qui avaient rêvé, en subissant la dictature, de ce capitaliste intelligent et honnête et ne connaissaient pas le sort jeté par Carabosse.

Et ils le disent. Parfois en se droguant, parfois en se suicidant, parfois en se noyant dans la mer, poussés d’une embarcation surchargée. Souvent en descendant s’installer sous une tente. Juste pour dire « merde ».

Les marchés ramassent l’argent, comme l’ont toujours fait les directeurs de casino et les escrocs à la sauvette le long des boulevards qui proposent aux badauds de jouer au bonneteau, tandis que d’autres escrocs vident leurs poches.

Nous sommes à quelques semaines de la fin du fonctionnement d’un monde dit « libre » et de la révélation de la plus grande escroquerie financière des temps modernes à laquelle le système bancaire se soit livré depuis qu'il est inventé.

Ceci en dépit de tout, probablement sans même un véritable complot, juste par la nature d’un mouvement qui se nourrit de sa logique perverse. La fin du monde « libre », le seul dans lequel j’ai appris à vivre pendant soixante-cinq années. C’est à peine si j'ose le dire, encore moins le concevoir.

Et je relis régulièrement Viviane Forrester : « Nous vivons au sein d’un leurre magistral, d’un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer. »

 Et encore :

« Il ne s’agit pas de gémir sur ce qui n’est plus, de nier et renier le présent. Il ne s’agit pas de nier, de refuser la mondialisation, l’essor des technologies…Il s’agit de ne plus être colonisés. De vivre en connaissance de cause, de ne plus accepter telles quelles les analyses économiques et politiques qui les survolent, ne les mentionnant que comme autant d’éléments menaçants, obligeant à des mesures cruelles, lesquelles empireront si on ne les subit en toute docilité. »

Et de revenir à un des textes des origines de ce monde « libre », une des recommandations du Conseil national de la Résistance, un des rêves de ceux qui s’unifiaient dans le combat : « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie. »

« Avec la perte de leur triple A, les Etats-Unis paient leurs divisions politiques. » titre Le Monde ce soir. Anecdote de la perte d’un triple A, ou basculement d’un monde à l’autre ? Certainement difficulté pour les journalistes de calibrer un titre à hauteur des événements !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Memoiredeurope 194 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines