La France roupille en cette fin de règne de Jacques Chirac. La droite, qui se
veut décomplexée, s'apprête à prendre la relève d'une droite qui n'en finit pas de se déliter. La gauche semble incapable
d'offrir une véritable alternative.
Le héros, Benjamin Strada, signe des temps, est homo. Il ne nous épargne aucun des états d'âme et de corps, auxquels conduisent cette préférence sexuelle.
Eh oui les homos connaissent les peines de coeurs et les ruptures qui frappent les hétéros. Ils consultent aussi les psys, croyant trouver sur le divan remède à ce qui leur trotte dans la
tête. En exergue d'un chapitre, l'auteur cite un Chesterton souvent bien inspiré :
"La psychanalyse est une confession sans abolution."
Les homos ne sont pas obligatoirement de gauche ni illettrés - Benjamin lit Proust, ce qui n'est d'ailleurs pas une exclusivité des homos éclairés. Quand ils ont perdu
l'âme soeur, ils en retrouvent dix, voire plus, sans être pour autant comblés ni satisfaits, tout comme les hétéros. Don Juan en sait quelque chose...
Benjamin Strada est journaliste au Gaulois, le grand quotidien de droite. Il y est "chargé de dégoter des
intellectuels pour alimenter les pages Débats". Il serait resté à cette place sans histoire s'il n'avait pas fait la connaissance, au sens biblique de Sodome, d'un
personnage qui pèse sur la bonne marche du groupe de presse, comprenant le Gaulois Magazine, la Gauloise et le Gaulois
Télé, toute ressemblance avec un groupe existant ne pouvant bien sûr qu'être fortuite.
Un tel ticket d'entrée ne préfigure pas pour autant comment se fera la sortie... Strada - promu grâce au canapé ? - devient rédacteur en chef du Gaulois Magazine, où pendant huit
mois, il va insuffler un air nouveau, qui, s'il ne déplaît pas aux lecteurs - mais qui s'en soucie ? - ne va pas donner satisfaction à ceux qui l'ont placé au top, sans doute parce
qu'il a un art consommé de faire l'idiot, quand on lui demande simplement d'être servile.
Macé-Scaron, qui connaît bien son monde politico-médiatique français, nous fait pénétrer dans ce petit monde cynique et friqué, qui n'a pas d'autre objectif que de servir ses propres intérêts, et
qui se préoccupe comme d'une guigne de ceux qu'ils seront un jour censés représenter, une fois conquis le pouvoir. Il le fait sur un ton volontiers ironique, multipliant les bons mots
et les petites phrases qui claquent parfois comme des gifles bien assénées sur les bajoues.
Au final, malgré qu'on en ait, on ne peut que trouver jubilatoire cette liberté de se moquer de ceux qui tiennent le haut du pavé et que l'auteur, qui les a côtoyés, décrit si bien jusque dans
les petits détails croustillants qui les tuent. Il n'est pas sûr que ces derniers apprécient tellement ce genre de moquerie. Tout le monde n'est pas capable d'auto-dérision, ni
d'exercer avec bonheur cette faculté anglo-saxonne qu'on appelle l'humour.
Francis Richard