Youpi ! Un Maupassant en rimes !

Publié le 06 août 2011 par Dubruel

ETRENNES

Vincent avait une maîtresse.

Non point une maîtresse

Comme certaines,

Femme à fredaines

Danseuses,

Ou chanteuses.

Vincent était un homme jeune et vif.

Il regardait la vie en esprit positif.

Ce 31 décembre, il faisait

Le bilan de ses passions.

Il réalisait

La balance de ses relations

Les disparues et les nouvelles.

Dans quel état était son cœur pour elles ?

Une sonnerie le fit sursauter.

Au Nouvel An, on ouvre par charité

Même à un inconnu.

Il tourna le verrou,

Tira la porte et perçut

Sa maîtresse debout,

Pâle, tremblant.

Elle entra, s’affaissa sur le divan

Et pleurait.

«Irène, qu’avez-vous ? Je vous supplie…»

Elle murmurait :

-«Je ne peux plus vivre ici.»

Il ne comprenait pas : « Vivre ainsi ? » 

-« Oui, je souffre trop.

Il m’a frappé tantôt. »

-« Qui ? …votre mari ?... »

-« Oui…mon mari.»

-« Ah !,,,»

Il s’étonna.

Il n’avait, à aucune seconde,

Soupçonné cet homme du monde

Capable de brutalité,

Car il s’était toujours inquiété

De ses désirs, de sa santé.

Vincent restait épouvanté.

Alors elle raconta un long déballage.

Dès le jour de leur mariage,

La première désunion naissait

Chaque jour, elle se renforçait

Puis étaient venues les querelles,

Et une séparation inconditionnelle.

Le mari s’était montré violent,

Jaloux de Vincent.

Après une scène, il l’avait maltraitée

Irène ajouta avec fermeté :

-«Je ne rentrerai plus chez lui. 

Faites de moi ce que vous voudrez. Dites oui. »

-« Vous allez faire une bêtise,

Une irréparable sottise.

Si votre mari veut vous quitter,

Mettez les torts de son côté

De telle sorte que votre position

Dans la société

Reste celle d’une situation

De respectabilité. »

-« Donc, que me conseillez-vous …? »

-« De rentrer chez vous,

De supporter votre existence encore,

Jusqu’à la séparation de corps.»

-« C’est lâche ce que vous me proposez là. »

-« Non, c’est raisonnable, pensez à cela.

Vous avez un nom à sauvegarder,

Des parents à ménager,

Des amis à conserver.

Il ne faut point perdre tout ça. »

-« Eh bien, non. Je ne veux pas. 

C’est fini, vous saisissez ! »

Puis, les mains posées

Sur les épaules de son confident,

Et fixement le regardant

« M’aimez-vous, vraiment ? »

-« Mais, oui, absolument.»

-« Alors gardez-moi ! »

-« Vous garder ?...Chez moi ?

Ce serait vous perdre. »

-« Il faut me prendre ou me perdre. »

-« Ma chère Irène, divorcez

Et je jure de vous épouser. »

-«Dans deux ans, à la fin du procès,

Oui, …vous allez …peut-être m’épouser. 

Vous avez la tendresse patiente, hein ? »

-«Si vous ne restez pas chez lui

Votre mari vous reprendra demain.

La loi et le droit sont pour lui. »

-«Je ne vous ai pas demandé

De me garder

Chez vous,

Mais de m’emmener n’importe où.

Je croyais que vous m’aimiez mieux.

…Je me suis trompée. Adieu ! »

-« Irène, écoutez… »

Elle se débattait.

-« Laissez-moi…

Voulez-vous me laisser aller ? 

Lâchez-moi,

Que je puisse me lever. »

-« Irène, voyons … 

Votre folle résolution

Est prise, dites-moi ? »

-« Oui….Lâchez-moi. »

-« Soyez raisonnable,

Restez. 

Nous partirons demain pour Naples

Si vous le souhaitez. »

Elle se leva malgré lui et dit durement :

-« Non. Trop tard. Pas de dévouement ! »

-« Restez. J’ai fait ce que je devais.

Ma conscience est en paix.

Je viens de parler en homme sensé

Qui devait vous aviser.

Reste l’homme comblé  

Qui à vous aimer se plait,  

L’homme romanesque.

Est-ce que

Pour lui, vous ne risquez pas tout ?

Irène, vous me donnez tout de vous :

Cœur, honneur, vie, corps.

Oui, je vous adore. »

Radieuse, Irène l’embrassa

Et lui dit tout bas :

« Chéri, il n’y a rien.

Mon mari ne se doute de rien.

Mais je voulais voir,

Je voulais savoir

Je voulais …des étrennes,

Celles de votre cœur, d’autres étrennes

Que le collier de cet après-midi.

Vous venez de me les donner…Merci !

Dieu que je suis contente ! Merci !