Cette bande dessinée, accompagnée de photos, est le récit du photo-reportage du photographe Didier Lefèvre qui a quitté Paris en juillet 1986 pour rejoindre une équipe de Medecin Sans Frontière (MSF). L'ONG intervenait en Afghanistan durant l'invasion soviétique aux prises avec la résistance des moudjahidines.
Avant la guerre, l'URSS soutenait l'Afghanistan, les États-Unis le Pakistan et l'Inde faisait partie des pays non-alignés (considéré alors par les États unis comme hostile). En 1973, le prince Mohammed Daoud Khan a mené un coup d'État et éloigne l'Afghanistan de la sphère soviétique. L'URSS intervient alors en 1978 dans le pays et met en place des réformes au niveau de l'alphabétisation, de l'agriculture, mais aussi sur des points très éloignés des valeurs conservatrices Afghanes : laïcité et le droit des femmes. Une résistance s'organise (aidé secrètement par les États-Unis) et la désertion de l'armée afghane qui combat du côté russe permet à la résistance de tenir. La guerre prendra fin en 1989 après le retrait des troupes russes ordonné par Gorbatchev. L'Afghanistan va alors subir une violente guerre civile. La situation se "stabilisera" avec l'arrivée des talibans au pouvoir en 1996, soutenus par les États-Unis et le Pakistan. Ils imposeront une loi islamique et le pays deviendra une zone d'entrainement pour les terroristes...
Le voyage de Lefèvre commence à Peshawar une ville pakistanaise aux abords de la frontière afghane. C'est là-bas qu'il rejoint l'équipe de MSF qu'il doit accompagner. L'ONG n'est pas autorisée à pénétrer dans le pays. Pour traverser la frontière, les équipes de l'organisation se joignent à une "caravane". Il s'agit de moudjahidines qui viennent chercher des armes aux Pakistan pour alimenter le front. Ils parcourent des zones montagneuses loin des endroits contrôlés par les Russes.
Dans le premier Tome, "Au coeur de l'Afghanistan", c'est ce parcours qui est relaté. Une randonnée initiatique de trois semaines dans un cadre rudimentaire. La marche se fait souvent de nuit pour ne pas être repéré, les routes sont sinueuses, l'altitude rend le souffle difficile. Il n'est pas rare que des chevaux et des ânes, qui transportent le matériel, ne peuvent plus suivre. Ils sont poussés jusqu'à leur limite et quand ils ne peuvent plus avancer, ils sont abandonnés, agonisant.
Le second tome s'intéresse à l'arrivée dans Zaragandara où les médecins pratiqueront des soins. L'accueil des habitants y est chaleureux. Ils attendaient le retour d'une équipe de MSF avec impatience. Tous les jours des individus viennent pour y être soignés. Il faut faire un tri entre ceux qui n'ont rien et les grands blessés. Certaines mutilations sont horribles, les photos sont brutes. Les conditions d'opération sont précaires, mais les médecins ne rechignent pas à la tâche.
Enfin dans le troisième et dernier tome nous suivons le chemin du retour du photographe. Mais à la différence de l'aller, Lefèvre a voulu y partir sans Occidentaux. La tâche va être plus compliquée qu'il ne pensait puisque, malgré une meilleure forme physique pour arpenter les différents cols, il est accompagné d'hommes qui ne sont pas pressés d'arriver à destination. On lui a dépêché quatre paysans, les moudjahidines plus habitués à ce genre d'activité sont utilisés pour les grandes caravanes. Bien des déboires vont l'attendre, d'autant qu'il ne parle pas la langue locale. Il va être victime de racket à plusieurs reprises et se retrouver dans des situations très délicates, seul. Des trois volumes, c'est ce dernier que j'ai préféré.
Un superbe récit au plein coeur d'un Afghanistan rural et isolé, peu ouvert sur le monde, mais accueillant où le temps n'est pas perçu de la même façon que par chez nous.