Peut-on imaginer une meilleure manière de capter l’attention !? Ce que j’imagine des en
Il a commencé par tourner autour de la baignoire, comme on tourne autour d’un pot. Il l’a approché avec hésitation (pas vraiment l’idée qu’on se fait de lui, un être hésitant !), se demandant, qui sait, comment il allait – avec élégance ! – embarquer dans ce bateau de scène qu’il avait lui-même désiré ! Et puis, majestueusement, il l'a enjambé. S’y est assis et, pour qu’on n’observe pas chacun de ses mouvements (permettez-moi de lui prêter ces intentions), il nous a demandé d’entendre avec lui le clapotis de l’eau.
L’image était belle, imaginez le long homme brun en chemise immaculée dans un
Pour être tout à fait juste, il a surtout lu avec nous, plus que devant nous. J’ai vu sa conscience de notre présence, à l’affût de notre écoute, attentive ou vagabonde. À un certain moment, en lisant un long extrait de Jorge Luis Borges, j'ai eu l'impression qu'il s'est oublié dans son bain !
Je ne peux vous donner le nom de tous les auteurs qu’il a lus. Je n’ai pris aucune note mais je me souviens qu’il a commencé par Diderot, ensuite il a visité longuement Victor Hugo (qui parlait de Balsac), Hubert Aquin, Réjean Ducharme, Beaudelaire, Rousan Camil, Le Clézio pour ne nommer que ceux-là.
Ah oui, j’oubliais ! Il avait une compagne, debout par terre, une bouteille de vin. Elle n’est pas restée un accessoire de scène.
J’ai particulièrement aimé les moments entre les livres, ces points suspendus où il nous préparait à son mets de mots. Son esprit fluide suit le courant de ses idées qui voguent dans un va et vient d’inspirations, saisis au vol des bulles d’idées qui dansent autour de lui. Et l’appréciable est que ce ballet arrive à le surprendre lui-même !
Mon attention a parfois vacillé. Imaginez-vous bien au chaud, avec une voix qui caresse les mots et les phrases qu’il aime d’amour tendre. La lecture en baignoire s’est transformée en douce berceuse pour âme somnolente. L’idée de cette mise en scène est excellente, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’on aurait gagné à ce qu’elle soit mieux rodée. Par exemple, du point de vue technique, où nous sommes plusieurs à avoir manqué des pans de mots. Il m’a semblé, et à Catherine Voyer-Léger qui m’accompagnait même chose, qu’il y a manqué de qui rend à un spectacle de lettres, sa noblesse, un peu plus de préparation...
Mais je n'aurais jamais manqué pour autant ce moment privilégié où Dany Laferrière nous a présenté ses amis les plus chers.