La loi du 22 mars 2011 sur les noms de domaine a enfin son décret
Nous vous avons parlé de la loi du 22 mars 2011 et de ses conséquences à de nombreuses reprises, ICI, ICI et ICI. Pour rappel, le Conseil constitutionnel ayant jugé l’article L45 du Code des postes et des communications électroniques contraires à la Constitution française, une nouvelle loi a été promulguée le 22 mars 2011 dont l’application a été fixée en grande partie au 30 juin 2011. Un des grands changements qu’apporte cette loi est l’ouverture par l’AFNIC des termes fondamentaux. Toutefois les demandes d’enregistrements comme nom de domaine de ces termes réservés ou interdits étaient, bien que possibles depuis le 1er juillet 2011, en attente dans la mesure où leur examen ne pouvait commencer tant que le décret relatif à la loi du 22 mars 2011 n’était pas intervenu. C’est donc avec une sacrée impatience que le monde des noms de domaine attendait ce décret.
Heureusement, ce mercredi 3 août 2011, ce décret tant important a été publié au Journal officiel. L’AFNIC précise donc sur son site internet que l’examen des 6158 requêtes déposées à ce jour va pouvoir commencer. Bientôt donc, les personnes qui ont fait des demandes d’enregistrement de termes interdits ou réservés recevront une réponse de l’AFNIC concernant leur motivation et leur intérêt légitime à obtenir tel nom de domaine, réponse qui sera communiqué par le registrar à qui ils auront confié le traitement de cette demande, puisque telle était la procédure requise.
Toutefois, il convient de relever que l’intérêt de ce décret n°2011-926 du 1er août 2011 n’est pas uniquement de débloquer la situation dans laquelle se trouve actuellement l’AFNIC, les registrars et les personnes ayant fait des demandes. En effet, un certain nombre d’autres points sont précisés par le décret.
Les dispositions concernant les offices d’enregistrement : Ce sont les articles R20-44-34 à R20-44-37 qui soumettent les offices d’enregistrement (comme l’AFNIC) à un certain nombre d’obligations. Ainsi, ils doivent avoir leur siège sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne et doivent respecter des règles de fonctionnement et de contrôle. De plus, on apprend que les offices d’enregistrement sont désignés pour une durée de cinq ans qui n’est renouvelable qu’une seule fois, suite à une consultation publique et à la décision du ministre chargé des communications électroniques. Dorénavant, il est également prévu que les registres – qui ne peuvent pas être registrar, est-il précisé – publient quotidiennement, en accès libre et sans contrepartie, les noms de domaine enregistrés la veille et transmettent avant le 30 juin de chaque année un rapport au ministre des commerces électroniques sur l’activité de l’année précédente. Enfin, les offices d’enregistrement devront signaler sans délai aux services de ce même ministre les noms de domaine illégaux ou contraires à l’ordre public.
Les critères d’accréditation des bureaux d’enregistrement : L’article L45-4 du Code des postes et des communications électroniques, créés par la loi du 22 mars 2011, rappelle que les bureaux d’enregistrement sont accrédités par les offices d’enregistrement. C’est donc naturellement que le décret, par l’article R20-44-40, précise quels sont les critères de cette accréditation. L’AFNIC précise sur son site internet que les semaines à venir vont lui permettre de réfléchir à la mise en place de ce processus et que dans l’intervalle, conformément au décret, « les bureaux d’enregistrement sous contrat avec l’AFNIC continuent d’exercer leur activité dans les conditions prévues par ce contrat ».
La définition de l’intérêt légitime et de la mauvaise foi : C’est l’article R20-44-43 qui apporte une définition de ces deux notions un peu particulières.
Ainsi, pourra notamment caractériser l’intérêt légitime d’un demandeur ou d’un titulaire d’un nom de domaine le fait
« – d’utiliser ce nom de domaine, ou un nom identique ou apparenté, dans le cadre d’une offre de biens ou de services, ou de pouvoir démontrer qu’il s’y est préparé ;
– d’être connu sous un nom identique ou apparenté à ce nom de domaine, même en l’absence de droits reconnus sur ce nom ;
– de faire un usage non commercial du nom de domaine ou d’un nom apparenté sans intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d’un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit. »
La mauvaise foi quant à elle pourra notamment être caractérisée en présence d’un demandeur ou d’un titulaire d’un nom de domaine qui aura :
« – obtenu ou demandé l’enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d’un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l’exploiter effectivement ;
– obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d’un produit ou service assimilé à ce nom dans l’esprit du consommateur ;
– obtenu ou demandé l’enregistrement d’un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d’un intérêt légitime ou d’un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d’un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l’esprit du consommateur. »
Il convient toutefois de relever que ces deux définitions sont annoncées par l’expression « pourra notamment caractériser », ce qui est révélateur de la volonté de ne pas renfermer ces deux notions dans un cadre trop strict. Ainsi, si, effectivement, ces différentes attitudes détaillées par le décret seront constitutives d’une mauvaise foi ou d’un intérêt légitime, elles ne sont en réalité que des exemples. En effet, l’utilisation du terme « notamment » nous laisse entendre que cette liste ne semble pas être exhaustive, et donc que d’autres comportements sont susceptibles de caractériser la mauvaise foi ou l’intérêt légitime.
Article de Justine BARNOUIN, Juriste en propriété intellectuelle et Droit des NTIC