LE FLEUVE.
Leclapotis de ma soie naît et meurt sur le gravier.Mais une seule histoire sans commencement ni fin qui recueille la preuve de tendresse de la lumière. Ma robe d’algues et de soie mouillée est complice des vents et des nues. De jeunes filles ont plongé leurs pieds dans mon flanc pour que mon cours suive les lignes de leurs plantes et panse les blessures des anémones. Des enfants ont puisé dans mes entrailles l’arôme de l’amaryllis pour affermir leurs paumes et leurs jambes. Leurs doigts ont dessiné sur ma chair liquide des nénuphars et des lis qui se sont renfermés sur l’écho de leurs rires jusqu’au sel des alizés. Ne cherchez ni mon nom ni ma couleur. Mes gouttes en suspens sont des prunelles nacrées et transparentes. Chante le manglier dans les plis de mon corsage. Danse la barque avec le sourire de l’œillet.
C’est la cosmogonie qui se conjugue
Comme une incantation assyrienne
Les cieux firent la terre, la terre fit le fleuve...
Et ma rumeur unit les versants du temps
La bécuse en aval polit sa hargne sur la souche des herbages. Des astres ont oublié leur peignoir aux rives toutes proches, et les délices du sol humectent la mémoire du soleil. Le vent à cœur de mollusque se lève, s’abat, s’ébat, s’élève dans le silence d’azur de mon flot.
Extrait du recueil Rêves en fugue, Editions A3/Silex, 2011.