Salariés dirigeants de fait : une (grave) dérive de l'association 1901

Par Laurent Samuel

Quand je travaille avec des banquiers ou des fonctionnaires pour définir ce qu'est une association "risquée", je commence toujours par évoquer la situation où les cadres salariés ont pris le pouvoir dans l'association, évinçant les dirigeants bénévoles et se transformant ainsi en dirigeants de fait.
Comment cela arrive ?
Cela se produit en général au bout d'un certain temps, après une lente érosion du pouvoir et de l'autorité des dirigeants bénévoles. Il peut s'agir du manque de motivation ou de disponibilité de ces personnes ou bien d'un désintérêt face à une structure qui ronronne.
Les dirigeants bénévoles abandonnent alors leurs prérogatives aux salariés de l'association, le mode de fonctionnement évoluant insidieusement vers l'auto-gestion.

Une situation risquée

Cette situation n'est pas conforme à la loi de 1901 et nous avons attiré l'attention à dans nombreuses reprises dans ces colonnes sur les différents risques engendrés par cette situation (par exemple un risque fiscal).
Pourquoi une dérive ?
Lorsque les dirigeants bénévoles renoncent à orienter et contrôler le directeur salarié, celui-ci se retrouve avec un statut exorbitant. Il a pouvoir dans les faits pour agir au nom de l'association et ce pouvoir est exercé sans contrôle, que ce soit de la part de l'employeur ou des instances de l'association.
Le directeur salarié est alors en mesure de s'approprier la structure, ses ressources, son personnel, voire ses adhérents.

Qui sont les coupables ?

Je n'aime pas désigner des coupables, mais il faut reconnaître que ce sont bien souvent les dirigeants bénévoles qui sont à l'origine de cette dérive. Ils se reposent exagérément sur le directeur salarié et laissent les modalités du fonctionnement dans le flou. C'est à l'association, c'est-à-dire l'AG ou plus souvent le Conseil d'Administration qu'il revient d'organiser la répartition des compétences entre dirigeants élus et cadres salariés ; à défaut, le Président pourra prendre toutes les mesures utiles pour déléguer ses pouvoirs au directeur et organiser les responsabilités respectives.
Quelles solutions ?
De nombreuses associations fonctionnant avec des cadres salariés, par exemple dans le secteur des associations familiales, ont pris la précaution d'adopter dans leur règlement intérieur (ou sous forme de charte) un dispositif contraignant organisant les relations entre dirigeants élus et directeur salarié. Il s'agit d'une bonne piste pour éviter toute dérive.
Le dispositif doit porter notamment sur les points suivants :
- Exercice des pouvoirs de l'employeur (embauche, aspects disciplinaires)
- Engagement des dépenses
- Conclusion des principaux contrats (travail, fournitures, abonnements)
- Utilisation des instruments de paiement et relation bancaire.
- Relation avec les tiers, la presse, les représentants des pouvoirs publics
Lorsqu'il existe dans l'association, ce dispositif juridique doit être repris dans le contrat de travail du directeur salarié.
J'avais déjà évoqué ici la situation du directeur salarié dirigeant de fait de l'association.