Dans le cadre de la version d’été de Contrepoints, nous vous invitons à lire ce chapitre du livre d’Alain Madelin, intitulé Quand les autruches relèveront la tête, sorti chez Robert Laffont en 1995.
Vous venez d’évoquer la crise que connaît la France. C’est une crise du système, mais n’est-ce pas aussi une crise de l’État ?
C’est tout un système de pouvoirs et de décision qui est aujourd’hui usé. Il connaît une crise qui est à la fois une crise financière, une crise d’efficacité et une crise morale.
Crise morale d’abord, parce que ce système, censé représenter l’intérêt général, donne de plus en plus le sentiment de dissimuler une forêt d’intérêts particuliers. Un système où les porteurs de pancarte et les pilleurs de sous-préfecture pèsent plus que les chômeurs ! Un système où ceux qui hantent les antichambres ou font les couloirs des Assemblées ont plus d’influence que les vrais entrepreneurs !
Crise d’efficacité, quand l’autorité de l’État semble ne plus s’exercer sur tous les points du territoire et que la pauvreté s’étend, alors que l’on n’a jamais tant dépensé et tant prélevé pour le social.
Crise financière, enfin, d’un système qui ne fonctionne qu’au moyen d’un « toujours plus » : toujours plus de réglementation, toujours plus de dépenses publiques. Le « je dépense donc je suis » est devenu la preuve de l’existence de l’homme politique. Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’argent, et la machine à dépenser est en panne. Il faut donc penser autrement l’action publique.
Il est donc temps d’engager les réformes ?
Je me rappelle cette phrase qu’on murmurait à l’Est, quelque temps avant l’effondrement du mur de Berlin : « Le sommet ne peut plus, la base ne veut plus ! ». J’ai le sentiment qu’elle vaut aujourd’hui pour notre pays.
Nous avons un vrai besoin de réformes, pas d’une « perestroïka » à la française, dont l’objectif serait de sauver avant tout les intérêts de notre nomenklatura.
L’enjeu, c’est, comme je l’ai dit, la redistribution du pouvoir, d’un pouvoir trop concentré, d’un pouvoir trop parisien. Ce pouvoir est chaque jour remis en cause par l’Europe, par la mondialisation de l’économie, par l’étonnante capacité de la société civile et des collectivités locales à assurer, mieux que l’État, des activités exercées aujourd’hui sous la houlette de l’État. Et lorsqu’il est question de redistribuer le pouvoir, c’est que l’on se situe à un moment fort de l’histoire. Voilà qui explique l’âpreté des résistances et la difficulté des réformes !
Comment organiser cette redistribution des pouvoirs ?
C’est affaire de volonté. Et plus encore une affaire de méthode. Nous y reviendrons. Mais s’il n’existe pas de plans d’architectes tout prêts pour effectuer cette redistribution des pouvoirs, nous disposons en revanche d’un principe qui peut nous guider.
De quel principe s’agit-il ?
Ce principe, c’est le principe de responsabilité, admirablement résumé par la formule d’Abraham Lincoln : « le pouvoir ne doit pas faire ce dont les citoyens sont capables. »
Ce qui veut dire concrètement que rien ne doit être fait par une collectivité publique qui peut l’être par les personnes elles-mêmes, les familles, les entreprises ou les associations. Rien ne doit être fait par l’État centralisé qui peut l’être au niveau des collectivités locales. Rien ne doit être fait, enfin, à l’échelon de l’Europe qui peut-être fait à celui de la France.
Je me dois d’ajouter qu’avant d’être un principe d’efficacité, ce principe de responsabilité est un principe éthique, issu de notre héritage chrétien et humaniste : l’homme est une personne responsable à laquelle il faut faire confiance. Ce qui fait que tout homme est appelé par nature à gouverner sa propre personne.
Voilà un principe qui nous permettra de libérer le fantastique potentiel de courage, d’initiative et de progrès que recèle notre société tout entière, pour entrer gagnants dans la société du XXI siècle.
Et comment le mettre en œuvre ?
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