Titre : Fraternity, T1 : Livre 1
Scénariste : Juan Diaz Canales
Dessinateur : José Luis Munuera
Parution : Mai 2011
« Fraternity » est une série composée de deux tomes dont l’opus initial est sorti en mai dernier. Il s’intitule sobrement « Livre 1 / 2 ». IL est édité chez Dargaud dans un format classique. Il est composé d’une cinquantaine de pages et est vendu pour un petit peu moins de quatorze euros. La couverture est sombre. L’atmosphère est lourde et oppressante. Le seul personnage présent apparaît au premier plan. Il s’agit d’un enfant recroquevillé sur lui-même. Mais malgré sa qualité certaine, ce n’est pas cette image qui m’a attiré vers ce livre. En effet, c’est en lisant le nom de ses auteurs que ma curiosité s’est éveillée. Diaz Canales et Munuera se sont associés pour donner jour à ce bouquin. Le premier est le scénariste de « Blacksad ». Le second est l’auteur de « Le Signe de la Lune ». Il s’agit à mes yeux de chef d’œuvre qui me procure un plaisir monstre à chaque lecture. Je ne pouvais donc me laisser attirer car « Fraternity ».
Pour vous présenter l’intrigue, je vais me contenter de reprendre le texte présenté sur la quatrième de couverture de l’album. « Depuis l’aube des temps, l’homme cherche sans succès un modèle de société parfaite. Au milieu du XIXe siècle, Robert McCorman, un riche visionnaire, croit que le moment attendu est arrivé. Soutenu par un groupe hétérogène d’hommes et de femmes portés par des idéaux, il fonde la colonie de New Fraternity, aux Etats-Unis, véritable semence au cœur du nouveau monde. Hélas, la jeune nation américaine se déchire dans une guerre fratricide, réveillant ainsi de vrais démons. Emile, un garçon sauvage, est découvert dans la proche forêt : il rejoint la colonie sous la protection de Fanny Zoetrope, une femme d’exception. Emile sera alors témoin d’événements dramatiques qui s’enchaineront après l’intrusion de déserteurs. Pendant ce temps, une étrange et inquiétante créature rôde autour du village, semant le doute et nombre d’interrogations. Quel est le lien entre cette créature et Emile ? New Fraternity survivra-t-elle à cette nouvelle menace ? »
Comme on peut le lire, le projet de cette série est particulièrement ambitieux. Les trames semblent nombreuses et imbriquées. On a du mal à croire que cela sera évoqué et résolu en seulement deux tomes. Devant la densité de l’histoire, les auteurs ne peuvent pas se contenter les différents thèmes dans ce premier opus. Il faut entrer dans le vif du sujet et mener la narration tambour battant. A la lecture du synopsis et à l’atmosphère qui accompagne notre lecture, il est évident que cet ouvrage s’adresse à un public adulte. De plus, la richesse du projet fait qu’une grande galerie de personnages nous est présentée. Le rôle de chacun et les interactions entre eux ne sont pas toujours évidents dès la première rencontre. La lecture de ce bouquin nécessite d’être bien concentré pour en saisir tous les arcanes. Une découverte en diagonale est une cause perdue.
Tous les thèmes évoqués par la quatrième de couverture apparaissent dans cet album. Tout d’abord, on découvre Emile. Il est trouvé au beau milieu de la forêt par des membres de la New Fraternity qui était alors en chasse contre la créature précédemment citée. Il s’agit du prologue à l’histoire. Ensuite, on suit le quotidien de la vie dans cette colonie dont on comprend rapidement les grands axes de fonctionnement. Néanmoins, sa structuration reste assez floue. Enfin, à mi-chemin de notre lecture, on rencontre les déserteurs accueillis dans la cité. Evidemment, chaque pendant de la trame est accompagné de son lot de questions et de zones d’ombre. On ressent bien souvent au fur et à mesure de la découverte des pages qu’on ne maitrise pas tout. Les auteurs semblent un malin plaisir à créer ce sentiment. L’une des conséquences à tout cela et que l’intrigue dégage parfois une impression brouillonne pas forcément agréable. On comprend aisément qu’on ne sache pas tout dès les premières pages. Le plaisir réside dans la découverte de l’inconnu. Néanmoins, « Fraternity » nous donne parfois le sentiment d’avancer à l’aveugle et de manière hasardeuse. J’ai ainsi parfois eu du mal à me passionner pour les aventures de tout ce beau monde.
Mais cela n’a pas fait de cet album un objet fade et sans attrait. En effet, le talent de ses auteurs regorge de suffisamment de cordes à leurs arcs pour nous charmer d’une manière ou d’une autre. Exceptionnellement, je vais commencer par les dessins. Ils sont somptueux. Je retrouve la patte de Munuera. Il se dégage des pages une atmosphère pesante et envoutante. Chaque page est quasiment monochromatique. Sa couleur dépend du moment de la journée ou du lieu. Le dépaysement qui en découle est total. Pour cela, il faut mettre en avant le travail de Sedyas qui était responsable de cette partie du travail. Sinon les personnages sont très stylisés. On arrive assez rapidement à les reconnaître et en nous en faire une opinion même si elle peut s’avérer trompeuse.
Mais la richesse et l’ambigüité des protagonistes est une marque de Diaz Canales. Déjà dans « Blacksad », il accordait une importance certaine au caractère des différents intervenants. On retrouve ici ce même talent. Aucun ne nous laisse réellement indifférent. On ressent parfois de l’empathie, à d’autre moment de l’appréhension. Certains nous sont sympathiques dès leur première apparition, d’autres nous irritent au plus au point. Néanmoins, le personnage central reste quand même Emile. Cet enfant sauvage qui ne s’exprime pas nous intrigue tout en développant chez le lecteur de l’affection à son encontre.
Malgré ce que je pensais, l’intrigue a finalement peu avancé dans cet opus. Les décors sont en place, les protagonistes aussi. On attend la suite. Je suis d’ailleurs curieux de voir comment en posant autant de jalons les auteurs vont pouvoir tout terminer en un seul tome. Cela serait une performance remarquable. En tout cas, ce premier album de « Fraternity » vaut davantage par son ambiance et son atmosphère que par son scénario. Ce dernier apparaît légèrement brouillon en comparaison de l’envoutement généré par les différentes pages. J’attends donc la suite avec une curiosité certaine…
par Eric the Tiger
Note : 14/20