Détournement h16
La Cour de justice de la République (CJR) a ouvert une enquête sur le rôle de l’actuelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, dans l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais. L’annonce a été faite à la mi-journée. Cécile Petit, procureur général près la Cour de cassation par intérim, saisira la commission d’instruction de la CJR «dans les prochains jours» pour «complicité de faux» et «détournement de biens publics». La Cour de justice de la République (CJR) est l’instance chargée de juger les faits reprochés à des ministres dans le cadre de leurs fonctions.
Des éléments susceptibles de caractériser un « abus d’autorité »
À la demande de neuf députés socialistes, la commission des requêtes de la CRJ avait été saisie en mai par le procureur général près la Cour de cassation Jean-Louis Nadal, désormais en retraite. La ministre de l’époque avait penché en faveur d’un règlement du conflit par le tribunal arbitral, une instance juridique privée. Ce tribunal avait condamné en juillet 2008 le Consortium de Réalisation, structure publique qui gérait le passif du Crédit Lyonnais, à verser à Bernard Tapis 285 millions d’euros d’indemnités, soit un total de 400 millions d’euros avec les intérêts en provenance des caisses de l’État.
Il est reproché à l’ancienne ministre ce recours à un arbitrage privé alors qu’il s’agissait d’argent public, d’avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres (selon Mediapart, l’un des juges arbitres du tribunal n’était pas impartial, car il avait déjà eu des relations professionnelles avec l’avocat de Bernard Tapie, un fait connu de la ministre) et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé alors que plusieurs spécialistes l’y avaient encouragée. Jean-Louis Nadal avait considéré qu’il existait des éléments susceptibles de caractériser un « abus d’autorité ».
L’enquête promet d’être longue
L’enquête de la CJR pourrait prendre plusieurs années. L’avocat de Christine Lagarde a prévenu que cette enquête ne serait «pas incompatible» avec ses fonctions au FMI.
Que risque Christine Lagarde?
La «complicité de détournement de biens publics et complicité de faux» est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende. Depuis sa création en 1993, la CJR a examiné plus d’un millier de plaintes et n’a jugé que six ministres.
Grandes dates de l’affaire Adidas entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais
1993
15 février : le groupe allemand Adidas est vendu par Bernard Tapie pour 315,5 millions d’euros à un groupe d’investisseurs dont le Crédit lyonnais (CL), alors public.
1994
14 décembre : Tapie est personnellement placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris.
26 décembre : Robert Louis-Dreyfus, président du directoire d’Adidas depuis avril 1993, prend le contrôle d’Adidas pour 701 millions d’euros. Tapie dénonce la vente et réclame l’année suivante 229 millions d’euros de plus-value de cession au CL. En 1998, il demandera 990 millions d’euros au CL pour « montage frauduleux ».
2005
30 septembre : après des années de procédure, la cour d’appel de Paris condamne le Consortium de réalisation (CDR), organisme public gestionnaire du passif du CL, à payer 135 millions d’euros à Tapie.
2006
9 octobre : la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.
2007
25 octobre : le CDR accepte la saisine d’un tribunal arbitral, procédure privée.
2008
11 juillet : le tribunal arbitral condamne le CDR à verser 285 millions à Tapie (près de 400 millions avec les intérêts).
28 juillet : Bercy annonce que le CDR ne déposera pas de recours contre la sentence et que Tapie ne touchera au final que 20 à 50 millions. Il faut « en finir avec cette histoire des années fric », déclare la ministre de l’Économie Christine Lagarde.
2009
18 mars : dernier paiement de 101 millions aux liquidateurs du groupe Bernard Tapie pour solder le litige avec le CL. Tapie estime qu’il touchera au final « entre 20 et 40 millions d’euros ».
2010
8 septembre : le Canard enchaîné affirme que Tapie va en fait empocher 210 millions d’euros.
2011
1er avril : les députés PS demandent la saisine de la Cour de justice de la République (CJR).
10 mai : le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal demande à la CJR une enquête visant Mme Lagarde pour abus d’autorité dans l’arbitrage favorable à Bernard Tapie.
9 juin : Christine Lagarde assure avoir « la conscience totalement tranquille ».
5 juillet : Christine Lagarde prend ses fonctions de directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).
8 juillet : la CJR reporte au 4 août sa décision sur l’ouverture d’une enquête.
26 juillet : le Conseil d’État rejette les pourvois du député centriste Charles de Courson et de deux contribuables demandant l’annulation de l’arbitrage. Il écarte tout vice de procédure.
4 août : la CJR ouvre une enquête sur Christine Lagarde, pour son rôle dans l’affaire Tapie/Crédit lyonnais quand elle était ministre de l’Économie.