Par Aymeric Pontier
En tout cas, c’est la conclusion « ambitieuse » que tire la revue technologique du MIT à partir d’une étude scientifique portant sur l’analyse des comportements humains à travers les mondes virtuels.
Sur ce magazine existe un blog passionnant dont l’objet est de faire une recension quotidienne des meilleures idées ou découvertes scientifiques publiées sur le forum arXiv.org, qui est une pépite mystérieuse dont le Web US a le secret. La pépite en question est une archive de prépublications électroniques d’articles scientifiques dans les domaines de la physique, des mathématiques, de l’informatique, ou autre, et qui est accessible gratuitement à tous.
Sur ce site, j’avais déjà découvert en Janvier 2011 une autre étude du chercheur Daniel Gayo-Avello sur la trahison des réseaux sociaux. Celui-ci était parvenu à créer un algorithme permettant de déterminer les caractéristiques personnelles et intimes des utilisateurs de Facebook et Twitter en fonction de leurs amis ou abonnés. Même pour les utilisateurs ayant des comptes protégés ou en accès restreint, car il se sert de notre réseau social pour nous déterminer.
Mais revenons à la recherche sur les comportements humains. Les énormes quantités de données disponibles sur les mondes virtuels ou les réseaux sociaux, offertes « gratuitement et librement » par les utilisateurs, intéressent de plus en plus les sociologues, car elles permettent de visualiser certains comportements humains sur de longues périodes. Des comportements humains qu’il aurait été difficile voire impossible d’observer à travers une étude sociologique « classique ».
Le professeur Stefan Thurner de l’Institut Santa Fe a étudié les schémas récurrents qui émergent dans un monde virtuel où chaque action de chaque participant est enregistrée. Il a choisi un jeu massivement multi-joueur nommé Pardus qui compte plus de 380 000 adeptes.
Il s’est focalisé plus précisément sur 8 actions basiques que tous les joueurs entretiennent les uns avec les autres : communication, commerce, nouer et rompre des amitiés, se faire des ennemis et faire la paix, attaquer et punir. Pour résumer, il a enregistré chacune de ces 8 actions chez tous les joueurs, et cherché des récurrences à l’intérieur de cette énorme base de données.
Grâce à ce travail, il est parvenu à repérer quelques règles communes. Tout d’abord, il y a trois types d’actions dominantes, dans l’ordre : l’agression, le commerce, et la communication. Ensuite, la tendance aux « bonnes actions » est stimulée si l’on a soi-même bénéficié préalablement d’une « bonne action ». Et inversement, ce qui n’étonnera personne. Là où ça devient intéressant, c’est que la probabilité de commettre une « mauvaise action » (après en avoir subi une) est 10 fois plus forte que celle de commettre une « bonne action » (après en avoir reçu une).
Les « mauvaises actions » sont donc 10 fois plus « infectieuses » que les « bonnes actions ».
L’analyse montre que le comportement de tous les joueurs est principalement « bon » la plupart du temps. Ce qui est d’autant plus intéressant que, dans ce jeu, les joueurs ne risquent rien. C’est juste un jeu. Ils pourraient laisser libre cours à leurs pulsions négatives. Mais non. Cela va à l’encontre de l’idée reçue qui veut que les utilisateurs de ces jeux n’y aillent que pour se défouler.
Par ailleurs, venant confirmer l’adage « Le crime ne paie pas », les joueurs qui ont une plus grande proportion de « mauvaises actions » à travers leur utilisation du jeu ont tendance à « mourir » plus vite que les autres. Et ce, pour deux raisons d’après le chercheur : ils ont plus de chances de se faire pourchasser par les autres, et ils ont plus de mal à maintenir une vie sociale. Dans les deux cas de figure, ils finissent par quitter le jeu par frustration et lassitude.
Le chercheur américain en tire la conclusion, d’après ces preuves empiriques, que l’humanité est naturellement encline à avoir des actions réciproques et un « bon » comportement.
Autrement dit, que l’humanité serait fondamentalement et naturellement bonne.
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Article repris du blog Singularité et Infosphère avec l’aimable autorisation de l’auteur.