Aristote déjà l'écrivait : « Il y a trois sortes d'hommes, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la Mer » Il en va de même chez Hugo Pratt, dans ses oeuvres et ses ombres.
Celui qui a observé avec un tant soi peu d'intérêt, les dessins de l'italien, aura certainement repéré les mouettes, partout, tout le temps. La mer comme toile vierge sur laquelle s'animent des figures à l'encre de Chine.
Quand on parle d'Hugo Pratt, la première chose qui vient à l'esprit c'est son personnage fétiche Corto Maltese, ses yeux perçants et sa fossette au menton, mais c'est oublié tout un pan de l'immense travail du maitre, un pan qui aujourd'hui encore, en miroir aux reflets pastels, renvoit aux sources d'une réalité fantasmée, aux frontières de l'onirisme.
« Avec Corto nous avons en commun le goût de l'aventure et certaines références culturelles. Sa création est une intuition.
Quand je le montre pour la première fois, crucifié sur un radeau, c'est une référence au film de pirates « Le Réveil de la Sorcière Rouge » avec John Wayne »
Cette exposition remplace habilement celle, prévue dans le cadre de l'année du Mexique en France. Et chacune des pièces présentées est un voyage particulier. Une traversée de toutes les mers, une excursion dans toutes les îles, une marche dans tous les déserts. Des planches tracées à l'encre, colorées à l'aquarelle vive et rehaussées de pastels. Ces feuillets sont autant de billets vers des ailleurs enchanteurs. Un aller simple vers la période des grands baroudeurs, celle des colonies aussi. Il a d'ailleurs illustré (entre autre) une édition des « Poèmes » de Rudyard Kipling. Oui Hugo Pratt est allé partout, Hugo Pratt a tout visité et Hugo Pratt a posé ses souvenirs sur papier.
On appréciera particulièrement l'espace réservé aux femmes présentent dans son oeuvre« On ne peut pas marier Corto Maltese. Mon public féminin ne voudrait pas qu'il ait une femme fixe. C'est surtout pour cela qu'il va d'échec en échec. Mais il a des liaisons avec des femmes » Après tout quelle fille ayant lu et aimé les aventures de Corto Maltese n'a pas rêvé une fois l'album refermé de rencontrer un alter égo réel du marin (pour ma part je veux le même aventurier, mais avec des yeux verts)
Je terminerais par les premiers vers de « Mandalay » de Kipling qui me semble être la parfaite conclusion à ce voyage fabuleux
A Moulmein près de la vieille Pagode, regardant la mer à l'est,
Est assise une jeune Birmane, et je sais qu'elle pense à moi;
Car il y a du vent dans les palmiers, et les clochettes du temple disent:
"Reviens-t-en, soldat Britannique; reviens-t-en à Mandalay!"
Reviens-t-en à Mandalay,
Où la vieille Flottille est en panne:
N'entends-tu pas le lourd travail des aubes de Rangoon à Mandalay?
Sur la route de Mandalay,
Où jouent les poissons volants,
Et L'aurore se lève comme l'orage, en Chine, de l'autre côté de la Baie!
Exposition Hugo Pratt - Pinacothèque de Parisjusqu'au 21 août28 place de la Madelaine