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Il faut l’avouer : depuis Betty Fisher et autres histoires en 2000 et La Petite Lili en 2002, Claude Miller ne nous avait livré que des mauvais films, qu’ils soient populaires (Un secret) ou plus confidentiels (Je suis heureux que ma mère soit vivante). Forcément, ce Voyez comme ils dansent, qui suit le voyage en train d’une vidéaste à travers le Canada (exceptionnelle Marine Hands), n’avait rien de l’évènement de l’été. Et pourtant. Le grand Miller est de retour. Comme dans le roman La petite fille de Menno de Roy Parvin, dont il s’est inspiré, on y suit le parcours d’une femme sur les traces de son défunt mari. Une idée simple que Miller sublime tout du long. De son trio amoureux, mené par un destin cruel (pas étonnant que le film devait initialement s’intituler De la vie des marionnettes), Miller joue la carte de l’intensité. Céleste, tourmentée, photogénique. Avec des flashbacks comme autant de souvenirs des fantômes du passé, et, un récit en vrac, morcelé, à l’instar des protagonistes en question, le cinéaste poétise le voyage, transformant ces cinq mille kilomètres ferroviaires- de Montréal à Vancouver- en fouille psychologique poseuse mais incroyablement belle, hantée par une mélancolie poisseuse et une atmosphère éthérée.
Légèreté et profondeur se conjuguent alors en une étreinte lumineuse, ombres et lumières en leitmotivs, un ballet d’incompatibles en écho symbolique aux figures du film. Aux personnages ambivalents d’abord (ce showman torturé, interprété par l’incroyable James Thierrée, ces femmes contraires mais complémentaires, l’épouse et la maîtresse, la brune et la blonde, Marina Hands et Maya Sansa, formidables). Au cadre naturel ensuite, aussi salvateur que menaçant- le froid en traitre, la neige en page blanche. Aux émotions paradoxales, enfin- et dans le récit (colères et traumas étouffés versus passions fiévreuses), et dans le ton (incursions comiques en plein cœur de la tragédie). Dans ce voyage, chacun (protagonistes et spectateurs) y trouvera l’apaisement. Dans la mort, l’amour, l’affrontement, le pardon. Une accalmie retrouvée, que vient joliment célébrer le Quiet Times de Dido, en fin de route.